Vendredi 7 septembre, 20h30. Dans le petit écran, une centaine de mecs en chasuble cours comme des guignols sur la pelouse du Stade de France. En fond sonore, un mec parle, encore et encore. La patrouille de France fait un passage et là c’est le choc : en haut à droite de l’écran, un petit logo que je connais trop bien, celui de TF1. Je me frotte les yeux et paf, second choc sismique sur le canapé : Thierry Gilardi me saute aux yeux, le sourire carnassier et le casque aux oreilles. A l’écran, aucun sigle « interdit au moins de 12 ans ». Je compte le nombre de joueurs sur le terrain, vérifie la forme du ballon… Merde, c’est bien du rugby et pourtant on est sur TF1. Aux manettes : Lacroix et Gilardi.
Que s’est-il donc passé pour que la passion du cuir souillé de sang et les joies de l’ovalie se retrouvent ainsi sur une chaine privée alors même que la coupe du monde se déroule chez nous, en France ?
Pas besoin d’aller chercher bien loin : Nonce Paolini est venu avec son petit sac sous le bras et hop, il a posé 80 millions d’euros sur la table. Suffisant apparemment pour calmer le service public et s’assurer l’exclusivité. La coupe du monde cette année se sera donc une vingtaine de matchs sur TF1 et le reste… en crypté sur la filiale sportive Eurosport. Une bonne façon de démocratiser un sport qui en a pourtant franchement besoin. Doit-on rappeler que France télévision à pour mission d’offrir aux français un service de télévision juste, public, sportif et culturel (entre autre) ?
Il est quand même regrettable de constater que notre service public, celui la même que l’on veut Karchériser avec la « rigueur » du mammouth non dégraissé, ne soit pas capable de rivaliser avec les intérêts économiques d’une chaine privée et de ses dérives libérales. Le dernier match de rugby sur TF1 remonte à… 1999. « France 2, la chaine du rugby » j’avais cru comprendre.
Enfin, cette année au moins on évitera le classique « Et il va marquer l’essai, attention cher téléspectateur ça va couper on se retrouve sur France 2… (3 minutes plus tard, le temps de trouver la télécommande) Quel action incroyable c’est du jamais vu ! » Bref des moments de sport inoubliables.
Finalement celui qui tire son épingle du jeu, c’est Gilardi, l’homme qui arrive à vous faire vivre une pauvre mêlée à cinq entre Japonais et Américains avec la même intensité qu’un drop de Wilkinson à la dernière minute d’une finale. Même s‘il parle (beaucoup) trop, l’homme est loin d’être un imposteur : Journaliste spécialisé à ses débuts dans le rugby, il est depuis 1997 vice-président du Stade français et à déjà commenté la coupe du monde en 95 sur Canal. Mais malgré tout ces bons points et une réelle volonté de bien faire, à l’écran ça ne passe pas. Le seul son de sa voix nous rappelle inconsciemment un malheureux Châteauroux – Le havre 0-0. La passion y est, mais notre cerveau encore trop conditionné à l’écouter parler du ballon rond, n’enregistre pas. Heureusement, Lacroix relève brillement le niveau : pointu, pédagogue, enthousiaste et avec en prime l’accent qui va bien.
Entre Gilardi, capable de capter un audimat footeux récalcitrant à regarder un match de rugby, Lacroix qui ravira les inconditionnels du sport, TF1 a opté pour un duo judicieux avec des objectifs ambitieux, si les résultats de l'équipe de France sont bons, on peut faire sur une Coupe du monde les mêmes audiences que pour le football déclare Gilardi dans les colonnes du Parisien de vendredi. Avec déjà un premier record de 14 millions de téléspectateur samedi soir pour le match d’ouverture, ça semble plutôt bien parti. A titre d’information, les trente secondes de publicité lors de la finale, le samedi 20 octobre à 21H, sont valorisées à 204 800 euros si le XV de France fait partie de l’affiche sinon ce sera seulement 97 100 euros. Finale française ou pas, les puristes seront devant leurs écrans. Pour les autres, ils ne vous restent plus qu’à VOTER 1 et envoyer vos SMS. Avec TF1, on peut s’attendre à tout.
En attendant on regarde Gilardi s’essayer au survoltage et à l’omniprésence Sarkoziste, surement initié par Laurent Solly, son nouveau patron et ex-directeur adjoint de campagne de notre président. Au programme, un veritable marathon : vendredi, France-Argentine, samedi France-Italie, dimanche matin Télérugby enchainé avec Téléfoot et tout les soirs après 20 heure, Le journal de la coupe du monde. De quoi patienter jusqu'à octobre et la reprise de la Star ac’.