Nous sommes dans les ann??es trente, Binh cuisinier Vietnamien, en exil ?? Paris d??croche un emploi chez Gertrude Stein et sa compagne Alice Toklas. Miss Toklas a des id??es tr??s arr??t??es sur l???art culinaire. Elle lance au jeune homme en guise d???avertissement : ?? GertrudeStein juge un cuisinier ?? ses desserts et moi, ?? tout le reste. (???)?? Elle s???applique ?? donner des le??ons ?? Bihn sur la bonne fa??on de cuisiner : ?? le sel n???est pas essentiel dans cette recette, (???) soit tr??s prudent Bin avant d???en ajouter. (???) Dans ma cuisine, je te dirai quand le sel est n??cessaire (???) ??
Binh, lui, ne dit rien ; il a appris le m??tier dans les cuisines du gouverneur de Sa??gon et il manie son art avec une grande subtilit??. On sent dans ce passage tout le plaisir qu???il prend en d??sorientant son exigeante patronne avec ses tours de passe-passe gustatifs. D??gustez plut??t :
?? Plus tard au cours de la soir??e, GertrudeStein rapporta la fa??on dont tu t?????tais comport?? ?? Miss Toklas devant une coupe de ma meilleure glace ?? Singapour ??. Elles sentaient toutes les deux la vanille et le gingembre confit, mais seule Miss Toklas d??tectait la pr??sence de quelque chose de plus profond, quelque chose qui s???attardait sur la langue comme un alcool.
Des grains de poivre, Miss Toklas. D??s le matin, jetez dans le lait que vous utiliserez le soir une dizaine de grains de poivre grossi??rement pil??s. Filtrez puis proc??dez comme d???ordinaire. Le piquant que le poivre laisse derri??re lui forcera votre invit?? ?? concentrer son attention, ?? examiner ?? nouveau cette coupe de douceur. Un peu ?? la mani??re d???un soup??on d???ironie inattendu dans la voix d???un amant. ??
Extraits de Le livre du sel de Monique Truong aux ??ditions Rivages traduit de l???anglais par Marc Amfreville.