Nous avons constaté l'importance de la
productivité du travail dans les grandes surfaces.
Une première série d'explications résidait dans l'utilisation rationnelle de la force de travail (billet précédent).
Aujourd'hui, nous allons analyser la deuxième source de productivité: le facteur capital et le progrès technique.
Une stratégie d'accumulation du capital et de progrès technique
Nous avions déjà parlé d'un certain nombre d'innovations dans les grandes surfaces (relire " caisse que vous en pensez ?" n°1 et n°2)
D'après une enquête de l'INSEE en 2006 (Innovation et marchés de la grande distribution), on
peut distinguer 5 types d'innovation dans la grande distribution
L'innovation de concept de vente: il s'agit donc d'un ensemble d'équipements matériels ou non qui permettent de fournir en supplément des services commerciaux: ils augmentent ainsi les
ventes et la richesse par m2.
De nouvelles méthodes de gestion des flux: c'est un aspect stratégique car les grandes surfaces voient circuler un nombre très important de biens,
d'argent et d'informations.
Par conséquent, connaître ses flux, les exploiter au mieux permet d'accéler la rotation du capital circulant (par exemple les stocks), ce qui par conséquence fait baisser les coûts (les stocks
coûtent cher et utilisent beaucoup d'espace).
Des innovations organisationnelles: elles sont très souvent invisibles aux clients. On peut, par un réseau inter-entreprise (franchises ou succursales)ou
par les centrales d'achat trouver des gains de productivité substantiels. De même, en améliorant l'ergonomie des postes de travail, un salarié peut soulever d'avantages de produits.
Enfin, les innovations relationnelles concernent les liens relations en amont et en aval, avec les clients,ou les fournisseurs.
L'exemple du développement très poussé des procédés de fidélisation du client (Leclerc avec sa carte de fidélité, les MDD marque des Distributeurs) participent à l'augmentation du chiffre
d'affaires pour un même nombre de salarié ou de surface.
On peut maintenant, à partir de cette grille d'analyse, évaluer l'impact de ces innovations
5 - On a pondéré les entreprises par leur chiffre d'affaires car certaines grandes surfaces sont une seule et même entreprise, alors que pour d'autres chaque
établissement est à lui seul une. Calculer des proportions d'entreprises innovantes sans tenir compte de la taille reviendrait à donner autant d'importance à l'innovation dans un magasin Leclerc
(réseaud'indépendants) qu'à celle de l'ensemble des magasins Carrefour(succursalistes).
Durant la période 1998-2000, 64 % des entreprises en termes de chiffres d'affaires ont innové (71 % pour les hypermarchés).
Un type d'innovation se détache: les innovations liées à la gestion des flux (25.7 %).
Les innovations relationnelles sont moins introduites (6.1 %).
Ces innovations ont-elle eu un impact quantifiable sur les ventes ?
Clé de lecture: Les 10% d'entreprises dont la croissance du chiffre
d'affaires a été la plus soutenue (47%enmoyenne), sont plus de 15% à avoir réalisé une innovation relationnelle.
Inversement, celles qui ont connu les plus faibles hausses de chiffre d'affaires (1,2%enmoyenne) n'ont été que 0,5% à réaliser des innovations relationnelles.
Il y a donc bien une corrélation positive entre la hausse des ventes et l'introduction d'innovation.
Ce deuxième graphique qui concerne les innovations de concept le confirme.
Aujourd'hui, d'autres innovations commencent à voir le jour.
L'objectif est évidemment de rationnaliser le temps (file d'attente aux caisses) et l'espace (gestion des stocks), ce qui permet davantage
d'efficacité.
- innovations de procédés: je ne reviens pas sur les caisses automatiques (déja traité dans les articles "caisse que vous en pensez").
Le futur immédiat concerne plutôt la technologie
de radio-identification (RFID).
Il s'agit de remplacer le code-barre par un signal beaucoup plus performant: l’encaissement serait alors totalement
automatisé par un simple passage du chariot sous un portique adapté.
- innovations de produits. Les clients préfèrent le libre-service qui évitent d'attendre un vendeur à chaque rayon (charcuterie, boucherie, fromage,
poisson...). Il s'agit donc de créer des produits prédécoupés en libre-service.
Cette thématique est de plus en plus appliquée: c'est au client de faire une partie du travail. On l'a vu avec les bornes interactives (le client se renseigne lui-même sur le prix), avec les
caisses automatiques (le client fait le travail de la caissière), maintenant avec le self-scanner (le client scanne lui-même le prix de ses articles). C'est un gain de temps.
Pour compléter: on peut regarder cette vidéo
sur les futures innovations qui nous attendent dans les hypermarchés.
En conclusion, nous pouvons nous appuyer sur ce tableau qui nous indique:
- le rythme des gains de productivité dans le commerce
- l'origine de ces gains de productivité
Clé de lecture: de 1995 à 2001, la productivité horaire du travail dans le commerce a augmenté de 1.19 % en moyenne chaque année. Le capital total y a contribué pour 71 % (0.85 / 1.19), les
nouvelles technologies pour 19.3 % (0.23 / 1.19) et la qualité du travail pour 65.5 % (0.78 / 1.19).
Il nous reste maintenant à savoir qui a profité de ces gains de productivité ? Quels usages ont été fait de ces gains ? Ce sera l'objet du prochain
billet
Ajouter un commentaire