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L’héritage de Jean Chrétien

Publié le 19 octobre 2009 par Politicoblogue
source: agencenews.com

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Décidément, Jean Chrétien ne se doutait certainement pas, lorsqu’il a quitté le pouvoir en 2003, que son héritage politique allait conduire ses successeurs à la tête du PLC tout droit en enfer et qu’il faciliterait du même coup l’accès au pouvoir aux conservateurs.

Mais on ne peut le blâmer : les jeux de coulisses entre progressistes-conservateurs et réformistes-alliancistes qui se tramaient durant les derniers mois au pouvoir  de Jean Chrétien sont passés totalement sous le radar de son flair légendaire. En effet, les cartes du jeu ont été rebrassées immédiatement après son départ et ce qui était bon pour les libéraux à l’époque où le mouvement conservateur était en pleine guerre civile l’est un peu moins  maintenant que la droite a été réunifiée. Ce qui a fait la fortune (ou plutôt, les majorités) de Jean Chrétien a mené les libéraux de Paul Martin, Stéphane Dion (et Michael Ignatieff?) vers une longue traversée du désert sur les banquettes de l’opposition.

Le plus dramatique dans cette histoire (du moins pour les libéraux), c’est que  la donne est en train de changer complètement et  pas nécessairement en faveur du parti libéral. Les conservateurs vont bientôt laisser leur marque sur les institutions politiques canadiennes et si les libéraux ne se reprennent pas rapidement en main, ils seront contraints de regarder le train passer. Exit, le «parti naturel de gouvernement», place aux conservateurs!

Natural Governing Party

Un brin alarmiste, vous dites? Pas tant que ça!

De 1896 à 1996, les Conservateurs ont occupé le pouvoir durant seulement 31 ans. La cause? Un Québec indéfectiblement libéral, ce qui assurait aux rouges un avantage d’une cinquantaine de sièges en moyenne sur leurs adversaires conservateurs. Pour accéder plus facilement au pouvoir, les conservateurs ont cru bon pencher un peu plus vers la gauche et dorloter davantage le Québec, ce qui était relativement facile avec le vide créé par le rapatriement de la constitution et la désaffection dont souffraient les libéraux. Mauvaise stratégie, qui a fait perdre aux conservateurs leur appui dans les provinces de l’Ouest. Et voilà : le Parti réformiste était né, et durant 10 ans ils ont livré une bataille sans merci au parti progressiste-conservateur.

Tout ça pour dire qu’à l’époque de Jean Chrétien, les forces de droite étaient davantage occupées à mettre leur composante sœur en échec qu’à livrer une vraie bataille aux libéraux. Or aujourd’hui ce n’est plus le cas, et l’avantage Rouge a été complètement décimé. Aujourd’hui, les Québécois appuient massivement non pas le parti libéral mais bien le Bloc québécois. Les conservateurs n’ayant jamais bénéficié de cet avantage québécois, cela ne change rien pour eux, mais les libéraux, eux, se retrouvent privés des 50 sièges que leur assuraient jadis la Belle Province.

Dans l’Ouest, les libéraux ne sont tellement plus compétitifs que dans la majorité des circonscriptions, la bataille se joue à deux entre le NPD et les conservateurs. Aujourd’hui, les libéraux peuvent prétendre à un maximum de 20 sièges à l’ouest de l’Ontario sur les 92 que compte la région. Les conservateurs? Environ 70. Voilà pour l’avantage Bleu.

Les conservateurs et les institutions

En ce qui a trait aux institutions, comme je le mentionnais, les conservateurs sont sur le point de se conférer un avantage stratégique majeur.

D’une part, le Sénat a perdu sa majorité libérale mardi dernier, lorsque la sénatrice Joan Cook a tiré sa révérence. Le 29 novembre 2010, lorsque le sénateur Peter A. Stollery prendra à son tour sa retraite, les conservateurs seront plus nombreux que les libéraux et les indépendants réunis (un Sénat conservateur minoritaire, si on peut dire), pour finalement obtenir leur majorité sénatoriale le 13 mai 2011. Si les conservateurs se maintiennent en poste jusque-là, donc, la Chambre haute leur sera acquise.

Mais l’élément le plus fondamental dans le changement des institutions, c’est à la Chambre des Communes qu’il se produira, avec le projet du gouvernement d’augmenter à 342 le nombre de sièges à la Chambre basse. Ces 34 sièges supplémentaires seront ajoutés en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique. Rien de spécial là, sauf qu’il s’agit de circonscriptions rurales, disons, plus favorables aux conservateurs qu’aux libéraux. Ou du moins, le genre de circonscriptions où la lutte se fera à deux entre le NPD et le PCC, plutôt que d’éventuels fiefs libéraux comme dans les régions métropolitaines de Vancouver et Toronto.

L’héritage Chrétien

Et Jean Chrétien dans tout ça?

Il est en partie responsable de la situation actuelle. Comment? C’est lui qui a modifié les règles du financement électoral de manière à favoriser le Bloc québécois. Simple, disait-il. Tant que le Bloc dominera le Québec et que la droite sera divisée partout ailleurs, le parti libéral est assuré de remporter une majorité. En effet, Chrétien se doutait bien que sur 75 députés, jamais il n’en ferait élire plus de  la moitié, et où iraient les autres? Aux conservateurs, évidemment. Mais la stratégie s’est maintenant retournée contre les libéraux, et ce sont des députés qui font cruellement défaut aux libéraux qui se retrouvent à mordre la poussière devant des candidats bloquistes.

Quant à son autre héritage, eh bien, Jean Chrétien en a lui-même fait la démonstration au cours des dernières semaines : le grenouillage interne au PLC n’est pas une chose passée et n’était pas propre uniquement au tandem Chrétien-Martin. Après les guerres Chrétien-Turner et Chrétien-Martin, voici maintenant la guerre Chrétien-Ignatieff! Jean Chrétien est en effet très actif dans les coulisses du parti libéral et son clan de partisans – dont font notamment partie Bob Rae et Martin Cauchon – aiguise ses couteaux dans l’ombre… Essayez maintenant de convaincre la population canadienne que vous êtes prêts à diriger le pays, quand vous n’êtes pas capable de diriger votre parti!

Le temps se fait de plus en plus rare pour les libéraux. Contrairement à ce que beaucoup croient, le pouvoir ne leur est pas naturellement acquis et s’ils ne se reprennent pas en main très bientôt, ils l’apprendront à leurs dépens. Les changements qui sont sur le point de s’opérer dans le paysage politique et les institutions canadiennes pourraient les confiner à l’opposition  pour encore de longues et pénibles années.

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