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Petite leçon de vocabulaire

Publié le 19 octobre 2009 par Bernard Girard
Nos professeurs d'anglais nous mettaient toujours en garde contre les faux-amis, ces mots qui se ressemblent en français et en anglais avec cependant un sens tout à fait différent. L'affaire Jean Sarkozy m'a donné l'occasion d'en découvrir un nouveau que je ne connaissais pas.
Dans un article du Times online sur cette affaire, Charles Bremmer, le correspondant parisien de ce journal, commente un papier du Monde sur le phénomène de cour. Il y parle de "courtiers", ce qui en anglais veut dire "courtisan". Le meme mot veut dire en français "intermédiaire", ce que l'on traduit en anglais par "middleman" ou par "broker". Voilà pour notre faux-ami.
"Courtier" vient manifestement du français "cour". Mais pourquoi diable les britanniques n'ont-il pas emprunté notre "courtisan"? Est-ce que le concept s'est développé dans les deux pays indépendamment? Cela valait bien une recherche dans quelques dictionnaires en ligne.
Le Merriam-Webster date "courtier" du 14ème siècle. Le trésor de la langue française ne donne pas d'occurrence du mot "courtier" antérieure au 19ème siècle, alors que le mot "courtisan" viendrait de "courtisien" (on se rapproche de l'anglais) mot utilisé au 14 ème siècle pour décrire les membres de la cour du pape Clément V. "Courtisan" serait apparu en français au XVème siècle dans un ordonnance de Louis XI.
Mais autre surprise, le féminin de "courtier" est en anglais "courtesan", ce qui est proche de notre "courtisan", alors que "courtisane", qui viendrait de l'italien "cortigiana", a pris chez nous très tôt, dès le 16ème siècle (chez Ronsard), le sens de femme galante.
Autre bizarrerie, les phénomènes de cour semblent être, si l'on en croit Wikipedia, un effet réservé à la France de Louis XIV et à quelques empires ou royaumes exotiques (la Chine, la Turquie…). Comme si la couronne britannique y avait échappé. L'article sur Ann Boleyn semble confirmer cette influence française : "Anne's education in France proved itself in later years, inspiring many new trends among the ladies and courtiers of England."
On s'y perd… délicieusement.
Pour terminer ces quelques vers de Banville, poète bien oublié que seuls les lexicographes lisent encore, que cite leTrésor de la langue française :
Oh! si quelqu'un lisait sous vos regards baissés
Tous les impurs désirs dont vous vous enlacez,
Courtisanes
d'esprit, filles dont le corps chaste
Est comme un champ de fleurs que l'ouragan dévaste!
BANVILLE, Les Cariatides, Les Baisers de pierre, 1842, p. 55.

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