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Sur les frontières du Maroc et de l’Algérie : Khaled

Publié le 11 octobre 2009 par Gonzo

Sur les frontières du Maroc et de l’Algérie : Khaled

A la notable différence de la France où elle est assez maîtrisée pour qu’on lui consacre un ministère qui vaque également à l’immigration et à l’intégration, l’identité arabe est tout sauf inamovible et éternelle. Au gré des individus, cette « identité » joue de ses constituants multiples où figurent en bonne place les dimensions arabe et musulmane bien entendu, mais aussi la référence nationale, en dépit d’accessions à l’indépendance qui, dans bien des cas, ne remontent qu’à quelques dizaines d’années.

Sans avoir suivi de séminaires en géopolitique, les artistât (pour le sens à donner à ce mot, voir ce billet) le savent bien, elles qui n’hésitent pas à faire vibrer la corde nationale pour susciter, au sein d’un public réunissant des Arabes de différentes origines, une saine émulation, laquelle peut se traduire par une surenchère de grosses coupures glissées à qui mieux mieux sous les quelques centimètres de tissu disponibles dans leurs tenues de travail.

Ne bénéficiant pas forcément des mêmes atouts, les chanteurs jouent pourtant sur la même corde sensible en se drapant, eux, chaque fois qu’ils le peuvent, dans les plis de l’emblème national de leurs auditeurs, avec le risque, parfois, de se prendre les pieds dedans !

Sur les frontières du Maroc et de l’Algérie : Khaled
On a raconté, dans un précédent billet, les mésaventures de Saad al-Saghir (سعد الصغير), un jeune chanteur à la mode pas toujours très sage, avec le drapeau saoudien. Mais l’Algérien Khaled, parce qu’il est une des plus célèbres vedettes du monde arabe avec, en prime, une réelle célébrité mondiale, demeure sans conteste le plus grand des chanteurs manieurs d’oriflamme.

Avec quelques soucis, là encore, tant le code des pavillons recèle de subtilités politiques… Durant l’été 2008, Khaled a ainsi connu toutes sortes d’avanies, allant de l’agression physique à l’annulation de concerts, lors de sa tournée marocaine. A en croire la presse (article par exemple sur le site alarabonline), le public local réagissait ainsi aux informations selon lesquelles l’auteur de Didi s’était permis de brandir, lors d’un concert en Espagne, l’emblème national du Polisario.

Sur les frontières du Maroc et de l’Algérie : Khaled
Comme si ce n’était pas assez d’une telle marque de soutien à l’indépendance du Sahara occidental – revendiqué par le Maroc après le retrait espagnol de 1975 et, depuis, pomme de discorde entre les diplomaties marocaine et algérienne –, le cheb a trouvé moyen, toujours durant l’été 2008, de chanter sur scène couvert du drapeau chérifien, certes, mais en tenant également à la main un étendard amazigh (bleu, jaune et vert avec au milieu un signe tifinagh comme le précise cet article de Maroc-hebdo). Encore une indiscutable atteinte à la souveraineté nationale puisqu’il s’agit cette fois de soutenir un mouvement séparatiste !

Khaled, qui n’a pas la réputation d’un fin tacticien, avait donc bien des choses à se faire pardonner par le Maroc, le pays de son épouse, et c’est peut-être ce qui l’a poussé à se confier à la presse marocaine lors de sa nouvelle tournée, l’été passé. Il a affirmé en particulier combien les dirigeants des deux pays, dont il serait l’intime, souhaitaient l’un comme l’autre « tourner la page » pour ce qui est de la question de leurs relations mutuelles. Cette fois le chanteur a réussi à provoquer un véritable tollé dans sa patrie d’origine. Il faut dire que, selon un article dans Liberté, il aurait été jusqu’à comparer l’expulsion des Marocains d’Algérie, au milieu des années 1970, à la déportation des juifs par les nazis ! Clouant au pilori « Khaled le Marocain », le quotidien algérois, réputé proche du pouvoir, rappelle que l’expulsion de milliers de Marocains, au plus fort des tensions entre les deux pays, n’était que la juste réponse à des persécutions marocaines remontant… aux temps de l’émir Abdelkader ! Et comment croire que la politique algérienne puisse renier des engagements pris, dès 1963, par le ministre des Affaires étrangères de Boumediene, le très jeune Bouteflika à peine plus âgé alors que ne l’est aujourd’hui Jean Sarkozy - à qui l’on souhaite la même longévité politique - au moment où il se porte candidat à la tête de l’EPAD…

La polémique s’est éteinte aussi rapidement qu’elle s’était allumée grâce à un autre article, publié dans le quotidien Ennahar Eldjedid, dans lequel Cheb Khaled a farouchement nié avoir jamais prononcé de telles paroles. Pour une fois, le chanteur aura donc « mis son drapeau dans sa poche » !

Sur les frontières du Maroc et de l’Algérie : Khaled
Le cheb n’est pas le seul chanteur algérien à se tromper d’emblème national… Il y a deux ans, Reda Taliani (voir cet article) avait fait scandale en soutenant, devant 100 000 spectateurs marocains enthousiastes, la position marocaine sur le Sahara occidental. Il n’était plus le bienvenu sur les ondes algériennes, tout comme la chanteuse algérienne Fulla (rien à voir avec la poupée du même nom !), privée d’antenne pour avoir tourné un clip drapée d’un magnifique caftan… marocain !


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