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Le maire et l’enquête publique

Publié le 04 novembre 2009 par Jclauded
Les dés sont jetés. Gérald Tremblay a été réélu maire de Montréal. Il peut être heureux de sa victoire car après que tout se soit déchaîné contre lu, il a su tenir le coup. Mais il ne doit pas se « péter les bretelles » pour autant, car plus de 60% des électeurs se sont retournés contre lui. En France, avec la méthode électorale à deux tours, Tremblay ne serait probablement pas maire aujourd’hui.
Ce qui est important maintenant c’est que Tremblay forme un comité exécutif compétent et choisisse des hauts fonctionnaires capables de prendre en mains efficacement les affaires de la ville. Ce ne sera pas facile car les points de litige sont anormalement nombreux.
À mon avis, le dossier le plus important est celui de la révision de toute la procédure ayant rapport avec la réalisation de travaux publics. Il doit être examiné de fond en comble. Pour ce faire, les dirigeants de la ville doivent comprendre le pourquoi des augmentations de coûts des projets, malheureusement ils ne le sauront que si une grande enquête publique est tenue sur le sujet afin de dévoiler les dessous réels de la plus grande magouille de tous les temps dans le domaine de la construction au Québec.
Le premier ministre québécois Jean Charest préfère des enquêtes policières ad hoc à une commission publique pour faire ce travail. Je ne suis pas surpris de sa position sur le sujet car une enquête publique prend, une fois lancée, sa propre vie et devient incontrôlable, comme disait l’ex-PM Robert Bourassa. Charest est un politicien chevronné au succès électoral hors de l’ordinaire, il ne veut prendre aucun risque qui pourrait mettre en péril son pouvoir et celui de son parti.
Malheureusement pour le PM Charest, la demande générale pour cette commission d’enquête devient si grande qu’il ne saura la refuser éventuellement à moins que le haut-le-cœur ressenti par le public, suite aux faits scandaleux révélés par les journalistes, ne s’estompe suite au résultat de l’élection municipale de Montréal. J’espère que non, car le patronage, la collusion politiciens-entrepreneurs, celle entre entrepreneurs eux-mêmes et possiblement avec certains professionnels me paraissent trop évidentes pour être oubliées. Les coûts excessifs découlant de toute cette magouille affectent démesurément les budgets de nos gouvernements et de nos villes et privent les travailleurs de milliers d’emplois.
La nouvelle opposition à l’hôtel de ville a l’appui d’une vaste majorité de Montréalais et de Montréalaises sur ce sujet pour presser fortement le maire Tremblay et son équipe à demander à Québec la tenue de l’enquête sur les augmentations excessives des coûts de la construction de travaux publics. Il y va directement de l’intérêt des contribuables de Montréal.
J’ai été heureux d’apprendre que l’Ordre des Ingénieurs du Québec vient de demander que la commission d’enquête soit mise sur pied. De plus, voulant s’assurer que la bonne réputation de l’ensemble des ingénieurs soit protégée, l’Ordre a décidé de ne pas attendre la décision du PM et a mis sur pied une enquête interne pour déterminer si le code de déontologie de la profession a été bafoué.
J’espère que l’Association des ingénieurs-conseils du Québec fera de même et démontrera qu’elle n’est pas, comme disait récemment Le Devoir, un club de firmes de génie réunies ensemble pour se protéger mutuellement mais plutôt un organisme qui vise à assurer que ses membres respectent des normes de conduite irréprochable et pratiquent un haut niveau d’éthique professionnelle.
La crainte des libéraux du Québec et de leur chef Jean Charest réside dans le fait que le parti libéral est financé en bonne partie par des entrepreneurs du milieu de la construction et de celui des ingénieurs-conseils et que cela ressortira durant l’enquête. De plus, il est probable que de tels contributeurs de fonds viendront affirmer qu’ils ont financé dans le passé les campagnes de candidats au leadership de leur parti, dont celle de Jean Charest.
Ces méthodes ont toujours existé et font partie de la normalité des choses. Il semble que ce n’est qu’actuellement que les citoyens et les citoyennes se réveillent et prennent connaissance de ce financement légal que les journalistes qualifient d’immoral. Le danger pour Charest et pour tous les politiciens, de tous partis, est que les électeurs jugent de ce financement passé avec leurs yeux d’aujourd’hui.
Il y a quelques années, ces contributions monétaires étaient remises, en général, sans condition. Les entrepreneurs espéraient être reconnus afin de pouvoir soumissionner sur des projets futurs. Les ingénieurs y voyaient une opportunité de faire valoir leur firme afin d’obtenir des mandats professionnels d’ingénierie. ll ne s’agissait pas de collusion pour augmenter les prix car les entrepreneurs se concurrençaient et soumissionnaient leur meilleur prix et les ingénieurs étaient rémunérés conformément au tarif minimum des honoraires professionnels établi par le gouvernement du Québec. Ayant vécu cette période comme ingénieur-conseil, je peux certifier que la concurrence était forte. En général, les payeurs de taxes en avaient pour leur argent. C’est toute la différence avec aujourd’hui alors que le « free for all » dans le milieu de la construction a fait grimper les coûts des travaux au Québec de 35% plus chers qu’en Ontario.
Les étoiles s’alignent pour une enquête publique. J’espère que le PM Jean Charest trouvera le courage politique pour la déclencher. Les partis politiques étant tous dans le même bateau, ils seront sûrement écorchés à tour de rôle mais ils en ressortiront tous mieux car l’intérêt public sera bien servi.
Le maire Tremblay, pour regagner la confiance perdue chez de nombreux citoyens et citoyennes de Montréal doit poser de grands gestes. La demande de l’enquête publique en serait un des plus importants.
Claude Dupras
Ps. Il y a aussi la suggestion du chef du parti Projet Montréal, Richard Bergeron, qui est intéressante. Elle consiste à ce que le maire nomme à l’exécutif des membres des autres partis. Je vois bien Louise Harel, chef du parti Vision Montréal et Bergeron à ces postes. Le maire garderait quand même la majorité au comité exécutif et gouvernerait, Cela deviendrait une administration d’union montréalaise. Dans les circonstances actuelles, je crois que de telles nominations renforceraient l’exécutif et démontreraient que le maire veut vraiment changer les choses et corriger ce qui ne tourne pas rond à l’Hôtel de ville.

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