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Les deux Petit Poucet

Publié le 18 octobre 2009 par Jlhuss

poucet_2.1255721980.jpg On prétend le clivage gauche-droite obsolète, dépassé, ringard. Moi je dis  : attention ! nous avons déjà perdu nos curés, nos cagouilles, nos grenouilles ; nos fermes, nos mines, nos vertus théologales et notre tissu industriel. Voilà maintenant qu’on menace notre Poste, notre orthographe et notre droit à l’humour. Qu’est-ce qui nous restera, hein ? si on nous prive aussi de notre « clivage gauche-droite » ? Ça fend le cœur de penser que notre descendance pourrait un jour ne plus rien comprendre aux saveurs des deux Petit Poucet : Poucet « de droite » et Poucet « de gauche », bons morceaux cuisinées il y a trente-cinq ans par Robert Beauvais dans Le français kiskose .

Aujourd’hui, puisque mesdames Daube et Michu restent introuvables, La Grille du coq fait dans le « digest » et vous propose les deux Poucet « à manger tout de suite », découpés, dressés, mais nature. Bon appétit !

Il y avait une fois… 

-gauche : « Il y avait une fois un pauvre bûcheron exploité par les propriétaires terriens au service d’une économie de classe soutenue par un système répressif. »

-droite : « Il y avait une fois dans la forêt banlieusarde un bûcheron sans idéal qui avait perdu le goût de l’effort en raison de la chute des valeurs morales engendrée par la démission du pouvoir irresponsable aux ordres des syndicats et des forces du désordre. »

Triste famille !

-droite : « Ce bûcheron, que nous nous garderons bien de confondre avec les honnêtes ouvriers agricoles qui, heureusement, sont la majorité, décida d’éluder définitivement ses responsabilités paternelles en égarant dans la forêt ses enfants procréés à l’aveuglette. Le plus jeune de ces voyous avait vu sa croissance stoppée en raison de son hérédité alcoolique. »

-gauche : « La pratique des bas salaires en vue de profits démesurés accula le pauvre O.S. et sa femme à abandonner leurs enfants dans la forêt où le père contribuait par son travail à asseoir la dictature du pouvoir bourgeois. Le dernier d’entre eux, sous l’effet d’une malnutrition engendrée par l’économie bourgeoise, était d’une taille ne dépassant pas un pouce. »

Les petits cailloux

-gauche : «  Le Petit Poucet fit part à ses frères de la décision de leurs parents au cours d’une analyse dialectique de la situation organisée dans un maquis avoisinant l’H.L.M. familiale. Petit poucet eut l’idée de s’entraîner à la lutte clandestine en s’armant de petits cailloux dont il emplit ses poches, et il enjoignit à ses frères de se plier à la discipline insurrectionnelle en l’imitant, afin de hâter leur libération. »

-droite : « Politisé dès le berceau et entraîné à l’espionnage par les stages de formation révolutionnaire effectués dans les camps où se recrutait la canaille gauchiste noyautée par l’internationale du grand chambardement, notre avorton se cacha sous une table et entendit son père et sa mère parler de leur projet. Utilisant une tactique enseignée par les feddayins accueillis à bras ouverts dans notre pays où ils viennent inculquer leurs méthodes terroristes au sein des groupements paramilitaires consacrés à l’action subversive, le Petit Poucet sema des cailloux et put ainsi retrouver son chemin. »

Les miettes de pain 

-gauche : « Au cours d’une deuxième tentative moins heureuse, les pierres furent remplacées par des miettes de pain que picorèrent les oiseaux, privés de nourriture par suite de l’absence totale de directive en matière d’écologie, dans un système réactionnaire axé sur le profit. »

-droite : «  Plus soucieux de se mettre en grève et de faire de l’agitation au sein des comités d’action de son CES que d’y suivre les cours d’histoire naturelle, le Petit Poucert ignorait que les oiseaux se nourrissent de pain. Si bien que nos sept voyous se trouvèrent perdus dans la forêt en pleine nuit. -J’ai vu une fenêtre éclairée, dit Poucet à ses frères en redescendant d’un arbre, il y a sûrement un coup à faire dans une villa. »

Chambre d’hôte

-gauche : « Par son empressement à accueillir les jeunes gens, l’épouse du propriétaire se livra à l’encontre des vigoureux adolescents à une tentative de récupération indécente, allant même jusqu’à trahir les intérêts de sa propre classe pour satisfaire un appétit sexuel dans lequel le Petit Poucet décela facilement le symptôme d’une société en décomposition. »

-droite : « Cette ogresse gauchisante était prête à tous les excès engendrés par une liberté sexuelle sans frein prônée par les apprentis sorciers de la révolution universelle et encouragée dès l’école par des universitaires dévoyés qui se livrent à un travail de sape visant à l’effondrement de la société libérale dont ils bénéficient grassement. »

Dévoration

-droite : « Elle alla jusqu’à poser sur les tignasses broussailleuses des sept hippies mal lavés les couronnes de roses de ses sept filles et profita du sommeil des innocentes créatures pour les glisser dans le lit où l’ogre disposait ses provisions de bouche, tandis qu’elle plaçait les pique-assiettes repus dans la chambre de ses propres filles. Lorsqu’il rentra de son travail, l’ogre, victime d’une méprise que rendait facile la mode des cheveux longs, dévora ses filles en croyant manger la chair fraîche de quelques inconnus de passage. »

-gauche : « Alléché par l’odeur motivante de la chair fraîche qui avait mis son épouse en appétit pour de tout autres raisons, l’ogre entra dans une sorte de délire triomphaliste et rééditant à son profit la nuit des grands couteaux, il procéda à une exécution sommaire et hitlériforme de ses propres filles qu’il dévora sans autre forme de procès. »

Les bottes

-droite : «Lorsqu ’il se réveilla et comprit qu’il avait été dupe, l’ogre, n’écoutant que son devoir, s’empressa de chausser ses bottes et se lança à la poursuite des jeunes maos afin de les livrer aux forces de l’ordre. Mais sentant venir le sommeil consécutif à tant d’émotion, il s’arrêta pour faire une sieste sur le bord de la route ainsi que le préconise la sécurité routière. Ce fut un jeu d’enfant pour le Petit Poucet, entraîné au vol des véhicules rapides, de s’ emparer des bottes de sept lieues et de les mettre en route aidé de ses frères ; les jeunes éléments incontrôlés purent alors rejoindre la maison paternelle sans être interpellés. »

-gauche : « L’ogre chaussa ses bottes  de sept lieues qui lui permettaient d’asseoir à peu de frais sa domination sur les minorités opprimées. Mais il ne tarda pas à s’endormir, gavé de protéines polluées. Le Petit Poucet invita ses frères à profiter du sommeil de l’ennemi de classe pour entreprendre une action dynamique consistant à s’emparer des bottes. »

Le retour

gauche : « Les jeunes représentants des forces prolétariennes réintégrèrent l’H.L.M. où les accueillirent les pauvres bûcherons, que le Petit Poucet déculpabilisa rapidement en leur expliquant que leur déviation transitoire au niveau de l’orthodoxie familiale n’était que la conséquence d’un système social aberrant. »

-droite : « Avec la versatilité propre aux masses, le bûcheron fit un joyeux accueil à la progéniture qu’il s’était juré la veille de perdre dans la forêt, et, ne cessant de vivre en dehors des lois, ce bûcheron parasite et les jeunes ferments de désordre continuèrent, par leur triste exemple, à gangrener en toute impunité une société décidément bonne fille. Il est temps que les honnêtes gens réagissent, ne trouvez-vous pas ? »

On le savait avant Beauvais, peut-être même avant Perrault : en France le mot parfois prime la chose et toujours lui survit. Comment donc mieux  conclure qu’en paraphrasant l’auteur de  Peau d’âne :

Le Clivage gauch’-droite est difficile à croire,

Mais tant qu’en ce Pays on aura des Enfants,

Des Mères et des Mères-grands,

On en gardera la mémoire.

Arion


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