"L'affaire" France Telecom

Publié le 11 octobre 2009 par François Némo @ifbranding



De Gaulle disait, « La guerre est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des militaires. » Une formule qui pourrait s’appliquer à France Telecom « La métamorphose d’une entreprise de communication est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des ingénieurs. » Problème récurent des grands groupes français issus de la Nation (Renault, EDF, banques, assurances, etc) leur esprit de corps et leur déni de la dimension identitaire d’une entreprise. Leur manque de perspective et d’ampleur. Michel Bon (ancien PDG de FT) disait que « France Telecom était passée de la culture du service public à la « machine à cash ». Un formidable bond en avant technologique bien sûr, mais fondé sur le court terme et qui n’a aucune chance de projeter l’entreprise au rang des grandes marques internationales.


L’outil identitaire
Au même titre qu’il existe dans l’entreprise un outil technologique ou financier, il existe un outil identitaire (que j’appelle aussi l’outil socioculturel). C’est la « marque » de l’entreprise, sa raison d’être, le socle du contrat qu’elle va passer avec ses salariés, son public, ses actionnaires. Si cet outil identitaire a toujours été un des éléments moteurs du succès, son rôle est devenu « premier » dans un monde globalisé. Comment fonder un projet, mobiliser ses salariés et se faire reconnaître du public dans une contexte mondial où toutes les technologies sont standardisées, reproduites, copiées, ou tous les produits sont uniformisés. Sinon à travers une identité.
Personne bien évidemment n’achète une idée ou un concept. À l’origine de la marque il y a toujours un produit ou un service. La fonction première de la marque est de donner des informations et des garanties sur des éléments transactionnels, prix, qualité, origine, capacité d’innovation… Mais le produit n’a pas de sens, il n’a que des attributs. Ce sont les valeurs associées au produit qui font la différence et intéressent le public dans cette nouvelle économie (qui s’installe) et qu’on pourrait qualifier de « contribution » : Qu’est-ce la marque nous dit à travers et au-delà de ses produits, comment elle se comporte, ses engagements, sa capacité de nous faire rêver ou de nous surprendre, son rôle social, son apport à la collectivité, sa cohérence ? France Telecom est très éloignée de cette idée du management.
A l’interne, un projet collectif
La marque est d’abord un projet collectif avec des dimensions sociales et symboliques qui donnent aux salariés un statut, une existence avec et pour les autres. Quel est notre rôle ? Comment travailler pour soi et pour l'entreprise à la fois ? Par opposition, la « machine à cash » entraîne non seulement le salarié à travailler sans les autres, il est conduit à travailler contre les autres, et donc à vivre non seulement sans les autres mais contre les autres. L’entreprise ne voit dans le salarié qu'un commercial et dans l'usager qu'un consommateur qui paye (dixit les banques et les compagnies d’assurances). Méfiance, perte de confiance, une situation rapidement insoutenable et qui au–delà des dégâts qu’elle provoque à l’interne fragilise l’entreprise, sa rentabilité, son existence. Que se passera-t-il si Free devient le 4em opérateur ? Quelles sont les armes dont France Telecom dispose pour lutter contre ce nouvel (possible) opérateur ?
M. Lombard est-il directement en cause dans cette vague de suicides ? Pas vraiment. N’a-t-il pas mis en œuvre ce qu’il savait faire ? Les responsables ne sont-ils à chercher plutôt du côté des actionnaires qui l’ont projeté à la tête du Groupe. Des actionnaires qui sans aucun doute ont de l’entreprise, une vision court-termiste et sans ampleur… On peut légitimement s’interroger, au regard de cette dramatique affaire, sur notre vision du monde et sur notre place (à moyen et long terme) dans le jeu économique mondial.