Magazine Journal intime

Parlons Chiffon

Par Eric Mccomber
Parlons ChiffonJ'ai répété ad nauseam depuis le début de cette aventure que ma seule contrainte véritable était de revenir avant le froid, pour la simple raison que je n'aime pas rouler quand on se pèle la cuirette. Eh bien, cette pneumonie vient de faire éclater ma frontière. Y a pas à. Je vais pédaler dans un congélateur. Plus moyen d'y échapper. Les dés sont jetés, il faut les boire. Euh… Dura lex, frette lex. Ou ahum… Ou plutôt (pardonnez ma mémoire défaillante, usée par tant de fièvre) : La vendange est un glas qui sonne froid pour qui sème la tempête.
Mon amie Rita m'a emmené dans un de ces magasins de parachutage chinois. Les mandchous y déversent des tonnes de textile à prix défiant toute réflexion. Je crois bien que tous les pays du monde en sont maintenant constellés. En tout cas, je me suis équipé. Culottes à grand'manches, manteau, chaussettes de ski, survêtement chaud… Pour quelques cacahuètes. Épatant. Que m'importe dès lors la fraîche haleine des eaux algides, dussé-je monter les quatre vents drapé d'un linceul de frimas blanc, je repartirai courage au cul et sueur à la boutonnière, moi qui serai armé en conséquence.
Détail marrant. Il y a un certain temps, une amie proche m'a fait cadeau d'un maillot de vélo très chouette, à motif pied-de-poule. Il s'avère que j'aime le pied-de-poule de manière cliniquement malsaine, bien que je n'en porte jamais (c'est ce que veut dire « mon passé réglé » dans ma fiche sur le site de rencontre dont je suis un membre oisif et nonchalant. Je pleure encore mon foulard pied-de-poule vert et noir dont le tragique kidnapping doit bien remonter à la parution de New Gold Dream des Simple Minds. Bref, l'amie en question ne pouvait qu'ignorer ce fait, puisque je n'ai pas l'habitude de m'épancher sur le thème de mes problèmes psychologiques les plus graves, à fortiori cette irritante question du pied-de-poule. Eh bien, en participant aujourd'hui au financement de l'Empire chinois du tissu bon marché — oh, mirâcle, oh hasard sidéral — j'ai dégotté un pantalon sport orné du même, même, même motif pied-de-poule, gris sur noir, que c'en est presque trop fou, ça me donne des frissons, la tête me tourne, j'ai les orteils qui frétillent et je nystagmise, parce que si j'ai pu ainsi me parer de pareils atours, c'est que cette même amie m'a filé des tunes, y a pas deux jours.
C'est pas dingue, la vie ? Non ? Eh, bien ce n'est pas tout. Vous ne devinerez jamais la première chose que j'ai aperçue en ouvrant la portière de la voiture au moment de rentrer chez Rita, juste là sur le sol devant la maison ? Des traces ! Oui, des dizaines d'empreintes, laissées-là dans la terre meuble et moite de cette Allemagne automnale par les oviparesques compagnons de mes adorables potes germaniques. Oui ! Si, si, si ! Aussi incroyable que ça puisse sembler, le sol sous mes souliers était jonché de marques de… pieds de poules !
Si j'étais un tout petit peu plus épaté que je le suis aujourd'hui par la puissance des hasards terrestres, je crois bien que je chierais des arc-en-ciels.© Éric McComber

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