Franck : professeur de sciences physiques en Seine-et-Marne
« Nous avons dans une même classe des élèves à 19 ou 19,5 de moyenne sans aucun effort, qui s'ennuient toute l'année, et d'autres qui sont totalement perdus. On nous dit qu'il faut faire de la pédagogie différenciée, mais à vingt-huit, c'est impossible. À ce compte-là, tout le monde y perd. La scolarité obligatoire, c'est très bien, tout dépend ce qu'on appelle scolarité. Le lycée professionnel ou l'alternance, c'est de la scolarité. On maintient de force les élèves dans le système, et en même temps, on les fait passer dans la classe supérieure alors même qu'ils sont largués. Je me souviens d'un élève, paumé en troisième, dont le passage en seconde générale avait été exigé par le principal, contre l'avis des professeurs. Il a redoublé sa seconde, et au bout de deux ans, on lui a dit d'aller en filière professionnelle, ce que lui proposaient les professeurs deux ans avant. »
Frantz : professeur de SVT dans le nord de Paris
«Les bons élèves sont mal vus, parfois menacés. J'en ai vu plusieurs qui faisaient exprès de ne pas être à 100 % de leurs capacités pour ne pas être agressés par certains gamins. J'ai posé comme sujet à une classe de 6e : «expliquez pourquoi la marmotte hiberne en hiver.» Une élève m'a demandé ce que signifiait « expliquer ». En 4e, j'ai des élèves qui m'écrivent que « les hommes ont des règles qui durent 28 jours» ou que «les spermatozoïdes font trois mètres de long»… Et surtout, impossible de faire cours dans des conditions correctes. Un jour, où je m'étais énervé, le silence régnait enfin. Une élève s'est exclamée «Oh, c'est drôle qu'il n'y ait plus un bruit.» Elle n'était pas habituée. »
Jérôme : professeur d'espagnol à la Réunion
«Le collège unique, c'est un système où tout le monde ment et se ment. Mon principal m'a expliqué qu'il était «ringard de parler de niveau. Dans le collège unique, il n'y a pas de niveau.» Et c'est vrai, puisque les professeurs sont réduits au rôle d'ascenseur : ils font monter directement les élèves jusqu'en 3e. Donc, ils sont totalement démotivés. Et les élèves aussi. Plus personne ne trouve de sens à tout cela. Une année, dans un collège où l'on pratiquait l'hétérogénéité totale, mes cours ne progressaient pas, j'ai eu mes pneus crevés, des élèves m'ont menacé avec un couteau. Je rentrais chez moi le soir et je pleurais. Cette année, on nous a lu la lettre de prérentrée adressée aux professeurs par l'institution. Il était dit qu'«on n'a pas des élèves en face de nous mais des enfants qui arrivent avec tous leurs problèmes.»