En Outaouais, la coopérative d’ambulanciers dessert seule la totalité de la région. Ses 200 membres ont fait plus de 2000 heures de bénévolat l’an passé. Leur cause: la jeunesse.
Les ambulanciers de l’Outaouais s’inquiètent pour leur jeunesse. Au front tous les jours pour leur travail, ils ont constaté une augmentation des problèmes d’alcool, de drogues et de suicide chez les jeunes. «Ça fait 17 ans que je suis paramédic. Des jeunes de 12-17 ans, je n’en ramassais pas beaucoup quand j’ai commencé. C’est plus fréquent, maintenant.» dit Marc Paquette, président de la coopérative des ambulanciers de l’Outaouais. Ses 200 collègues et lui ont décidé d’agir.
La découverte d’un gamin de 9 ans, retrouvé pendu, avec une lettre de suicide à ses côtés, les a bouleversés. Des questions hantaient leurs esprits. Ils en discutaient entre eux. Pourquoi l’école ne l’a pas vu? Les intervenants? Le milieu? «Ce jeune aurait dû être pris en main avant ça», dit M. Paquette d’un ton sans appel.
Prévention du suicide, une tribune pour les jeunes
Les ambulanciers en ont jasé dans leur réseau. «Ils nous ont dit qu’il n’y avait pas de tribune pour les jeunes. On a décidé de faire un DVD sur les problèmes d’adolescents. Un outil de travail pour les intervenants auprès des jeunes, explique le président de la coopérative.
De la promotion contre le suicide, il y en a. Mais, au lieu de juste en parler, pouvons-nous connaître la réalité vécue par les jeunes afin de mieux les comprendre? L’adolescence que j’ai eue n’a rien à voir avec la leur», remarque M. Paquette.
La communauté et le suicide des jeunes
Dr Bernard Gélinas, de la coopérative de santé d’Aylmer, partage le même constat. Partenaire des ambulanciers, le médecin considère que seule la communauté a les outils pour résoudre ce problème. «La tâche en santé est trop grande pour être confiée à des fonctionnaires. C’est la communauté qui connaît l’évolution de ses besoins, pense-t-il. Violence, abus, taxage… Ces problématiques n’étaient pas prévues par les fonctionnaires du ministère de la Santé et des Services sociaux. Ce sont nos enfants!», s’inquiète le Dr Gélinas, qui remet en cause l’action du Ministère.
«On a demandé un budget pour un travailleur de rue. La Régie de la santé a refusé. Comme le CLSC avait déjà un budget pour ça, nous n’avons pas eu de subvention. Mais je n’ai pas vu d’action sur le terrain», critique le médecin qui y va d’un jeu de mot en parlant de Centre local de service caché (CLSC).
Le médecin se vide le cœur. Quand il cause suicide, il ne met pas de gants blancs pour s’attaquer au gouvernement. «Le programme de prévention suicide existe depuis 1980. Au Québec, pendant cette période, les suicides ont doublé. En Outaouais, ils ont presque triplé !» L’année dernière, le taux de suicide en Outaouais s’est maintenu sur la moyenne des 5 dernières années.
La Santé publique et le suicide
À la Direction de la santé publique, l’approche se décentralise. On forme des organismes de prévention du suicide que l’on subventionne. Ces organismes touchent le milieu des jeunes dans les écoles et dans les Maisons de jeunes notamment. Ils forment à leur tour des intervenants dans la communauté.
En Outaouais, c’est le comité Réaction-Vie, une cellule de l’organisme 24/7, ainsi que Suicide Détour, qui sont mandatés pour organiser le programme d’intervention suicide.
Les principales activités de la santé publique et des organismes d’intervention commencent avant les signes de détresse. «Elles débutent avec des programmes de promotion de compétences personnelles et sociales, d’estime de soi, et des capacité de s’adapter dans certaines régions», explique Geneviève D’Amours, responsable de la lutte au suicide à la Direction de la santé publique. Seule employée affectée au suicide à la Santé publique pour l’Outaouais, Mme D’Amours est également responsable des dossiers de santé mentale. «C’est le lot d’une petite région, dit-elle, il est impensable d’y réunir plusieurs personnes pour un même dossier.»
Mme D’Amours semble bien maîtriser son sujet. Elle parle avec franchise et s’explique davantage comme une enseignante. Elle oriente son approche vers une collaboration entre les milieux scolaires, communautaires et sociaux. «L’objectif est d’aider les enfants à passer au travers des épreuves de la vie», raconte-elle. Nous avons mis sur pied une approche nommée École en santé. «Notre programme de prévention, à la suite d’un suicide, est global. Il vise à prévenir les effets de contamination quand survient un suicide dans une école.
Bientôt, les écoles de la région participeront au Réseau Sentinelle. Une approche où des membres du personnel seront formés pour dépister les cas de détresse. Des adultes à l’écoute. «Ce sera plus efficace. Quand l’environnement est plus sécurisant, c’est plus facile pour le jeune. Mais le Réseau n’est pas encore en place. On attend la formation», avoue l’agente de la santé publique, qui compte déjà sur un noyau d’intervenants dans les écoles, préoccupés par le suicide.
Banaliser le suicide
Mme D’Amours n’est pas une chaude partisane de la stratégie qui consiste à parler abondamment du suicide. Elle se distancie de tout ce qui pourrait banaliser le suicide. «Les dernières années, on en a beaucoup parlé. Est-ce que c’est banal, d’attenter à sa vie? Non. On ne peut pas en parler si le jeune n’est pas rendu là. Il ne faut pas que ce soit tabou, nuance-t-elle, mais pas banal non plus.»