Magazine

Contes de l'ordi sacré : Gudule au centre de la terre 16

Publié le 26 octobre 2009 par Porky

4-2_4.jpg

EPISODE 16 : Où le lecteur découvre avec les personnages à quoi ressemble l'intérieur d'une baleine. 

Résumé des épisodes précédents (parce qu'on a peut-être un peu perdu le fil) : Gudule, le Servile Séide, le caribou fou, Jo la Fine et l'escabeau prétendument magique ont été avalés par une baleine qui se baignait près du rivage de la mer intérieure. Quant à la Marsupilania's band, elle continue d'arpenter  le labyrinthe du centre de la terre et on va retrouver bientôt tout ce joli petit monde. 

La descente dans la ventre de la baleine n'était pas un exercice physique particulièrement agréable. Aussi l'intérieur de la bestiole résonna-t-il de cris et gémissements fort divers. « Aïe, ouille, putain de saleté de baleine ! » criait le caribou fou, fidèle à son niveau de langue. « Mais... Mais... » continuait de bredouiller Jo la Fine, pas encore remise de sa surprise. Le Servile Séide produisait des sons inarticulés qui se résumaient à des « ah, oh ! » assez peu compromettants et Gudule, Dieu merci, ne disait rien parce que ses couettes s'étaient une fois de plus coincées dans sa bouche et menaçaient de l'étouffer. L'escabeau magique se taisait lui aussi, et c'était normal, vu qu'il n'était pas pourvu du don de la parole.

La chute sembla durer une éternité, et cela parut d'autant plus long à nos anti-héros qu'elle avait lieu dans l'obscurité la plus absolue. En plus, l'œsophage de la baleine (ou ce qui ressemblait à un tuyau de descente) sentait affreusement mauvais et il y avait gros à parier que l'estomac baignerait dans la même odeur nauséabonde de poisson pourri.

Finalement, on parvint au fond d'une cavité plus ou moins moelleuse et l'on s'écrasa en tas contre les parois de l'estomac. La descente était terminée. « On n'y voit rien !  protesta Jo la Fine. Et que celui qui me tripote veuille bien enlever ses mains de  mon céleste corps. » « C'est moi, fit le caribou fou. Et crois-moi, je ne l'ai vraiment pas fait exprès. » La voix de Gudule s'éleva tout à coup. « Qu'allons-nous faire, ô mon maître ? Nous voilà mangés comme une vulgaire pâtée pour chien. Bientôt, nous serons digérés. » « J'ai bien l'intention de lui rester sur l'estomac, à cette baleine de merde ! rétorqua le caribou fou. Mais il faudrait d'abord voir où nous sommes. » « Pas de problème, fit Jo la Fine. Je demande à l'escabeau magique d'allumer la lumière. » Et elle claqua des doigts tout en marmonnant d'incompréhensibles paroles. Mais que ce fût dans la baleine ou à l'extérieur, sa magie fonctionnait quand elle avait le temps d'y penser, et quand elle le voulait bien. L'obscurité demeura.

« Je ne sais pas pourquoi je me suis encombré de toi, rédhibitoire poufiasse ! gronda le caribou fou. Non seulement tu ne m'aides pas mais en plus, tu me mets dans des situations invraisemblables. Tout ça, c'est ta faute ! » Jo la Fine émit ce qui pouvait passer pour un pleurnichement. « Mais je ne comprends pas, murmura-t-elle. Tout marchait très bien avant ton arrivée. Peut-être que l'escabeau magique est allergique à ta présence. » « Attends que la lumière arrive, dit le caribou fou en donnant au hasard quelques coups de pattes (et ce fut le Servile Séide qui se retrouva à moitié assommé), et tu vas voir ce que je vais en faire, de ton escabeau débile ! »

Tout à coup, l'intérieur du ventre de la baleine fut illuminé par une lueur tremblotante. Le caribou fou ricana : au bout de ses pattes, apparaissaient des langues de feu qui semblaient à première vue assez menaçantes. « Je vais lui foutre le feu au cul en moins de deux », grogna-t-il. « Et nous faire griller avec ? dit Jo la Fine, pas contente. Allume plutôt ces bougies que je vois traîner dans un coin. »

« Est-ce que ce barouf d'enfer n'est pas bientôt fini ? demanda tout à coup une voix sonore, un peu énervée, et qui semblait venir du fond de l'estomac. On ne peut même plus méditer tranquille. » « Tiens, on a de la compagnie », murmura le caribou fou et la surprise lui fit éteindre les flammèches. Mais Jo la Fine avait eu le temps d'allumer les fameuses bougies.

On regarda plus attentivement l'endroit d'où venait la voix. Et on découvrit un petit homme rabougri, vêtu de haillons, enguirlandé d'une barbe de deux kilomètres et qui, assis sur une sorte de tabouret, paraissait plongé dans de profondes réflexions. Pendant qu'on y était, on examina l'endroit où on se trouvait.

A vrai dire, il n'y avait pas de quoi s'extasier sur la beauté du site. L'estomac de la baleine ne recélait aucune merveille, à part des morceaux de bois, une vieille table mangée par les vers, une lampe à pétrole, trois fauteuils vermoulus, quelques coussins en piteux état et une dizaine de bougies éparpillés par ci par là. « C'est pas vraiment la caverne d'Ali Baba, dit le caribou fou qui avait quelques lettres. Et en plus avec ce vieux qui radote, c'est pas le lieu que je choisirais pour passer mes vacances. » « Qui êtes-vous ? » demanda justement le vieux avec un certain à-propos. « Et toi, qu'est-ce que tu fous là ? rétorqua le caribou fou. Tu attends d'être digéré ? » « Je suis là pour méditer, dit le vieux. La baleine est mon refuge contre l'agitation inepte de l'extérieur. Je m'appelle Jonas. » « Tiens ! fit Jo la Fine, surprise. C'est toi, Jonas ? Ca fait des milliers d'années qu'on te cherche. » « Et que vous ne me trouvez pas, répliqua Jonas. Mais cette tranquillité ne pouvait évidemment pas durer. J'ai passé un accord avec la baleine : elle ne me digère pas et j'évite de bouger pour ne pas lui donner des crampes d'estomac. »

Les yeux du caribou fou se mirent à rouler comme des billes dans leurs orbites. « Mais tu viens de me donner une idée sensationnelle, vieux croûton ! Je sais maintenant comment sortir d'ici. » Et avec un grognement sinistre, il fit de nouveau apparaître les flammèches au bout de ses pattes. « C'est pas des crampes qu'elle va avoir, la bestiole, c'est des brûlures d'estomac ! »

Jonas se leva tout à coup, visiblement affolé. « Si tu fais ça, tu nous perds tous ! Elle va ouvrir la vanne et nous allons être précipités dans son appareil digestif ! » Gudule éclata en lamentations. « O mon maître, par pitié, réfléchis bien avant d'agir ! Notre existence doit-elle être brisée d'une façon aussi horrible ? » « Escabeau magique, frappe cet animal insensé ! » ordonna Jo la Fine mais l'escabeau, décidément récalcitrant, n'obtempéra pas. Le caribou fou ricana de nouveau. « Pas la peine d'essayer de m'attendrir ! Il suffit de la brûler au bon endroit, et elle va nous rejeter à la mer séance tenante ! » « Mais je ne veux pas sortir ! protesta Jonas. Je suis bien, ici ! »

« Pour ce que tu fais, tu seras aussi bien ailleurs », affirma le caribou fou en examinant les parois de l'estomac pour voir quel endroit serait le plus susceptible de faire vomir la baleine. Jo la Fine claqua une fois encore des doigts. « Que l'on sorte d'ici, vite ! » s'écria-t-elle. Hélas. Elle eut beau se démener, rien ne se passa. Seule la voix du caribou fou s'éleva pour la menacer, si elle continuait de claquer des doigts pour des nèfles, de claquer son sale museau de musaraigne. « Là, continua-t-il en tendant la patte. Je vais la cramer là. Accrochez-vous, on va repartir dans l'autre sens ! »

(A suivre)

(L'idée du caribou fou -qui n'est pas si idiote qu'elle en a l'air- va-t-elle réellement se concrétiser et aboutir à un résultat acceptable ? La baleine va-t-elle les vomir ? Et où ? Et Jonas suivra-t-il ? D'ailleurs, que vient-il faire dans ce conte, ce vieux débris biblique ? Laissons à l'auteur le temps d'y réfléchir...)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Porky 76 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte