De quelques accessoires indispensables au pèlerin de Saint Jacques (1)
En la matière, et une fois éliminés les utopistes qui rêvent du couteau parfait, ustensile tellement idéal qu’il n’a pas de lame et qu’il lui manque le manche, le peuple pèlerin se partage deux grandes écoles.
La première est constituée des possesseurs de couteaux suisses. Le couteau suisse officiel est d’un encombrement réduit : plié il ne dépasse pas les douze centimètres. La croix blanche de la Confédération Helvétique orne son manche d’un beau rouge vif. Ses lames, fabriquées dans un acier spécial, sont forcément inoxydables. Bien aiguisées, elles tranchent, coupent et taillent sans faiblir. Mais ce qui fait vraiment le charme du couteau suisse ce sont les multiples outils que dissimule l’épaisseur de son manche. Ces accessoires le rendent la providence des soirs d’étape où l’on n’a vraiment rien à se dire Quand la fatigue est si pesante que toute conversation un peu sérieuse représente un effort trop important pour être même envisagé, le couteau suisse est là. On peut examiner ses ciseaux (coupants), son alène (pointue), son tire-bouchon (efficace), sa lime (usante), sa scie (dentée), sa pince à épiler (précise), son ouvre-boîte (sécurisé), son décapsuleur (implacable) et le reste. J’ai compté seize outils, tous différents, sur un de ces ustensiles multifonctionnels.




Fier de son eustache, qu’il a rangé soigneusement dans une gaine de cuir portée parfois, non sans ostentation, à la ceinture et pour lequel il a et aura toujours des yeux d’enfants de sept ans, le possesseur de Laguiole ne se lasse pas de l’enfoncer, d’un geste à la fois sûr et ample, dans le quignon de pain ou dans la boite de thon à l’huile de ses casse-croûtes matinaux. Si le couteau suisse ouvre les boîtes de conserves, le Laguiole ouvre l’appétit. Il trimballe toute une mythologie rurale faite de dîners à l’auberge, les jours de foire, quand le fumet du coq au vin lutte avec celui de la potée, mais aussi de mâchons à base de vin blanc, de pâté de lapin et de fromages de chèvre durs comme des cailloux sans oublier la litanie des jours où son claquement sec annonçait à la famille et aux domestiques, que, le maître ayant terminé son repas, il était temps pour chacun de quitter la table et d’aller vaquer à ses occupations.
Nous autres randonneurs et pèlerins laguiophiles, laguiolâtres et laguiolomaniaques ( on peut faire partie simultanément des trois groupes, j’en suis un vivant exemple) sommes volontiers fantaisistes. Nous éprouvons une jouissance secrète à ne pas suivre à la lettre les indications des topoguides ou les conseils de nos commensaux adeptes du couteau suisse. L’ordre approximatif dans lequel sont rangés nos sacs nous réserve toujours quelque surprise quand nous voulons en examiner le contenu. Bref, entre Laguiole et couteau suisse court la même ligne de fracture que celle qui sépare adeptes de Confucius et disciples de Lao-Tseu, admirateurs de Corneille ou passionnés de Racine, lecteur de Stendal ou amateur de Flaubert.
Evidemment, la diversité humaine fait que certains esprits hétérodoxes n’adhèrent ni au Laguiolisme ni à la Couteaussuisation. Quelques-uns exhibent des poignards, dits de survie, en usage dans les troupes parachutistes. Il s’agit là d’une exagération, d’origine nord-américaine du couteau suisse. On ne saurait trop se méfier de ces ustensiles ( particulièrement de leurs boussoles qui indiquent rarement le Nord) et de leurs

On me dit qu’il existe d’autres variétés de couteaux. C’est possible, mais je ne le crois pas.
Chambolle
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Le Chat : Collectionneur impénitent de couteaux, j’ai actuellement dans ma poche un Ceccaldi, avec lame en carbone. On ne doit pas le retrouver souvent sur le chemin de Saint Jacques; c’est un couteau de berger Corse. Mais je change souvent : il faut que toute la collection travaille ! Une remarque; je ne possèdes pas le traditionnel couteau Suisse : c’est bien une “ligne de fracture” !