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Paso Doble n°153: Le bidon des sens

Publié le 14 octobre 2009 par Toreador

A las cinco de la manana…

Le Rhéteur Rétiaire

Selon moi, la rhétorique imparable de Nicolas Sarkozy a dès l’origine eu pour moteur le bon sens. Je revois le candidat de 2007 face au 20 heures de TF1, les yeux ouverts désarmants d’innocence, les paumes ouvertes vers l’extérieur, jetant son filet dans les eaux poissonneuses de l’opinion : « Je demande juste à être admis à défendre mes idées au sein du parti. Au nom de quoi m’empêcherait-on de participer ? ».

Les plus curieux retrouveront des analyses similaires ici ou là. Comme le note François Jost, professeur à Paris III :  Sarkozy a « cette manière d’invoquer le bon sens avec des phrases telles « est-ce que vous trouvez ça normal que… »

Je complèterai cette analyse : la rhétorique sarkozyste vous amène non pas à vous prononcer sur le fond de l’opinion de Sarkozy, mais sur le principe qu’il puisse avoir une opinion différente.

L’acquiescement sur le principe conduit à éteindre le débat sur le fond. C’est le fameux « j’assume », qui est courageux, mais pas forcément en lui-même acceptable. Il présente l’avantage aussi de déplacer le débat sur l’homme et non le « parlé », ce qui nous vaut depuis trois ans une opposition concentrée sur la critique ad hominem.

Bon sens ne saurait mentir !

Or, qu’est ce que le bon sens ?

Le bon sens est l’intermédiaire entre l’ignorance et la connaissance bien assurée. Il est la raison sans raisons. Entre la sphère théorique où l’on s’entend rarement sur le sens d’un mot ou d’une idée et la sphère pratique où l’on doit agir, le plus souvent sans être assuré de pouvoir le faire en connaissance de cause, il y a un vide. Le bon sens comble ce vide. Il est la «la saine et droite raison», dit le Littré et plus loin: «Le sens commun, l’intelligence et la lumière avec laquelle naissent la plupart des gens

En utilisant le bon sens comme fil conducteur de sa pensée, Sarkozy a offert à ses électeurs un logiciel de vote facile d’accès. Contrairement aux intellos qui l’avaient précédé, les Mitterrand, Giscard ou Pompidou, il n’y avait plus besoin d’avoir étudié pour avoir l’air intelligent en arrivant facilement aux mêmes conclusions que le futur président.

Un classique du genre : « L’ordre juste, c’est juste de l’ordre« . Alors que Royal théorisait, compliquait, intellectualisait, Sarkozy s’offrait comme le grand démystificateur.

Verdict au soir du premier tour : Les classes populaires ont été la vraie base dynamique de la victoire de Sarkozy, alors que ce dernier était le maire … de Neuilly.

Je règle mes pas dans l’EPAD de mon père*

Or aujourd’hui, cette dynamique du bon sens est en train de s’inverser. : la rationalité du Président est pour la première fois mise en doute. Pourquoi imposer  Jean Sarkozy (et s’entêter !), un minot de 23 ans, à la tête de l’EPAD alors que les jeunes galèrent et que Sarkozy s’est fait l’apôtre de la « valeur travail » ? Comment analyser les cadeaux du gouvernement (par exemple aux restaurateurs) alors que le candidat Sarkozy avait promis de désendetter ?

Nicolas Sarkozy apparaît de moins en moins comme un « bon Père de famille » : panier percé et amateur de passe-droits pour ses proches…

De manière plus problématique, l’électorat conservateur, qui ne l’avait jamais aimé stricto sensu, commence lui aussi à s’émouvoir ouvertement. L‘affaire Mitterrand, les frasques du fils Jean, le surendettement, tout ceci énerve les conservateurs qui aiment avant tout l’ordre, la retenue, et qui ne sont guère enthousiasmés à l’idée d’être gouvernés par, n’ayons pas peur des mots, un « pédé » tendancieux, une beurette ni pute ni soumise, une palanquée de mitterrandiens honnis, un poivrot, et quelques triquards. Seuls Fillon et Lagarde échappent peu ou prou à la critique.

Le Front National l’a bien compris : sa stratégie consiste à pointer les incohérences du sarkozysme pour récupérer un électorat droitier un peu déboussolé. Gageons qu’au prochain remaniement, le vicomte de Villiers ou l’un de ses sycophantes fera son entrée au gouvernement pour rétablir la balance…

* Je pense que ceci est un de mes meilleurs jeux de mots !
2007Bon sensrhétorique sarkozysteSégolène-Royal

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