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Elsa Fayner livre une profonde réflexion sur le Pôle Emploi : il n’est plus seul à accompagner les demandeurs d’emplois. D’ici 2011, 320 000 chômeurs vont être confiés au privé.

Publié le 29 octobre 2009 par Jérémy Dumont

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Pôle Emploi n’est plus seul à accompagner les demandeurs d’emplois. D’ici 2011, 320 000 chômeurs vont être confiés au privé. Fin septembre 2009, une trentaine de prestataires privés étaient validés : cabinets de reclassement, filiales d’agences d’intérim, organisme de formation, etc. Des cahiers des charges ont été définis par Pôle Emploi. Mais l’accompagnement sera-t-il vraiment comparable? Le Crest a comparé l’accompagnement renforcé assuré par des opérateurs privés de placement, et par la prestation Cap vers l’entreprise, de l’ANPE (à l’époque de l’étude), deux prestations destinées aux demandeurs d’emploi présentant des risques de chômage de longue durée. Extraits de la conclusion de l’étude:


“Les résultats sont là. On est en mesure de définir avec certitude et précision, sur des indicateurs simples et lisibles, l’impact causal des deux dispositifs d’accompagnement, celui délégué aux opérateurs privés de placement (OPP) et le dispositif Cap vers l’entreprise mis en oeuvre par l’ANPE.”

Un accompagnement public et privé jugé efficace dans l’ensemble

“On ne saurait douter que l’un et l’autre ont eu pour effet d’augmenter les taux d’entrée en emploi au cours des 12 premiers mois suivant le début de la prise en charge, pour tous les publics, et dans des proportions importantes, surtout dans le flux indemnisable. Il est également établi que les accompagnements augmentent les entrées en emploi qui ne donnent pas lieu à des réinscriptions rapides au chômage, donc probablement vers des emplois durables. Tels qu’ils ont été mis en oeuvre dans cette période expérimentale, les dispositifs ont donc réalisés les ob jectifs qui leur étaient fixés”.

Avantage ANPE: plus rapide…

“L’analyse fait également apparaître des différences entre les résultats des OPP et de Cap vers l’entreprise. Ainsi, les effets de Cap vers l’entreprise sont globalement plus forts et obtenus plus rapidement : l’effet des OPP est surtout sensible après au moins 3 mois de chômage, tandis qu’il se fait sentir dès le début de la prise en charge pour Cap vers l’entreprise.

Les OPP augmentent les sorties vers l’emploi de plus de 6 mois, mais ne modifient pas la proportion de sorties plus courtes ; au contraire, Cap vers l’entreprise augmente tous les types de sortie. L’intervention des OPP n’a, au total, pas d’effet sur le nombre de jours d’inscription au chômage, tandis que Cap vers l’entreprise les fait décroître.”

… et pour tous

“Enfin, l’impact des OPP est fort sur certaines populations, femmes, jeunes, qualifiés, et inexistant sur les autres ; l’effet de CVE est distribué de façon beaucoup plus homogène à travers ces catégories“.

Pourtant, prestations et publics sont les mêmes

“L’enquête statistique auprès des demandeurs d’emploi menée par la Dares, ainsi que l’observation du terrain réalisée par des cabinets d’étude, décrivent des modes de prise en charge des bénéficiaires extrêmement semblables, avec des tailles de “portefeuilles” des agents comparables. Aussi, les différences de performances semblent mal s’expliquer par le contenu des prestations”. La différence des publics traités est également écartée par les auteurs de l’étude: “lorsqu’ils opèrent sur les mêmes territoires, les deux programmes ne touchent pas des publics radicalement différents”.

Mais l’ANPE propose plus d’offres

“L’enquête de la Dares fait apparaître que les bénéficiaires pris en charge par Cap vers l’entreprise reçoivent en moyenne plus d’offres d’emploi que ceux pris en charge par les OPP, et il s’agit d’une des rares différences de contenu entre les deux dispositifs. Il serait utile de s’interroger sur l’avantage dont dispose le réseau ANPE pour mobiliser des offres sur le segment du marché du travail correspondant à la population ciblée par Cap vers l’entreprise et les OPP, en raison de son ancienneté et de son positionnement”.

Tandis que les prestataires privés connaissent mieux le tertiaire,…

Les OPP étant, d’après les analyses des cabinets d’étude, globalement plus familiers des grandes entreprises et du secteur tertiaire sont peut-être pour cette raison en mesure de placer plus facilement les jeunes, les plus qualifiés et les femmes.

… sont incités à trouver des emplois de longue durée…

“Enfin, un aspect central, et largement négligé, tient à la nature des contrats passés entre l’Unédic et les OPP. Ce sujet est d’autant plus important que ces contrats sont appelés à se renouveler tout en évoluant. Dans l’expérimentation, les OPP étaient rémunérés, en proportions semblables, à la prise en charge, à la mise en emploi et au maintien de l’emploi pendant 6 mois [les prestataires privés sont payés en trois fois, une partie de la rémunération à chacune de ces étapes, ndlr]. En outre, la mission de mise en emploi était de 6 mois. Il n’est pas douteux que les prestataires, entreprises à but lucratif, ont ajusté leurs efforts en fonction des incitations produites par ces contrats, et on peut en voir certains signes.
D’abord, les mises en emploi ne sont pas plus fréquentes lorsqu’elles donnent lieu à un retour au chômage rapide, et seules les mises en emploi de plus de 6 mois sont véritablement influencées par l’intervention des OPP. Ce fait est cohérent avec le système de rémunération, les prestataires privés n’ayant pas intérêt à encourager les demandeurs à occuper des emplois courts, ce qui ne déclencherait pas le paiement de la troisième tranche. Par contraste, Cap vers l’entreprise, qui n’est pas soumis à cette incitation, réalise des mises en emplois supplémentaires sur tout le spectre”.

… et après 6 mois de recherche

Ensuite, alors que l’impact de Cap vers l’entreprise se fait sentir dès le début de la prise en charge, il est sensiblement plus tardif pour les OPP, et apparaît surtout à l’approche des 6 mois de prise en charge. C’est précisément le moment où il devient indispensable pour l’opérateur de réaliser la mise en emploi. ”

Et les auteurs du rapport de conclure:”Dans cette perspective, comprendre l’impact des conditions des marchés passés avec les OPP sur les résultats obtenus, et le profil des contrats les plus efficaces, nous semble un
enjeu particulièrement important dans une architecture du service public de l’emploi qui laisserait une place croissante aux opérateurs privés”.

Elsa Fayner

Pour allers plus loin

  • Lire l’étude “Evaluation d’impact de l’accompagnement des demandeurs d’emploi par les opérateurs privés de placement et le programme Cap vers l’entreprise”, L. Behaghel, B. Crépon et M. Gurgand, Crest, Paris, septembre, 68 p., (2009).
  • Privé ou public : qui s’occupe le mieux des chômeurs?, sur Médiapart
  • Motivations, facturations, méthodes : A quoi ressemblent les prestataires privés de Pôle Emploi ? - 1ère partie, Miroir social
  • Recrutement, profils des conseillers, rémunération : A quoi ressemblent les prestataires privés de Pôle Emploi ? - 2ème partie, Miroir social
  • Les expérimentations d’accompagnement renforcé de l’Unédic et de l’ANPE : Analyse du processus d’entrée en parcours d’accompagnement, C. Gratadour, Dares, Paris, Premières synthèses, n° 41.1, octobre, 8 p., (2009).
  • Les expérimentations d’accompagnement renforcé de l’Unédic et de l’ANPE : Contenu des accompagnements et opinion des bénéficiaires, C. Gratadour et T. Le Barbanchon, Dares, Paris, Premières synthèses, n° 41.2, octobre, 8 p., (2009).
  • Les expérimentations d’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi conduites par l’UNEDIC et l’ANPE en 2007, C. Seibel, La Documentation française, Paris, Rapport de synthèse du comité de pilotage de l’évaluation, octobre, 31 p., (2009). Résumé  : Au cours de l’année 2007, l’Unedic et l’ANPE (désormais Pôle emploi) ont expérimenté des prestations d’accompagnement renforcé de demandeurs d’emploi présentant des risques de chômage de longue durée : un accompagnement renforcé de six mois environ pour 41 000 demandeurs d’emploi indemnisables accompagnés par des opérateurs privés de placement (OPP) dans 10 régions, pour l’Unedic ; une prestation d’accompagnement renforcé « Cap Vers l’Entreprise » (CVE) de six mois, mise en oeuvre en interne dans 6 régions pour 40 000 demandeurs d’emploi indemnisables ou non, pour l’ANPE. L’évaluation de ces expérimentations a été coordonnée par un comité de pilotage présidé par M. Claude Seibel, Inspecteur général honoraire de l’Insee, et composé de représentants de la Dares, de l’ANPE (puis de Pôle emploi) et de l’Unedic, et des chercheurs chargés de l’évaluation.

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