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Surveillance

Par Ashtraygirl

Surveillance
La boucle est bouclée, si l'on peut dire.
Le seul et unique film de David Lynch que j'ai eu le courage de voir jusqu'au bout, c'est Lost Highway, auquel je dois une migraine mémorable. Il est donc plutôt savoureux de se dire que le premier film que je vois de sa fille, Jennifer Chambers Lynch, renoue avec "la route" et Bill Pullman, le rôle principal de Lost Highway.
Si, cette fois, le road trip ne s'est pas soldé par un affreux mal de tête, l'enchantement, lui, n'était pas nécéssairement au bout de ce chemin sous haute Surveillance.
Explications.
Un meurtre, deux flics, trois témoins...

Surveillance ouvre sur un générique sobre entrecoupé de scènes sanglantes: un couple se fait trucider en pleine nuit par un duo de tarés masqués. Jusque là, rien de bien original, même si l'on sent présente, dés le départ, la volonté manifeste de mettre mal à l'aise.
Le lendemain, on se retrouve sur une route de campagne, à bord d'une voiture. Dans le véhicule, un ersatz de Mulder et Scully, incarnés par Julia Ormond et Bill Pullman. Et, d'emblée, l'alchimie opère entre eux, participant immédiatement à l'ambiance malsaine de l'ensemble. Deux agents du FBI dépêchés sur les lieux du crime, donc, qui, on l'apprend très vite, ne s'avère pas être un cas isolé. La bourgade dans laquelle se déroule les faits, elle, en revanche, l'est bel et bien. En fait, a priori, pas de ville à l'horizon. juste la route, la campagne en friches, et une poignée de bâtiments disséminés ça et là, du repaire de toxicos au commissariat de seconde zone. Les deux agents fédéraux débarquent donc dans ce nulle-part-land, où ils doivent auditionner trois témoins capitaux susceptibles de les aider à coincer les serial killers qui terrorrisent la région (enfin, les champs, quoi): un flic, une toxico, et une gamine qui en a gros sur la patate. Sur fond de guéguerre inter- Surveillance - Julia Ormond / Bill Pullman services (les flics n'aiment pas les fédéraux, ça n'est une surprise pour personne), les deux agents vont devoir démêler le vrai du faux tandis que les témoins sont interrogés séparément. Car il apparaît très vite évident que les loustics ont décider de faire dans l'enjolivage...
Le décor est planté en une vingtaine de minutes, et la tension s'avère présente dés le départ, malgré (ou grâce à) une mise en scène somme toute simplette, mais efficace. Dans l'apparente quiétude de cette bourgade paumée, tandis que l'enquête démarre laborieusement, l'horreur va peu à peu suinter du témoignage des trois rescapés de la tuerie... Et les faux-semblants, aussi.
Trois versions...
Surveillance

Jennifer Chambers Lynch construit (ou déconstruit) son histoire en prisme. Il s'agit là d'un puzzle (loisir cher aux Lynch, apparemment), dont l'intrigue est narrée à travers un kaléïdoscope. Tandis que les trois témoins sont cuisinés séparément - mais simultanément (curieuse méthode) - trois versions émergent, se recoupant visuellement, mais dissonnant sonoriquement. En effet, entre ce que disent les témoins et ce que nous, spectateurs, voyons, un fossé se creuse. Sans véritable surprise, on réalise bien vite que la vie à la cambrousse en réserve, elle, quantités. Flic ripoux, trafic de drogue, famille recomposée en surface, chacun des trois témoins a quelque chose à cacher dont il n'est pas fier. Oui, même la gamine. Et Jennifer Lynch d'enchérir crescendo dans le malaise, le pas catholique, le perturbateur. Les chiens ne font pas des chats, faut croire. Déterminée à nous déstabiliser, son récit, truffé de détails que l'on jugerait insignifiants - bien qu'interressants - va peu à peu prendre la direction que l'on espère - celle du dénouement - sans jamais l'énoncer clairement cependant. En fait, la question des serial killers n'est abordée au fil des témoignages que fort tardivement, tant et si bien que l'on se demande quel est l'intérêt des enquêteurs de connaître par le menu les événements qui ont précédé la confrontation avec les tueurs de plusieurs heures. Pour eux, n'omettre aucun détail, sans doute. Pour nous, décrédibiliser les témoins. Et insinuer le doute. On en vient fatalement à penser, comme la réalisatrice le souhaite: "si ces trois-là s'en sont sortis et que rien de plus que leurs pauvres petites vies ne se profile à l'horizon, c'est forcément que d'une manière ou d'une autre, ils sont dans le coup". On appelle ça mener son monde par le bout du nez. Oui, mais...
Qui dit la vérité?

Surveillance - Ryan Simpkins Personne, et tout le monde à la fois. Car si dans l'histoire les témoins sont de fieffés dissimulateurs, à l'écran, ils se trouvent dans l'incapacité de mentir, dans la mesure où nous voyons tout. En cela, je pense que le propos de Jennifer Lynch se situe du côté de la variation de point de vue, et de ce que cela implique. Sa réflexion se base sur les apparences, et ce qu'il y a au-delà de ce que les gens acceptent de révéler. Jusqu'ici, sa mise en scène se tient, prenante, déroutante, parfois révoltante même, mais inégale. Le souci dans tout ça, c'est le twist. Le fameux twist final qui fait tant de merveille dans tant de films. Sauf ici.
D'abord, parce que le twist, par définition, est réussi lorsqu'on n'a pas conscience de son existence potentielle. Or, ici, on le renifle dés l'après-générique. Côté surprise, on repassera. Ensuite, en raison de la teneur de celui-ci. Je ne veux pas frimer ou quoi, ni vous laisser penser que je suis une descendante directe de Sherlock Holmes, mais j'avais tout calculé en vingt minutes chrono. Pourquoi, comment, je l'ignore, mais le fait est là: le twist ne m'a absolument pas retournée, ce qui est plutôt dommage pour un twist justement, vous en conviendrez. Enfin, dernier point et pas des moindres: la morale. Je conçois que certains films s'en passent, mais les histoires de meurtres en série, y'a pas, moi, il me faut au moins un mobile. Serial killer ou pas, j'aime avoir une réponse à la question lancinante et capitale: pourquoi? Manque de bol, ici, point d'explication, juste la jubilation macabre du tueur, cintré de A à Z, comme pour en rajouter encore une couche dans le franchement dérangeant. Alors certes, ça m'a dérangé. Mais sûrement pas de la manière dont je l'espérais. Shoot!
"J'ai trouvé ça fort"

Peut-être, mais à moitié seulement alors. Si, visuellement parlant, Jennifer Lynch fait montre d'un parti pris esthétique fort séduisant, et si, scénaristiquement parlant, il y a indéniablement de la matière, notamment en raison d'une galerie de personnages plutôt bien campés, il manque encore un je ne sais quoi de réfléxion pour que l'ensemble soit véritablement sublime. A mon sens, et même si elle avait mis toutes les chances de son côté, Lynch Jr les a sabordé avant - et pendant - la fin. Dommage, mais j'attend nénamoins la suite de sa filmo pour me faire mon opinion. Et j'ai bon espoir d'être séduite la prochaine fois.




EN BREF:
*Indice de satisfaction

Surveillance

*1h34 - Américain - by Jennifer Chambers Lynch - 2008
*Cast: Bill Pullman, Julia Ormond, Pell James, Ryan Simpkins, Michael Ironside...
*Genre: On the road again...
*Les  + : Une mise en scène sobre et efficace, assortie de plans franchement sympatoches. Belle galerie de personnages. Intrigue prometteuse.
*Les - : Final désolant.
*Liens: Fiche film Allocine
   Site officiel

*Crédits photo: © Wild Bunch Distribution


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