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Immigration : arme d’élection massive pour les néolibéraux

Publié le 28 octobre 2009 par Vogelsong @Vogelsong

Prototype même du débat piégé, l’immigration et la focale sur l’identité nationale reviennent sur le devant de la scène. La droite possède sur le sujet un avantage comparatif qu’elle met à profit chaque fois que cela est judicieux. Politiquement. Il est pourtant impossible de s’y soustraire sous prétexte qu’il détournerait des vrais enjeux, et des vrais échecs de l’homme de Neuilly-sur-Seine, c’est-à-dire l’économique et le social. Pour une simple raison, les deux sujets, immigration et questions économiques et sociales sont intimement liées. Il suffit juste d’avoir le courage de s’y frotter.

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Je suis frappé que lorsqu’on parle d’expulsion d’afghans le seul commentaire que vous avez envie de faire, c’est sur une banderole*” lance E. Frassin à l’historien sarkozyste M. Gallo lors de la matinale de France Inter. Comme un symptôme de la réduction du débat à son niveau le plus insignifiant. Lorsque l’administration française renvoie trois afghans, l’intellectuel de palais ne s’interroge que sur la portée d’une banderole d’opposants aux expulsions déployée à l’aéroport. Il est vrai qu’il est là, en toute neutralité, pour faire l’apologie des mesures d’”éloignement” mises en place par B. Hortefeux remplacé avantageusement par E. Besson.

Le ministère de l’Immigration et de l’identité nationale est conçu comme une arme d’élection massive. Le deal proposé par le candidat N. Sarkozy était expulsion contre intégration. Il proposait aux “Français” de mettre sous l’éteignoir leur indignation et apitoiement sur la misère du monde pour mieux s’occuper de ceux qui étaient déjà parmi la communauté nationale. Voilà pour la partie “soft” du message. L’objectif en réalité, faire main basse sur les 3 à 5 millions d’électeurs frontistes. Leur donner une légitimité au sein de la très respectable formation de droite néo-libérale UMP.

Le levier de la peur de l’autre, de la stigmatisation tous azimuts démontre son efficacité depuis trente ans. Quelle meilleure tête de gondole pour le libéralisme économique que l’étranger fainéant profitant du laxisme social et des avantages du modèle français. Les déficits de l’état, le trou de la sécurité sociale, le chômage de “nos enfants” ont des causes diffuses, mais identifiables dans le magma médiatique des afflictions touchant la France éternelle de Clovis. Identifiables car bien orientées par la communication et la vulgate politique “moderne”. Identifiés comme “autres” : les Roumains de gare, les Tsiganes de stades, les afghans de jungles, pour en arriver finalement aux piliers de cages d’escaliers. Eux, qui sont français, nés à Bondy ou à Rouen. Là réside la magie électoral(ist)e de la France de droite. La fausse promesse de changer le visible, le paysage épidermique de cette vieille nation percluse de rigidités mentales : la France du travail, des robes vichy, des godillots parés de terre glaise.

Ce dispositif xénophobe nourrit l’idéologie de marché parce qu’elle sape l’idée de redistribution et d’état providence. E. Besson est le meilleur ambassadeur de ce qu’il appelle lui-même “une gauche moderne”. Une gauche qui renie définitivement l’égalité et la redistribution. Une “gauche” finalement ralliée au Sarkozysme, comme dernier stade de dégénérescence.

J. Delpla*, membre du conseil économique et social et zélateur ultralibéral parle du facteur ethnique pour expliquer le naufrage de l’état providence. Bien que la structure sociale soit très différente entre la France et les USA, il fait référence aux mesures du Président Johnson (1965), qui prévoyait dans sa lutte contre la pauvreté que “pour chaque dollar alloué par l’État local à un programme de lutte contre la pauvreté, le gouvernement fédéral donne un autre dollar. […] les États sudistes pauvres ont très peu utilisé cette facilité, car la majorité électorale ne voulait pas payer pour les Noirs. En revanche, les riches États du Nord, avec une forte homogénéité ethnique (Minnesota et Wisconsin), surtout peuplés de descendants d’immigrants d’Europe du Nord, ont largement utilisé le programme Johnson“.

Que la proximité ethnique soit une variable au consentement à la solidarité, peut-être. Là où cela pose un sérieux problème politique et éthique, c’est l’instrumentalisation de la différence “raciale”** pour soumettre le corps social à la doxa de l’individualisme. E. Besson en charge de l’exécution des basses œuvres du gouvernement Sarkozy annonce un vaste débat sur l’identité nationale. La sarkozie dans le marigot se refait, comme toujours, une jeunesse sur le dos des dominés. L’état va mobiliser ses moyens (“préfecture, sous préfecture et forces vives de la nation“***) pour faire la promotion d’un thème central de la vitrine politique du parti au pouvoir. Bien secondé dans cette tâche par l’institut Montaigne, un “think tank” libéral où siègent et pensent le décliniste libéral N. Baverez et C. Bébéar président d’honneur d’AXA.

L’opposition de gauche sur le sujet tient la posture habituelle. Elle crie à raison au coup électoral. Ses bilans successifs ne plaident pas en sa faveur. Elle a tout au plus ralenti la déconstruction sociale favorable au règne sans partage du marché. Pour la “nouvelle” droite libérale, la peur de l’autre est un instrument de coercition efficace. Elle organise un désordre favorable à l’instauration d’une pensée dominante basée sur l’individu, la transaction commerciale et l’émotion. Un monde où l’autre n’est plus un autre moi, mais un vulgaire, autre.

*Plutôt bienveillant avec l’immigration

** le terme race n’est pas pertinent, il n’ y a pas scientifiquement de race noire, jaune, rouge ou bleue à proprement parlé, il y la race humaine n’en déplaise à E. Zemmour et autres grands penseurs médiatiques.

*** Selon les dires d’E. Besson


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