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Ma rencontre avec l’épigénétique (un changement de paradigme).

Publié le 05 novembre 2009 par Scienceblog

l arrive souvent, pratiquement tous les jours, qu’on fasse preuve d’une nouvelle découverte « extraordinaire » qui changera le monde . Il arrive régulièrement qu’une de ces invention fasse les choux gras de la presse générale tant que spécialiste. La presse de vulgarisation s’en fait l’écho, arguant du fait que le « Grand Public », réel maître des journaux spécialisés, aime voir de nouvelles découvertes, et que ces découvertes doivent avoir un fondement matériel : hors de la matière, point de salut pour le journaliste scientifique. Alors, on parle, qui d’un nouveau médicament qui guérira du SIDA, qui d’un OGM qui sauvera la faim dans le monde, qui d’une astéroïde qui tombera – peut-être – sur terre et nous détruira tous, le syndrome du dinosaure sans doute. Il arrive aussi trop souvent que des découvertes, des idées, des concepts, passent à la trappe, car apparemment trop incompréhensibles pour être publiées.

Nous, vulgarisateurs, devrions-nous accepter de servir cette soupe prémâchée des découvertes compréhensibles et concoctées par la voix de leur maître (je veux parler des chargés de comm.) ? Alors, voici, moi aujourd’hui, je parle de ce qui fait surtout la science : un changement des idées, un truc plus compliqué.

Je me rappelle Axel Kahn au journal télévisé de 13 heures qui, un 15 août (la presse de devait avoir rien à dire ce jour là), clamait que :

  • un nouvel ARN, nommé ARNi, avait été coinventé
  • c’était super important, et un grand pas pour la science
  • il fallait donner de l’argent car ça allait sauver des gens

J’adôôôre Axel Kahn (et Chouchou adôôôre les sushis). Il est vraiment trognon avec sa petite tête de premier de la classe à faire une vulgarisation de grande classe (vraiment). Simplissime,et la au moins, on sait à quoi sert vulgariser : à chercher de l’argent !! Il m’aura fallu pas mal de temps pour rentrer dans cette nouvelle interplanétaire, la comprendre, l’ingérer. Six ou sept ans je dirais. Attendez vous à faire de même, lisez, instruisez vous. C’est le temps qui permet la compréhension, pas la consommation d’un edutainment d’un autre âge. A terme, vous aurez compris que les généticiens sont en train de changer de point de vue sur vos gènes.

Un jour (c’était l’année dernière à Strasbourg, durant les chauds jours d’été), j’ai rencontré John Mattick, un biologiste moléculaire australien lors d’un tournage, alors qu’il était interviewé à Strasbourg par un journaliste américain : quel méli-mélo !! Déjà, l’embrouille était palpable. Un gars que le journal science veut interviewer dans sa version web doit être un grand bonhomme … mais je n’en savais rien. Et voici ce qu’il m’a raconté.

Alors bon, moi qui ai une formation de biologiste, je sais ce que tout le monde répète à l’envi : ce sont nos gènes, séquence codantes d’ADN, qui déterminent ce que nous sommes, car ils contiennent l’information qui permet de produire des protéines. Ces protéines à leur tour sutrcturent le corps, transforment les aliments ingérés, transforment des sucres, fabriquent de l’énergie, des pigments bleus pour les yeux bleus, construisent et maintiennent les cellules. Ce schéma est simple et explique grossièrement « ce qu’est la vie ». Mais … ce n’est pas du tout comme cela que l’explique John (c’est un gars cool, ce directeur de labo australien qui se la pète pas comme les scientifiques du vieux continent, Kahn en tête). Nous avons toujours pensé ces gènes comme des éléments individuels qui ont une expression et ne servent qu’à une seule chose. Et que la protéine que produit tel gène agit sur tel autre, mais c’est sa seule fonction. Lui dit que non La situation est beaucoup plus compliquée,et ne fonctionne pas par couple ou triplet, mais plutôt par chaînes d’effets qui se croisent, s’inter-modifient, et finalement forment un équilibre général dans une cellule, et un organisme.

Un des éléments de cette interrégulation constante est l’ARN interférant qui, comme d’autres ARN, sort du noyau, est transformé, puis … rerentre dans le noyau et se place sur l’ADN pour réguler. Ce n’est pas le seul élément de régulation, il y en a plein d’autres (méthylation des bases par exemple). Bref, ce que John Mattick raconte, c’est que là ou on avait enfin apprivoisé la complexité, pensé enfin qu’une structure générale découlait de l’observation, eh bien non, planté. Les expériences racontent une histoire beaucoup plus bordélique encore.

Jusqu’à présent, on pensait à une vision finalement assez simple des gènes et des chromosomes, mais en plus que ces gènes étaient les seuls éléments qui permettaient de mémoriser et de transmettre des caractères génétiques de génération en génération : yeux bleus, nez en trompête, maladies, voire même pour certains rêveurs homosexualité, tout est transmis par le gène. Et les épigénéticiens disent : non !! Pas que !!!

Car, ces moyens qu’a une cellule de se réguler peuvent aussi être transmis par les zygotes (qui zygotent beaucoup, oui je sais). Et ce ne sont pas des choses qui sont DANS les gènes, mais AUTOUR, soit attaché sur les gènes, ou bien encore transmis dans les ovules et spermatozoïdes. Donc, il y a autre chose qui n’est pas de l’ADN qui agit, régule la façon dont un embryon se forme. Ca c’est nouveau. Dit autrement, ce que John Mattick et ses collègues ont découvert, c’est la raison pour laquelle nous sommes tous si égaux, et pourtant si différents.

Alors bon, on ne comprend plus aujourd’hui la génétique de la même façon : avant, on pensait que tout était potentiellement inscrit dans les gènes, du père ou de la mère au choix. C’était la porte ouverte aux fantasmes les plus éhontés, depuis la sélection des caractères génétiques jusqu’au clonage pour une reproduction à l’identique. Grâce à l’épigénétique, cela n’est plus possible, puisque chaque individu embarque, en plus du patrimoine génétique de son papa et de sa maman, des éléments qui lui permettront de ressembler plus à l’un ou l’autre, de transmettre ce patrimoine plus ou moins, et finalement de créer, à partir d’un matériel identique, de nouvelles combinaisons, et une nouvelle personne. Cela devient très compliqué de reproduire quelqu’un d’autre, car le généticien devrait avoir, en plus du matériel génétique, l’arsenal épigénétique associé à la naissance du « modèle » pour pouvoir le reproduire à l’identique : impossible à réaliser aujourd’hui.

Bien sur, je rêvasse, comme d’habitude, mais aujourd’hui, nous n’avons plus à avoir peur de la génétique. Nous n’avons plus à craindre un eugénisme scientifique. Nous pouvons respirer : mon clone le plus parfait ne me ressemblera pas tant que ça (bon, je pense qu’il me ressemble plus que je veux bien imaginer, mais moins que ce dont j’ai peur). La preuve : j’ai presque envie d’essayer. Et surtout, un nouveau champ scientifique s’ouvre, qui a probablement besoin du clonage complet du génome humain, mais qui lui renie sa capacité à apporter toute réponse à la biologie humaine.

Bonne nouvelle, je vous disais !


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