Réouverture temporaire de ce blog le temps de deux ou trois réflexions sur la pire crise économique et financière depuis la Grande Dépression des années 1930. Quelques observations manifestement incongrues semblent en effet ne pas (pas encore ?) avoir été faites par nos illustres experts qui s’échinent à expliquer les origines d’une crise que la plupart d’entre eux n’ont pas su prévoir.
Première considération incongrue : et si la crise financière, avec le cortège de faillites et de suppressions d’emplois qui s’en est ensuivi, n’avait finalement constitué que le coup de grâce pour des activités condamnées et maintenues en survie artificielle depuis plus de vingt ans à coup de subventions publiques et d’exonérations de charges face à la concurrence des pays émergents à bas coût de main d’œuvre ?
Car, sur la même période qui a vu General Motors frôler la liquidation, des centaines de PME disparaître et des centaines de milliers d’emplois détruits, pour beaucoup dans les industries dites traditionnelles (sidérurgie, mécanique, automobile), les ventes de netbooks, ces mini-PC avec un abonnement Internet sans fil, ont doublé, Apple a écoulé 26 millions d’Iphone et Mylène Farmer a vendu en moins de deux heures les 150.000 places d’une deuxième date de concert au Stade de France.
Tout le monde n’est donc pas concerné de la même façon par la crise. Les destructions d’emplois sont évidemment dramatiques pour ceux qui en sont les victimes. La perspective de voir les traders toucher à nouveau des bonus pharamineux en apparaît d’autant plus scandaleux (tout comme le bouclier fiscal d’ailleurs, qui évitera aux plus aisés de payer l’addition quand viendra l’heure des hausses d’impôts, faut-il le rappeler à notre Président qui s’est fait fort à propos le héraut de la légitime croisade anti-bonus ?). Comme l’a fort justement souligné Juan SOMAVIA, Directeur Général de l’Organisation Internationale du Travail, "les conséquences de la crise sont largement mutualisées, alors que les bénéfices de la croissance précédente, eux, étaient très concentrés". Il semble que les bénéfices de la reprise soient eux aussi très concentrés…
Il n’en reste pas moins que les destructions d’emplois industriels résultent aussi d’un ajustement inéluctable à la nouvelle division mondiale du travail qui voit les économies émergentes prendre le pas dans les activités industrielles traditionnelles de base tandis que les économies des pays de l’OCDE s’orientent de plus en plus vers les industries de pointe ou à forte valeur ajoutée, l’information, la communication et l’entertainment. En d’autres termes, si des entreprises (certaines des agences immobilières par exemple ?) qui ont sombré avec la récession, pourront renaître un jour de leurs cendres avec le retour de l’expansion économique, il est à craindre que les sites de productions industrielles de base qui ont dû fermer leurs portes ne les rouvrent jamais.
Il aurait peut-être été préférable, au cours des deux dernières décennies, d’investir une partie des dizaines de milliards d’euros engloutis pour mettre sous perfusion des activités condamnées à disparaître du fait de la concurrence des pays à bas coût de main d’oeuvre, dans des actions de formation lourde permettant de préparer la reconversion des salariés concernés. Et l’idée de grand emprunt pour financer des dépenses d’avenir devrait du coup sembler moins incongrue.
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