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Le dimanche de l'appareil

Publié le 25 octobre 2009 par Didier54 @Partages
Le dimanche de l'appareilNon, vraiment, ce dimanche n'est pas drôle. Il est pourri. Dimanche de merde. La mort aux dents.
J'ai gagné du temps, pourtant. Ô, quelques jours, pas mieux. Mais toujours ça de pris.
C'était mercredi soir, que nous avions rendez-vous chez le tortionnaire. L'orthodontiste, comme il veut qu'on dise. Y'a des mots, on les prononce, ils grincent. Bec droit, mon œil !
Un enfoiré, oui. Un métallier. Pas plus. Pas mieux. Pas moins. J'ai fait mine de. Je suis reparti avec la saloperie dans les gencives. Mais en rentrant à la maison, je l'ai virée la merde. J'ai réussi à faire comme si on allait l'oublier, je l'ai enlevée, j'ai pu aller au bahut la dent libre, jeudi et vendredi, c'était bien, personne ne remarquait rien. La saloperie était dans une boite à la maison. Cachée. Terrée. Même moi je l'ai oubliée, en fait.
Samedi, ma mère a grasse matiné, mon père n'y a pas pensé, j'allais au foot l'après-midi, d'ailleurs on a gagné. Après, on est allé faire quelques courses, le soir, il y a eu du monde à la maison, on m'a foutu la paix. On a même un peu parlé des vacances, de ce que l'on allait faire. Je me ferais bien un parc d'attractions. Bref, tout allait bien. A peu près. En plus, Nancy a battu Grenoble. Et j'ai eu un cadeau, parce que j'ai bien bossé à l'école. Une belle soirée, quoi.
A vrai dire, je n'y pensais plus, à la limaille.
Mais ma mère si, en fin de soirée, avant que j'aille me coucher. Elle y a repensé. Elle a voulu qu'on fasse un essai. Pendant que mon père partageait de la musique avec un copain à lui.
Mais on n'a pas réussi à la mettre, la ferronnerie. C'eut été un autre sujet, j'aurais pu en sourire, en rire, mais la bouche cousue n'est pas un dossier anodin, ça donne pas envie de se marrer. Alors je suis allé me couche, j'ai réussi à m'endormir, mais j'arrêtais pas de me dire que tout le monde allait bien se foutre de ma gueule.
Ma tronche ? Comme si elle était devenue transparente. J'imagine que dans les magasins, en cours, là, ici, tout le monde louche sur ça, ne voit que ça. J'en ai les larmes aux yeux.
Et en ce dimanche de merde, voilà que mon père, qui en plus s'est couché à point d'heure et s'est levé tôt, je ne sais pas ce qui lui a pris, mais à un moment donné, comme si on n'avait pas changé d'heure, le voilà qui dit qu'il est temps maintenant de s'y mettre.
Dimanche de merde. Le nez dans l'appareil, les doigts dessus plutôt.
J'essaie de renâcler, d'éviter, je pleure même, parce que c'est pas possible ce truc, je n'aime pas ma voix, avec, je me cache, j'aimerais être une petite souris qui se cache.
Dimanche de merde.
J'ai un appareil dentaire.
Ils peuvent me dire tout ce qu'ils veulent. Que c'est mieux comme ça, que c'est pour mon bien, que c'est le cas de plein d'enfants. Dimanche de merde. J'ai un appareil dentaire. La mort aux dents.
Onze ans, bientôt douze.

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