Quinze jours de prison ferme pour le marin indonésien

Ely, le marin indonésien de 36 ans, qui a blessé mercredi soir, à bord du palangrier le Lingsar 08, l'un de ses camarades avec un couteau de cuisine a été condamné hier à 3 mois de prison dont 2 mois et 15 jours avec sursis. Les débats lui ont été traduits par Dominique Auter, vice-procureur, l'une des seules personnes à parler indonésien à la Réunion.

Une main suffit pour compter le nombre de personnes parlant indonésien à la Réunion. Même pas la totalité d'une main. Il y a bien un Indonésien vivant dans le sud de l'île. Il a aidé les enquêteurs du commissariat du Port pour les auditions durant la garde à vue du prévenu mais n'a pas pu se déplacer pour la comparution immédiate qui s'est tenue hier matin. Alors à l'audience, c'est Dominique Auter, vice-procureur, qui a fait office d'interprète. Le magistrat du parquet a vécu cinq années en Indonésie et se dit amoureux de ce pays. “C'est magnifique et les gens y sont gentils”, confie-t-il en marge de l'audience. Il explique que le fait qu'il serve d'interprète à un prévenu alors qu'il est un représentant du parquet ne pose pas de problème. “Je n'interviens pas dans cette procédure, cela ne pose donc aucun souci”, lâche-t-il. Un autre magistrat du parquet raconte : “Nous avons vérifié mais comme M. Auter a prêté serment, cela ne pose pas de problème. Il a aidé en donnant du temps pendant toute la durée de la garde à vue.” Me Frédérique Fayette, avocate du prévenu estime : “Il faut bien que quelqu'un traduise. Et je pense que M. Auter a bien traduit.” Elle poursuit : “Le pire dans cette histoire, c'est que mon client part pour quinze jours en détention et qu'il ne parle qu'indonésien.” L'isolation sera donc maximale pour un homme analphabète qui, depuis le début de cette affaire, se demande ce qui lui arrive.

Vogue la galère pour 200 euros par mois

Hier matin, jugé en comparution immédiate, Ely, 36 ans, a été condamné à 3 mois de prison dont 2 mois et 15 jours avec sursis. Le tribunal a ainsi suivi les réquisitions du procureur de la République, François Muguet. Une interdiction du territoire pendant cinq ans a également été prononcée. Il sera donc expulsé en sortant de détention. Ce qu'il attend par-dessus tout puisqu'il dit à la barre qu'il désire rentrer chez lui où l'attendent une femme et deux enfants. Ce marin a pris la mer à bord du Lingsar 08, un palangrier pirate appartenant à un armateur taïwanais, il y a cinq mois, pour un salaire mensuel de 200 euros. Mercredi soir, il a dérapé et porté un coup de couteau à un de ses camarades de galère. Les deux hommes en sont venus aux mains vers 22 h 30 à cause d'une personne de l'extérieur, montée à bord. Ely voit d'un mauvais œil cette intrusion. L'autre marin prend mal la remarque et le frappe. Ely se relève. Il a bu. Et il réfléchit mal. Il descend à la cuisine et se saisit d'un couteau. Il remonte et porte un coup à l'autre marin qui hérite de deux mois d'incapacité totale de travail. Après le coup de couteau, Ely se jette à l'océan. “Pourquoi ?”, demande le président du tribunal Francis Oget. Ely répond : “J'avais peur”. Peur du marin blessé et des autres, témoins de la scène, qui se sont mis à sa poursuite. Dominique Auter traduit : “Il dit qu'il est désolé pour son copain.” Me Frédérique Fayette appuie : “Ces marins subissent depuis plusieurs semaines une oisiveté forcée à bord.” Une oisiveté et une promiscuité qui ont conduit un marin à l'hôpital. Et autre dans une prison réunionnaise

Nicolas Goinard - http://www.clicanoo.com