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Parmi les albums de la rentrée, je ne pouvais pas passer à côté de Humbug, le troisième album des géniaux Arctic Monkeys, qui contrairement à ce que son nom indique, est loin d'être une escroquerie. Enfin en tout cas pour les fans "ouverts"...parce que les fans de la première heure pourraient eux être un peu déroutés.
Guitares acérées, refrain efficace, le single "Crying Lightning" sonne bien Arctic, donc il n'avait donné lieu à aucune inquiétude lorsqu'il était sorti en juillet. C'est en écoutant les autres chansons qu'on a senti que quelque chose avait changé.
Le groupe a muri, et les gamins de Sheffield ont produit un album qui se détache des deux précédents. Whatever People Say I Am That's What I Am Not et Favourite Worst Nightmare sont parfaitement dans la continuité et c'est d'ailleurs, entre autres, ces albums empreints de fraicheur qui ont contribué à me rendre fan du rock anglais actuel. Mais avec Humbug on sent que les Arctic sont plus posés, que les riffs fous de l'électrique et les rythmes frénétiques ont même en partie été remplacés par des sons plus "sixties". Néanmoins la vitalité est toujours là, les gentilles paroles adolescentes et la dérision de l'observateur du quotidien beaucoup moins. Mais surtout les mélodies, si elles restent accrocheuses ont un peu perdu du mordant juvénile et du côté "énervé" qui faisait leur charme.
Plus ou moins tout le monde explique ça par l'influence qu'aurait eu Josh Homme des Queens Of The Stone Age, qui a coproduit l'album, entièrement enregistré aux Etats-Unis. L'enregistrement dans le désert pourrait peut-être expliquer le manque d'énergie "urbaine". Mais Alex Turner, dans ses interviews s'est attaché à expliquer que le groupe avait délibéremment choisi cette voie plus posée pour cet album parce que ça ressemblait plus à ce que le groupe était aujourd'hui. Il faut dire que depuis My Favourite Worst Nightmare les membres ont eu le temps de prendre du recul et travailler sur leurs propres projets, comme Alex Turner avec l'excellente création The Last Shaddow Puppets, dont on sent quelque part sur Humbug l'influence pop-isante. Et puis ils affirment avoir "muri" (moyenne d'âge aujourd'hui de 23 ans!), ce qui justifie pour eux l'éloignement par rapport à ce dont on était habitués.
J'ai été enchantée par le single et j'ai bien accroché avec la majorité des chansons de Humbug ("My Propeller", "Potion Approaching" sont super). Mais moi qui suis pourtant adepte de la musique 60s, j'ai finalement été assez déçue par les musiques moins électriques comme "Fire And The Thud" ou encore "Secret Door" même si elle conserve le flow vraiment cool de Turner. L'accent cockney si craquant des débuts s'est perdu en route au profit d'une voix plus sensuelle qui n'est somme toute pas déplaisante. Dans ce style pop, seule "Cornerstone" m'a vraiment beaucoup plu, très jolie, une des, si ce n'est la, meilleure de l'album. Quant à "Dance little liar", si le début est vraiment ennuyant la fin se révèle savoureuse, pareil sur "The Jeweller's hands". Enfin "Pretty Visitors" est pas mal, et "Dangerous Animals" passe un peu inaperçue.
Globalement l'album se défend très bien même si je trouve qu'il ne vaut pas le précédent, je n'ai pas été cruellement déçue par la petite évolution parce que les Arctic Monkeys gardent tout leur charme et surtout gagnent en crédibilité en évitant de se répéter, ce qui, contrairement à ce que les fans en disent, les aurait lassés. Il y a encore quelques années on croyait les singes glacés destinés comme leurs amis bébés-rock british à une gloire éphémère de singles sur X Fm avant la disparition finale. Aujourd'hui avec Humbug ils nous prouvent si ce n'était pas déjà fait, que ce n'était pas que des petits fous furieux de vingt ans dont le trip entre potes avait par un heureux hasard trouvé son public sur le net. Non, au contraire, ils sont plus professionnels que jamais et ont le courage de prendre des risques, d'aller s'américaniser et de revenir avec un son plus étoffé. Whatever people say Monkeys are, that's what they are not indeed...Pourtant je ne peux m'empêcher de regretter le petit soupçon de "gouaille", marque de fabrique des précédents opus. Mais c'est bien, ça fait déjà d'eux un groupe dont il faut avoir toute la discographie pour l'apprécier dans toute sa splendeur.