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Plus de performance, moins de KPI

Publié le 23 septembre 2009 par Amaury2point0
Microsoft Excel (Windows)

Image via Wikipedia

Outre la grippe A et la navigation à vue, les entreprises souffrent d’une troisième maladie grave : la kapéite. La kapéite est un dérèglement de l’organe statistique qui conduit à la prolifération d’indicateurs de performance « hautement stratégiques » communément désignés par l’acronyme anglo-saxon KPI (Key Performance Indicators).

Soyons clairs, je ne suis pas particulièrement rétif à la production de données chiffrées. Passage par le même lycée que Descartes, formation d’ingénieur, rôle de qualiticien et expert du maniement d’Excel, on peut invoquer la raison qu’on voudra, toujours est-il que j’en suis plutôt un gros consommateur. Je reste sensible à l’adage cher aux consultants qui veut que tout ce qui se mesure s’améliore et consacre une bonne part de mon activité à décortiquer les données qui me sont remontées.

Mais a-t-on réellement besoin de 79 indicateurs différents pour évaluer correctement une activité ? Personnellement j’en doute. Le nombre tableaux et diagrammes augmentant, on perd en clarté ce qu’on gagne en visibilité et en temps de publication celui gagné par une meilleure compréhension des problématiques. Au final il y a tellement de voyants qui clignotent qu’on ne distingue plus les vraies alertes, et là ça devient carrément contre-productif.

Partant de constat, je vous propose trois points d’attention pour éviter de transformer votre service opérationnel en une espèce d’INSEE interne.


Concentrez-vous sur le sens.

En principe, toute mesure vise à répondre à une question. On ne devrait pas produire d’indicateurs pour le plaisir de produire des indicateurs.

Admettons par exemple que dans le cadre de la prévision budgétaire pour 2010 je doive justifier

A – de ma charge de travail,
B – de ma valeur ajoutée.

Il me suffit d’un indicateur de volumétrie pour montrer le temps consacré à traiter des incidents (A) et d’une courbe de tendance pour prouver que depuis mon arrivée les pannes informatiques sont la cause d’un impact moindre (B). Ai-je vraiment besoin d’une répartition par groupe d’utilisateurs avec une mesure en temps et en pourcentage, rapportée au prorata de l’enveloppe allouée à l’équipe et présentée sous la forme d’un graphique tridimensionnel à cinq couleurs ? Je ne le pense pas.

Autre cas fréquent, une donnée pour être analysée se retrouve présentée sous une quinzaine de formes différentes, à des niveaux d’agrégation variés, et rapportée à quatre valeurs différentes qui font autant de jolis graphiques pas toujours lisibles mais qui rassurent. Bien souvent, la projection d’une même donnée sur des axes différents n’apporte pas une grosse valeur ajoutée en termes de compréhension. Réfléchissez à ce que vous voulez mesurer, testez deux ou trois formes de présentation, retenez-en une seule et ça suffira amplement. Vous gagnerez en lisibilité et pourrez vous concentrer sur l’action.


Les outils d’analyse ne sont pas des outils de reporting

S’il y a une phrase que j’exècre, c’est bien celle-ci : « c’est génial ton diagramme là, tu pourrais nous le sortir chaque semaine et le mettre à l’ordre du jour de la réunion du vendredi ? ». La plupart du temps si j’ai pris soin de mettre en forme une donnée, c’est pour mettre en évidence une information qui ne nécessite pas un suivi récurrent.

Puisque mes mesures doivent faire sens et répondre à une question précise, la réponse apportée est circonstanciée à cette question. Imaginons par exemple la question de mon supérieur : « Le client se plaint d’un manque de transparence concernant l’incident de lundi dernier. A-t-on bien communiqué ? » Je vais extraire de la main courante qui trace les actions menées par le groupe de résolution tout ca qui a trait à la communication. Pour un incident de deux heures, je note qu’il y a eu 22 emails faisant un point de situation, soit un toutes les six minutes ! Réponse à mon supérieur : « D’un point de vue quantitatif, nous avons suffisamment communiqué. Cependant le message est peut-être en cause. Je relève en effet qu’à 15h17… ». Dois-je pour autant quantifier les échanges à chaque incident ? Certainement pas ! La valeur ajoutée de mon travail n’est pas là, surtout si le client cesse de se plaindre.

J’évalue régulièrement et dans le même esprit la récurrence des mêmes incidents pour déterminer l’efficience des actions menées à leur encontre. Il s’agit là d’une analyse de la pertinence de mon travail. Au nom de quoi devrais-je le publier régulièrement ? Il serait beaucoup plus efficace de ne signaler que d’éventuelles dérives (en bien ou en mal). La simple apparition du tableau dans une note de synthèse ferait déjà fonction d’alerte à la hiérarchie. Evidemment je peux comprendre que celle-ci ne fasse pas confiance à chaque collaborateur pour signaler les alertes, mais le temps gagné à ne pas commenter des tableaux inutiles pourrait être consacré à la responsabilisation de chacun.


Pas de méta-mesure !

En poussant plus loin le concept de kapéite, on en arrive à faire de la méta-mesure, c’est-à-dire qu’on élabore des indicateurs sur la tenue des indicateurs.  Ne riez pas, je l’ai vu souvent. Je crois me rappeler que dans la dernière offre de service il est écrit quelque chose comme « 100% des indicateurs seront publiés et transmis dans les délais impartis. » Il va bien falloir le mesurer… Et je parie qu’on va me demander de le décliner en fonction de la fréquence de production des indicateurs et du destinataire, d’historiser l’information pour faire apparaître des tendances et de le croiser avec la charge de travail pour voir si c’est de la fainéantise ou du manque de temps qui justifie les retards. Hop ! Six slides de plus pour le comité de pilotage !


En définitive, ce qui importe, c’est de passer de la donnée à l’information utile pour mieux agir. Le reste, c’est de la cosmétique et du temps perdu.

Faites simple et concis, votre patron appréciera.

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