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Prends ton prix, ferme ta gueule et dégage dans ta brousse !

Publié le 11 novembre 2009 par Ruminances

marie20.jpgAlors que nous déplorons avec insistance le manque d'engagement des intellectuels français dans le débat politique, même si certains tel Michel Onfray sont exception, voici qu'un prix littéraire tombe comme un cheveux dans la soupe sarkozyste. J'avoue m'être méfié de ce coup d'éclat. Je me suis dit : « ça c'est encore un coup médiatique soigneusement préparé pour booster les ventes… » Avec tant de gens assis, j'étais surpris par l'attitude de quelqu'un ayant conservé une position verticale et la langue bien pendue des gens libres. “Mieux vaut vivre un jour comme un lion que cent ans comme un mouton », dit un proverbe italien.

Je ne suis pas amateur de prix littéraire. Je ne juge pas indispensable la lecture d'un livre ayant reçu une distinction nationale. Un livre est une aventure en même temps qu'une découverte. Un livre est un train qu'on prend sans idée précise. Tenez ! L'autre soir, à la faveur d'une insomnie, j'ai ouvert le poste et là, sorte de sortilège noctambule, je suis tombé sur la rediffusion de la très bonne émission « Des mots de minuit », animée par Philippe Lefait. Il était question du Liban (ah, la merveilleuse plaine de la Bekaa), le livre comme sujet et comme fil conducteur à une sorte de voyage extraordinaire dont le va-et-vient des vagues, le soleil, la chaleur palpable, donnaient envie d'aller piquer une tête et se laisser aller ensuite à la dégustation d'un thé à la menthe. Le livre blessé par tant de souffrance, mais pas mort. Le livre comme dernier recours contre la guerre. Le livre comme refuge et comme rempart.

La question était la suivante : « Comment vit le livre au Liban ? Comment se porte-t-il ? Qui achète ?… A quel prix ? » Au milieu d'un décor, un écrivain. Pas n'importe lequel, puisqu'il s'agit de Jean-Marie Le Clézio. Quand Le Clézio parle livre, on a l'impression que le monde n'est que ça : un grand livre ouvert pour aventurier de la vie. Un poème épique où chaque mot se gagne de haute lutte. Où chaque instant est unique et non divisible. Et ce trébuchement qu'il a quand il parle, cette fragile et pourtant solide certitude se perdant dans les brumes de l'esprit pour nous revenir plus forte, plus fragile et plus vraie. Grand moment difficile à partager.

Je ne suis pas sûr que ces choses soient à la portée de monsieur Eric Raoult. En rendant publique son intention de solliciter les services de Frédéric Mitterrand pour obliger une romancière à un « devoir de réserve » pour des propos que celle-ci a tenus à l'encontre du gouvernement et dont on ignorait jusqu'à présent l'existence, ce monsieur montre les limites d'une pensée, ouvrant des perspectives inquiétantes pour la liberté d'expression dans ce pays. Après la célébration ubuesque du 20e anniversaire de la chute du mur de Berlin, voici que monsieur Eric Raoult, ajoutant son parpaing, viendrait presque à regretter l'autorité du régime dont on fêtait la disparition.

Qu'a-telle dit pour mériter une telle charge madame Marie Ndiaye ? Rien que nous ne dénoncions déjà. Elle confirme ou ajoute sa voix citoyenne à celle de n'importe quel citoyen un tantinet inquiet par la dérive inquiétante de la vie politique de son pays. Seulement voilà : madame Ndiaye est quelqu'un d'important. Elle vient de recevoir le plus important prix littéraire du pays. Sa déclaration constitue une lézarde dans le mur du sarkozysme.

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