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Renaissance d'un lieu

Publié le 03 mai 2008 par Kouti

  

Ceci est une belle histoire, qui met du baume au cœur. 

Les jours se succèdent aux jours, sans que rien ne vienne casser leur monotonie. Cela se passe dans un petit pâté de maisons, loin de tout ; quelques vieilles personnes vivotent, les quelques jeunes s’ennuient à mourir, les jeunes filles attendent que la providence vienne leur tendre la main du mariage….. Seuls les enfants, parce qu’ils ne connaissent rien des jeux numériques, trouvent à s’amuser avec n’importe quoi qui leur tombe sous la main. Pour aller à l’école du plus proche des villages, ils faisaient quotidiennement des kilomètres à pied. Pour quelqu’un qui fait une promenade dans ces lieux verdoyants, l’endroit paraît magique, avec ses rivières, sa forêt, son pittoresque. Mais pour supporter les difficultés quotidiennes, il faut être né là-bas, ou n’avoir pas d’autre alternative.

L’eau courante n’existe pas ici ; l’électricité a été frauduleusement subtilisée à un poteau électrique, transitant par là pour fournir en énergie la ville de x. Puis un jour, le hasard voulut que la vie somme toute paisible de ces montagnards changea complètement de mode. Un généreux donateur, natif de cette localité, ayant fait fortune à l’étranger, a gardé de cet endroit les souvenirs d’une enfance pauvre, frugale, mais heureuse ; il voulut y revenir ; mais pas dans ces conditions. Il ne voulait pas non plus bâtir une superbe maison, qui serait une insulte au dénuement des lieux. Il vint pour revoir sa famille, et prospecter le terrain afin de contribuer à faire de ce petit hameau un trésor de villégiature. Toutefois il fallait d’abord convaincre les habitants d’une telle initiative, qui allait bouleverser leur existence ; certains voyaient d’un mauvais œil ce qu’ils considéraient comme une atteinte à leur tranquillité, héritée de leurs aïeux. L’homme approcha d’abord les quelques jeunes qui se montrèrent enthousiasmés à l’idée du changement ; les adultes se montrèrent plus réticents, mais on leur développa l’idée que d’abord toute la population de ce modeste bourg allait bénéficier de mesures incitatives à l’emploi et au bien-être. Et surtout, que les jeunes ne seraient plus tentés de ‘’descendre’’ en ville pour chercher du travail, que souvent ils ne trouvaient pas dans les cités surpeuplées ; au contraire, ils se trouvaient parfois livrés au désoeuvrement et à la débauche. Cet argument pesa fort dans les esprits de cette population habituée à une existence rude mais sereine, soucieuse de conserver les mœurs ancestrales.

Le projet partit de rien, et il fit un tout. Le monsieur en question se rapprocha de toutes les personnes susceptibles de l’aider ; on lui recommanda également de se rapprocher des autorités pour obtenir les renseignements nécessaires à son plan de réalisation ; celui-ci consistait en un programme d’urbanisation et de construction, se résumant en l’édification de logements, d’un centre de santé, d’une école, d’un service postal, de l’eau courante, d’une petite mosquée, d’un centre d’apprentissage pour femmes et d’une bibliothèque. L’urbanisation sera complétée par l’aménagement d’une route principale et de chemins asphaltés. Le ‘’bouche à oreille’’ fit son effet, car deux autres personnalités de la région s’intéressèrent au projet, et vinrent proposer leur assistance au parrainage.

Quelques six mois passèrent à contacter les organismes publics intéressés, pour obtenir les autorisations de l’aménagement du site. En fait, le gouvernement en place avait dans son plan d’urbanisation le développement des zones déshéritées, et cette initiative venait à point nommé pour le concrétiser dans cet endroit. Les trois bienfaiteurs financèrent toutes les constructions, et si la main d’œuvre vint des villes environnantes, on procéda à l’embauche locale en employant quelques jeunes désoeuvrés à la maçonnerie, et à des tâches diverses. Ils rayonnaient de satisfaction, pendant que les anciens observaient ce remue ménage, avec impassibilité parfois, avec incertitude pour d’autres, avec l’espérance d’une vie meilleure pour le reste.

Au bout d’une année, tels des champignons sortis de terre, juste à côté des anciennes maisonnettes – c’était la condition des vieux de ne pas toucher à ces demeures chargées de souvenirs – s’élevèrent les premiers édifices. Cela incita quelques natifs du pays à visiter les lieux, et à s’intégrer dans des projets d’activités commerciales bien utiles aux habitants, longtemps dénués de tout, obligés de se déplacer loin pour acheter le nécessaire .

Beaucoup de curieux du voisinage immédiat vinrent constater de visu les travaux engagés et le changement opéré ; entre satisfaction, étonnement et frustration, les commentaires allaient bon train. Mais enfin, ce qui comptait pour l’heure, c’était que la transformation donnât de bons résultats, et surtout une satisfaction morale aux habitants du site.

A partir de là, les choses s’accélérèrent. Les ouvrages prirent forme, des magasins s’ouvrirent, le centre médico-social commença à fonctionner grâce au recrutement d’un personnel qualifié auquel on attribua des logements ; c’était là la plus grande réussite et le plus grand des bienfaits pour ces familles soumises aux aléas sanitaires. L’école ouvrit une classe, au grand bonheur des tous petits, qui se relayaient dans la journée en attendant que d’autres classes puissent fonctionner.

Ce qui n’était donc qu’un petit pâté de maisonnettes rudimentaires devint un ensemble urbain bien aéré et confortable ; les anciens, petit à petit, osèrent s’installer chez les leurs, dans les nouveaux appartements, ravis par les facilités domestiques telles que l’eau courante et l’électricité. On peut le dire, ce fut une renaissance, accomplie grâce à la générosité de quelques bienfaiteurs, à la bonne volonté des jeunes et moins jeunes, et à l’obligeance des autorités de la région.

Cela paraît être une utopie, et pourtant, dans un petit coin quelque part dans une montagne algérienne, ce qui n’était même pas un rêve devint une réalité tangible, accessible au toucher et au regard, et surtout, salutaire à bien des égards pour une population qui depuis longtemps, avait perdu jusqu’au sens de l’illusion.


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