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Le criminel-né

Publié le 14 octobre 2009 par Juval @valerieCG

Au 19eme siècle, Césare Lombroso étudiait les criminels ; il en conclut que tous possédaient des caractéristiques anatomiques, psychologiques et sociales communes. De cette réflexion, naquit l’idée du “criminel né“.

Les choses ont-elles tellement changé ?

EN 2005, suite à un rapport de l’INSERM “Troubles des conduites, dépistage et prévention chez l’enfant et l’adolescent”, il fut question d’introduire, dans la loi sur la prévention de la délinquance, le dépistage des enfants de moins de trois ans. Tout comportement telle qu’une agitation “excessive” ou une “froideur” de l’enfant serait consigné.

En 2007, le conseil national d’éthique déclarait face à ce rapport “Une médecine préventive qui permettrait de prendre en charge, de manière précoce et adaptée, des enfants manifestant une souffrance psychique ne doit pas être confondue avec une médecine prédictive qui emprisonnerait, paradoxalement, ces enfants dans un destin qui, pour la plupart d’entre eux, n’aurait pas été le leur si on ne les avait pas dépistés. Le danger est en effet d’émettre une prophétie autoréalisatrice, c’est-à-dire de faire advenir ce que l’on a prédit du seul fait qu’on l’a prédit“.

La même année, Nicolas Sarkozy déclarait que, selon lui, “on naît pédophile, et c’est d’ailleurs un problème que nous ne sachions pas gérer cette pathologie.”

Le 8 août 2009, la sénatrice Nicole Borvo Cohen-Seat interpellait le ministre de l’éducation nationale sur le fichier Base-élèves, “le Comité se dit “préoccupé par le fait que cette base de données puisse être utilisée à d’autres fins, telles que la détection de la délinquance (…) Je précise, en outre, que la donnée servant d’identifiant contenue dans ce fichier peut être utilisée pendant trente-cinq ans“.
Une enquête d’instruction s’est tenue au Conseil d’État lundi 12 octobre 2009 à ce sujet ; le conseil d’état rendra son rapport en fin d’année.

L’idée du dépistage précoce des enfants est dénoncée dans le livre, récemment paru, de Catherine Vidal et Sylviane Giampino, “Nos enfants sous haute surveillance“.

Face à des crimes atroces, il est bien évident que nombre d’entre nous sommes dans l’incompréhension. Comment un être humain, qui nous est semblable, a-t-il pu commettre des tels actes ? Dimanche soir, dans Faites entrer l’accusé consacré à l’affaire Outreaux, Hondelatte nous dit que les innocents d’Outreaux “n’avaient pas la tête de l’emploi” alors que la presse relaya abondamment, à l’époque, la corpulence de Myriam badaoui, et ses yeux “aussi noirs que son âme”.

Etudier la naturalité de la criminalité a deux buts ; déjà expliquer que les crminels ne sont pas comme nous, dire ensuite qu’ils sont dépistables, et que donc, la criminalité peut être jugulée. C’est une grande tentation de faire croire qu’on peut garantir aux citoyens où le risque zéro existe.

Alors nous cherchons. Dans un tribunal, les éléments passés de la vie de l’accusé servent parfois à expliquer un comportement ; mais on juge les actes, pas la vie passée de l’accusé. Lors du procès du tueur en série Guy Georges, il a été montré que sa violence a été précoce ; pour autant, ces éléments passés n’ont pas été à charge.

En 2008, la loi sur la rétention de sûreté, déclarée partiellement légale par le conseil constitutionnel, nous dit qu’il est désormais légal de laisser enfermé un humain qui a purgé sa peine, mais présenterait une “dangerosité”. On ne juge donc encore plus l’acte commis, mais la potentialité qu’il soit commis. La vie passée de l’accusé, ses actes passés, pour lesquels il a été condamnés et a purgé sa peine, deviennent des éléments qui conditionneront sa vie et sa liberté à venir.

Tout un chacun est désormais criminologue et enquêteur ; chaque affaire sordide est disséquée et l’on étudie tout élément de la vie du présumé coupable ( il n’est jamais présumé innocent) afin d’en faire un élément à charge, prouvant qu’il est coupable.
Attention, à la cantine ce midi, quand vous mangerez avec appétit votre céleri rémoulade, cette perversité gustative, témoignant de votre fixation au stade oral, pourrait un jour jouer contre vous.


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