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Le rêve sioniste

Publié le 12 octobre 2009 par Sergeadam
De la tromperie à la vindicte : une interprétation du rêve sioniste
Gilad Atzmon
Un extrait du texte
Hier, au cours d’un débat, à la Librairie Résistance, à Paris (à l’occasion d’une manifestation de collecte d’argent pour Gaza), l’on m’a demandé mon interprétation de la « barbarie évolutive » d’Israël ; comment il peut se faire que 84 % des Israéliens aient soutenu le crime génocidaire de l’armée israélienne à Gaza en décembre dernier.
« Pour comprendre de quelle manière ces pratiques criminelles d’Israël ont émergé », ai-je répondu, « il nous suffit de remonter la filière et de relire les écrits des premiers idéologues du sionisme. Nous pouvons aisément apprendre de la part des penseurs juifs quel est leur « rêve » et la vision qu’ils ont de leurs frères et coreligionnaires. Il se trouve que ces fondateurs du nationalisme juif contemporain ont reconnu, peu ou prou, qu’il y avait quelque chose de totalement corrompu dans l’identité juive, dans la culture juive et dans la personnalité juive. Toutefois, ils pensaient sincèrement que cela était remédiable.
Le sionisme n’avait d’autre raison d’être que de créer un nouveau juif, un être humain civilisé et productif. C’était évidemment là un rêve particulièrement illusoire et épique.
Jeune Israélien, j’ai moi-même succombé à ce rêve rose. J’avais tendance à croire qu’Israël était « mon » pays historique ; je voyais dans les protagonistes de la Bible mes ancêtres en lignée directe. J’étais persuadé qu’au moins dans le cas des ainsi-dit « premiers Israéliens », l’opération de transplantation idéologique avait magistralement réussi. Nous, les jeunes Israéliens nés en Israël, nous avions tendance à croire que nous étions rien de moins que le résultat d’une métamorphose particulièrement réussie, que nous étions des ‘êtres humains laïcs humanistes modifiés et civilisés ».
Inutile de préciser que l’histoire de la Palestine, les Palestiniens et la Nakba étaient totalement cachés à nos yeux. Nous ne voyions même pas les Palestiniens qui étaient autour de nous ; nous n’avions pas conscience de leur souffrance (alors, leur cause, vous pensez bien…) De fait, nous étions totalement aveugles. Nous avions aussi tendance à croire que notre armée était la « plus humaine de toutes les armées de la région ». Nous avons grandi avec l’Agenda de la Victoire de 1967, un luxueux album de photo devenu légendaire, que tout Israélien plaçait bien en évidence sur son étagère. Là, dans ce livre de propagande sur papier glacé, un soldat israélien compatissant donnait à boire à un prisonnier Egyptien.
Ce soldat était, pour nous, le symbole de l’adhésion de notre peuple à l’humanisme universel. Naturellement, nous ignorions le fait horrifiant que le désert du Sinaï avait été en réalité un abattoir pour des centaines de nos prisonniers de guerre égyptiens. Pourquoi ne le savions-nous pas ? C’est là, en soi, une excellente question. Nos pères, qui avaient fait cette guerre, devaient savoir, mais ils se taisaient. Nos parents, qui avaient vu les convois de réfugiés palestiniens en 1948, savaient nécessairement des choses sur la Nakbah, mais ils réussissaient à ne pas en parler.
Très significativement, ce n’était pas seulement nos parents qui se taisaient : nous avions adopté exactement la même attitude. Etant devenus, à notre tour, des soldats de l’armée israélienne, nous avons fait exactement la même chose que nos parents : nous avons fermé les yeux (notamment en 1982, au Liban). Et cela n’a jamais changé. Le réveil moral israélien ne s’est jamais produit. Aujourd’hui, je pense pouvoir dire qu’il ne se produira jamais. Le rêve sioniste est bien trop confortable ; après plus d’un siècle de tromperie à base de morale phantasmatique, les Israéliens sont profondément enfoncés dans leur coma éthique.
Le rêve de « métamorphose humaniste » du sionisme n’a jamais mûri pour produire une réalité ou une pratique. Bien au contraire, les Israéliens et les sionistes ont appris à se voir au travers d’un prisme phantasmatique illusionnant. Bien loin d’avoir été transformés en de véritables humanistes, ils sont devenu des « humanistes-en-chef » de leur propre rêve ultra-judéo-centrique.
Freud nous a enseigné que le rêve a pour fonction de prolonger le sommeil : une sirène d’alarme, les pleurs d’un enfant ou un robinet qui goutte, dans le monde extérieur, se voient incorporés à l’intérieur de notre rêve afin que nous puissions continuer à pioncer.
Le « rêve humaniste sioniste » opère de manière similaire ; il a pour fonction de prolonger la sieste sioniste, de laisser les juifs dans l’ignorance et dans l’insouciance des crimes que commet leur Etat (en leur nom, de surcroît).
Les perturbations provenant du « monde extérieur », comme le rapport Goldstone ou les critiques judicieuses d’Ahmadinejad, sont incorporées à leur rêve sous la forme d’un simple « bruit de fond » généré par un « antisémitisme pathologique ». Bien qu’en réalité l’Etat juif soit d’une barbarie insurpassable, dans leur rêve, il n’est question de rien d’autre que du « Tout va très bien, Madame la Marquise ».
La réalité quotidienne de la barbarie sioniste en Palestine doit nous rappeler à notre devoir de réfléchir à ce rêve initial de transformation qui fut celui du sionisme. En dépit de sa grande promesse, l’Etat juif a échoué à devenir une ‘nation comme les autres’. De la même manière, le peuple sioniste n’est pas réellement un ‘peuple comme les autres’, car aucun autre peuple, au monde, n’approuve collectivement un génocide, comme, lui, il le fait.
L’Etat juif, qui était censé être une célébration d’une transformation identitaire, est devenu, en lieu et place, l’incarnation ultime des symptômes morbides que le sionisme était précisément censé soigner. Israël a d’ores et déjà trouvé le moyen de s’entourer de gigantesques murs de ghetto et il crache le feu et ses armes de destruction massive contre sa population indigène. Il enferme des millions de personnes dans des camps de concentration et il les affame. Aussi curieux cela paraisse, ce n’est que devant la colossale barbarie sioniste que l’on peut vraiment percevoir l’ironie inhérente au rêve sioniste (illusoire) de métamorphose humaniste.
Le sionisme était voué à l’échec : c’est un projet lié à la notion de sang, ce projet est racialement connoté et il est suprématiste jusqu’à la moelle. Le rêve sioniste est devenu un véritable cauchemar dévastateur, et pas en rêve, pour de bon : c’est le Golem** que l’Etat juif réveille, chaque matin, pour commettre de plus en plus de crimes au nom du peuple juif.
Doté d’un arsenal de plusieurs centaines de bombes nucléaires et motivé par une religion de l’Holocauste fantasmatique qui ne prêche rien d’autre que la vengeance, il n’y a pas de plus grand danger pour l’humanité, l’humanisme et notre civilisation qu’Israël et ses thuriféraires dans le monde entier.
Je n’ai qu’un seul conseil à vous donner. Ce conseil, c’est : « ouvrez l’œil, et le bon ! »
** Le Golem est la version yiddish de Frankenstein
Source et traduction Marcel Charbonnier
Le texte Intégral en français sur Palestine Solidarité et anglais Gilad Atzmon

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