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L’identité nationale: et si je ne correspondais pas à leurs critères?

Publié le 03 novembre 2009 par Baptiste_l06

Je suis anxieux. Voilà que cela fait bientôt 26 ans que je suis né en France, à Nice, de parents et de grands-parents français. Cela fait 26 ans que je me suis construit une identité qui m’est propre, une culture, une religion, une langue, un dialecte, des goûts, des connaissances, une histoire,…cela fait 26 ans que je suis français et pourtant, bientôt peut-être, je ne le serais plus tout à fait. Bientôt, la France de 2009-2010 se figera, comme cryogénisée, à travers le concept d’identité nationale.

Certains diront que de faire un article sur  l’identité nationale c’est jouer le jeu de la droite « décomplexée » ou de l’extrême droite., que c’est répondre au « piège à cons ». Peut-être, mais le débat est posé, la « bombe » est lâchée, nous ne pouvons plus reculer (je parle de « bombe » car nous savons quelles dérives cela peut entrainer).

J’ai lu le commentaire d’une personne qui, en réaction de l’article, expliquait pourquoi le débat, aussi instrumentalisé soit-il, devait selon lui être posé: « Pourquoi doit-on respecter la loi ? Pourquoi, selon quelles valeurs, des lois existent-elles? Ce sont des questions essentielles, fondamentales. On ne peut aller plus loin si on n’a pas cette définition. Qu’est ce que ça veut dire une loi sur l’immigration, sur le voile… Et qu’est ce que ça veut dire que combattre ces lois ? Personne ne sait, et tout le monde fait comme il veut, certains juste par clivage politique. On propose une loi au nom de quoi ? On refuse une loi au nom de quoi ? »

Pourtant, comme l’auteur du commentaire le souligne « c’est une question qu’on se posait déjà au collège ». Comment la France peut-elle être autant en manque d’identité? Nous avons déjà une identité nationale, nous avons déjà nos valeurs communes mais certains l’ont peut-être oublié et on besoin de ce débat pour savoir qui ils sont avant que le « fascisme identitaire » ne le définisse à leur place.

Depuis le 31 mai 2007, un ministère se consacre à l’Immigration, à l’Intégration, à l’Identité nationale et au Codéveloppement. En 2007 déjà, nous pouvions lire:

« Le débat sur l’identité nationale qu’il  a par ailleurs lancé a également méconnu profondément ce fait que la France se définit par un corpus de droits et de principes universels. Cette identité démocratique est même à l’opposé du présupposé nationaliste qui entoure son projet de « ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale ». Lorsque Simone Veil s’y est dite hostile, Nicolas Sarkozy a répondu, très désinvolte: « Chacun a le droit d’avoir sa propre sensibilité » (Libération, 16 mars). Il ne s’agit pas précisément de « sensibilité » mais d’éthique politique. Une nation qui se définit contre l’étranger ne peut que fragiliser l’Etat de droit. S’il y a bien un ministère de l’identité nationale en France, c’est d’abord du côté de la Justice et du garde des Sceaux qu’il réside.

Il n’est plus question, en tout cas, de délaisser l’engagement civique et cela au nom de la philosophie des droits qui, justement, fonde la France. Qui fonde sa fierté. » [1]

2009, un grand débat sur l’identité nationale?

L’annonce a été reprise de toute part, comme par exemple le 26 octobre dans lesechos.fr: « Le ministre de l’Immigration, Eric Besson, souhaite lancer « un grand débat sur les valeurs de l’identité nationale ». « Il faut réaffirmer les valeurs de l’identité française » et développer « la fierté d’être français », a insisté hier le ministre, invité de l’émission « Le Grand Jury » RTL-« Le Figaro »-LCI. Durant deux mois et demi, les préfets et sous-préfets seront tenus d’organiser des débats locaux avec les « forces vives de la nation » afin de répondre à la question : « Qu’est-ce qu’être Français aujourd’hui ? ». »

Les médias poursuivent. Selon une enquête CSA pour Le Parisien, les éléments constitutifs de « l’identité de la France » sont la langue (80 %), la République (64 %), le drapeau  (63 %), la laïcité (61 %) ou la Marseillaise (50 %). Le ton est donné, les français sont bien « orientés » par les sondages qui cadrent le débat sous la ceinture (vous comprendre plus bas pourquoi).

A cela, on y rajoute quelques réactions entre autres politiques désignant ce débat comme une « opération de diversion » dans le Monde ou encore que ce débat sert à « redynamiser des valeurs de droite qui sont plutôt en berne » dans Marianne et le grand débat est bel et bien omniprésent.

Et si je ne correspondais pas à l’identité nationale?

Avant même d’entamer le débat, plusieurs questions me viennent à l’esprit. J’imagine déjà les identitaires, l’extrême droite, les personnes en mal d’identité ou qui sais-je encore, réduire le débat de l’identité à une langue, une baguette de pain, une bouteille de vin ou une terre (cf discours de Nicolas Sarkozy). Comme si l’identité nationale pouvait se résumer à cela? Et s’ils ne la résumaient qu’à cela? Que ferons-nous de ceux qui ne répondent pas a leurs critères d’identité française, une identité qui aurait été définie dans un climat de crise? Serons-nous toujours français si on ne rentre pas dans le cadre de cette identité nationale? Y aura-t-il des français plus français que d’autres? Est-ce que l’identité nationale et les tests ADN primeront sur la « VERTU »?

Je vibre et vie pour ces quelques mots: Liberté, Égalité, Fraternité.

Comment pourrons-nous nous considérer comme égaux avec des semi-français et des « vrai » français?

Comment serons-nous fraternellement solidaire si un français serait plus français qu’un autre?

Comment serons-nous libre d’être si nous avons la pression communautaire de correspondre à l’identité nationale définie à un instant T, qui plus est en période de triple crise: sanitaire, économique et financière [4]?

Doit-on respecter les valeurs de l’identité nationale pour vivre en France?

J’ai précédemment abordé la problématique que pourrait poser la tournure du débat sur l’identité nationale. A travers celui-ci, on parlait aussi de « valeurs françaises ». Cela implique que l’on doit définir des valeurs communes à tous les français (que l’on « doit » définir? cela signifierait qu’elles ne sont pas définies?). Une étude de l’INSEE sur les valeurs en France titrait: « La diversité des opinions de valeur est très grande ». De quoi encore bien diviser les français. Mais de quelles valeurs parlaient-ils? de valeurs qui nous fédèrent ou qui nous sont propres individuellement?

Certains ont modestement retourné le problème et se sont posé la question: doit-on respecter les valeurs de l’identité  nationale pour vivre en France? En résumé il expliquait que l’on a le droit de ne pas avoir envie de parler Français ou de ne pas vouloir chanter la Marseillaise, mais qu’en revanche, il était interdit de transgresser les codes pénal et civil. Par exemple:

« Prenons un thème qui revient souvent, celui de la polygamie: elle a toujours été légalement interdite en France. On est dans le domaine du légal et non dans le domaine du moral, puisqu’il existe des personnes en France qui font ménage à trois, sans être inquiétées légalement: elles ne sont pas mariées et mènent donc leur vie comme bon leur semble puisqu’elles ne transgressent aucune loi. On comprend donc que ce qui n’est pas puni légalement est du ressort du libre arbitre de chacun ».

Ceci n’est pas complètement faux. Il oublie de dire que nos lois sont aussi fondées sur des valeurs. Non pas sur des valeurs individuelles (comme le fait d’être fier et d’aimer telle ou telle chose de manière subjective), mais des valeurs nationales (partagées par tous).

Ce questionnement est intéressant sur le fait qu’il rappel le « contrat » qui nous lie et nous invite aussi à réfléchir sur ce qu’est une nation, sur la liberté, sur ce qui forme le ciment, le socle de notre « contrat » commun.

La nation

Quelque soit la religion, l’orientation sexuelle, la culture, la langue, la terre,…Une nation est une âme, un principe spirituel, composé du passé – de l’héritage de souvenirs – et du présent -  d’un consentement, d’un désir de vivre ensemble. Certains disaient que le défi de notre siècle est le « vivre ensemble », mais pour cela, il faut donc le désir de vivre ensemble pour un même idéal.

« On va aux guerres d’extermination, parce qu’on abandonne le principe salutaire de l’adhésion libre, parce qu’on accorde aux nations, comme on accordait autrefois aux dynasties, le droit de s’annexer des provinces malgré elles. Des politiques transcendants se raillent de notre principe français, que, pour disposer des populations, il faut préalablement avoir leur avis. Laissons-les triompher à leur aise. C’est nous qui avons raison. Ces façons de prendre les gens à la gorge et de leur dire: « Tu parles la même langue que nous, donc tu nous appartiens », ces façons-là sont mauvaises, la pauvre humanité , qu’on traite un peu trop comme un troupeau de moutons, finira par s’en lasser.

L’homme n’appartient ni à sa langue, ni à sa race. Il n’appartient qu’a lui même, car c’est un être libre, un être moral. (…)

Nous pensons qu’on peut sentir noblement dans toutes les langues et, en parlant des idiomes divers, poursuivre un même idéal. Au dessus de la langue, de la race, des frontières naturelles, de la géographie, nous plaçons le consentement des populations, quels que soient leur langue, leur race, leur culte. » [2]

Les mots de liberté

« Demandez-vous d’abord, Messieurs, ce que de nos jours, un Anglais, un Français, un habitants des Etats-Unis de l’Amérique, entendent par les mots de liberté.

C’est pour chacun le droit de n’être soumis qu’aux lois, de ne pouvoir être arrêté ni détenu, ni mis à mort, ni maltraité d’aucune manière, par l’effet de la volonté arbitraire d’un ou de plusieurs individus. C’est pour chacun le droit de dire son opinion, de choisir son industrie, et de l’exercer, de disposer de sa propriété, d’en abuser même; d’aller, de venir, sans en obtenir la permission, et sans rendre compte de ses motifs ou de ses démarches. C’est pour chacun le droit de se réunir à d’autres individus, soit pour conférer sur ses intérêts, soit pour professer le culte que lui et ses associés préfèrent, soit simplement pour emplir ses jours et ses heures d’une manière plus conforme à ses inclinaisons, à ses fantaisies. » [3]

Régie par la loi

Les lois doivent respecter la Constitution qui elle même a pour préambule la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, adoptée par l’Assemblée nationale le 26 août 1789. Soulignons bien ici la force constitutionnelle de ce texte inaugural qui figura en préambule de la première Constitution moderne française, celle du 3 septembre 1791.

Autrement dit, nous les avons déjà nos valeurs d’identité française, notre idéal pour lequel chaque français à le coeur qui bat. Elle réside dans notre Constitution.

« Constitution de la Ve République, 4 octobre 1958

Préambule – Le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946. En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d’Outre-Mer qui manifestent la volonté d’y adhérer des institutions nouvelles dondées sur l’diéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique. »

« Constitution de la IVe République, 27 octobre 1946

Titre premier de la souveraineté

Article premier – La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale.

Art.2 – L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge à trois bandes verticales d’égales dimensions. L’hymne national est la Marseillaise. La devise de la République est: « Liberté, Égalité, Fraternité ». Son principe est: gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple. (…) »

L’identité nationale est sous nos yeux !

Ça me parait plutôt clair. L’identité nationale est belle et bien définie. A travers ses souvenirs – son passé – mais aussi à travers son présent, cet idéal de Liberté, Égalité, Fraternité; de respect des Droits de l’Homme.

Et pour ceux qui pensent que ce ne sont pas des caractéristiques suffisantes pour identifier la nation française, qu’ils aillent en Arabie, en Corée ou en Libye voir si  un citoyen de là bas est comme un citoyen français. Ils pourront constater que nous savons pourquoi nous sommes français et qu’est ce qu’un français d’aujourd’hui.

Quelques mots sur l’incarnation de l’identité nationale par le symbolisme

Nous avons donc nos valeurs, notre identité nationale est bien définie. Mais nous voilà face à la crainte que j’avais. Le drapeau français, la Marseillaise, la baguette de pain, le vin sont des symboles forts pour beaucoup de français, pensant que cela incarne notre identité nationale, nos valeurs.

A tous ces gens, je leur pose la question: avons-nous vraiment besoin de tout cela pour être? Est-ce cela tout l’héritage que l’on a de Montesquieu et de nos penseurs? L’identité nationale peut effectivement être incarnée à travers des symboles, mais n’a nullement besoin de ceux-ci pour exister.

Je conclurais sur la phrase de Christiane Hessel de 1996: « Que mon pays retrouve ses valeurs », Liberté, Egalité, Fraternité.

[1] Vincent Duclert, 2007, « L’heure du choix »

[2] Ernest Renan, 1887, « Le principe salutaire de l’adhésion libre »

[3] Benjamin Constant, 1819, « De la liberté des anciens comparée à celle des modernes »

[4] Les crises sont le terreau favorable à un replis identitaire

Notez que bien entendu je n’ai pas du tout abordé le sujet dans toute sa plénitude et que j’ai essayé de faire très court afin de le rendre le plus accessible possible, alors voici quelques penseurs afin d’approfondir sur le sujet: Victor Hugo, Jean Jaurès, Emile Zola, Lucien Herr, Ernest Renan, Jules Michelet, Albert Camus, François Mauriac, Joseph Rovan, Jean Moulin, Léon Blum, Christian Hessel, François Jacob, Axel Khan, Aristote, Spinoza, Périclès, Kant, Platon, Pierre Mandès France, Locke, Diderot, Benjamin Constant, Maurice Blanchot, Jules Ferry, Stephane Hessel, Montesquieu,…


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