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Les oubliés sont légions en Sarkofrance

Publié le 11 novembre 2009 par Juan

L'attention médiatique était toute entière concentrée sur le vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin. Le 9 novembre 2009 (mais pas le 9 novembre 1989) Nicolas Sarkozy était à Berlin. Mercredi, la chancelière Merkel est à Paris, pour les cérémonies du 11 novembre. Notre Monarque prend de l'altitude. Mais en France ou à l'étranger, certains oubliés se rappellent toujours à son souvenir.
Clotilde Reiss, l'oubliée
La jeune Française est toujours retenue cloitrée dans l'ambassade de France à Téhéran. Accusée d' avoir participé aux manifestations de protestation contre la "réélection" d'Amadinejad en juillet dernier, elle avait été emprisonnée puis exhibée devant des caméras de la télévision iranienne. Nicolas Sarkozy lui même n'avait pas eu de mots assez durs contre la réélection du président iranien. Lui qui est toujours si prompt à accueillir bras ouverts tous les dictateurs du monde, Sarkozy a usé et abusé de déclarations peu diplomatiques contre l'Iran, tout en lui promettant le nucléaire civil en cas de renoncement à la bombe atomique. En octobre dernier, Sarkozy haussait à nouveau le ton, devant les caméras de télévision lors d'une séance du Conseil de Sécurité. Quelques jours plus tard, on apprenait que les diplomates français négociaient pour la France l'enrichissement du nucléaire iranien...
En juillet dernier, donc, Clotile Reiss avait payé le prix des gesticulations du Monarque français. Echappé au Cap Nègre pour 5 semaines de vacances, Nicolas Sarkozy avait fait savoir aux Français qu'il est sur le coup, qu'il téléphone à tout va "avec des dirigeants de son niveau". Dimanche 16 août, la bonne nouvelle tombe enfin, communiqué présidentiel à l'appui: Clotilde Reiss avait quitté sa cellule iranienne et rejoint l'ambassade de France. Bernard Kouchner dément puis confirme qu'une rançon/caution a été payée. L'UMP triomphe. Un spécialiste de l’Iran explique certes que Reiss aurait pu être libérée plus tôt si Sarkozy s’était montré plus discret. Qu'importe ! La victoire est totale, à en croire les zélotes du président français. Puis... plus rien, silence radio, pas de nouvelles. La Française reste retenue. Voici qu'elle se rappelle à notre mémoire: son jugement va reprendre.
Les sans-abris, oubliés ?
Le gouvernement n'oublie pas les sans-abris. La preuve, Benoist Apparu, le jeune secrétaire d'Etat au (mal)Logement a un plan pour l'hiver. Le froid revient, les SDF aussi, bientôt les premiers morts dans la rue. Au moins quelques journaux en reparleront. Benoist Apparu présente donc ce mercredi 20 mesures en faveur des sans-domicile fixes. Chaque année, les mêmes termes ("urgence", "mobilisation"), le même ton compassé, les mêmes effets d'annonce. Les nouvelles "nouvelles mesures" de l'année comprennent ainsi la création de référents personnels qui suivront chacun plusieurs SDF («On doit avoir un suivi personnalisé de tous les sans-abri»), la création d'un service centralisé de l'accueil et de l'orientation des personnes sans domicile fixe, avec une nouvelle base de données universelle des places d'hébergement d'urgence le 1er décembre (inexistant jusqu'alors !), la mutualisation du travail associatif, et l'augmentation des partenariats avec des bailleurs privés pour construire des logements sociaux durables plutôt que des hébergements d'urgence. Problème, la mesure la plus médiatique, les référents personnels, n'entrera en vigueur que "d'ici avril 2010", c'est-à-dire après l'hiver, ... dans 6 mois. Ne cherchez pas à comprendre. Il s'agit de communication, pas d'action.
Les SDF et les mal logés avaient sans doute besoin moins d'un "référent" que d'un logement. Deux exemples récents sont symptomatiques du double discours gouvernemental : il y a 3 semaines, le 22 octobre, les Enfants de Don Quichotte, dont une vingtaine de sans-abris, étaient délogés de locaux municipaux à Strasbourg, rue de Foulon, en application d'un jugement du tribunal administratif prononcé le 12 octobre dernier. A en croire les témoignages, l'intervention policière fut musclée. La fondation Emmaüs estime toujours à plus de trois millions le nombre de mal-logés et à 100.000 celui des SDF en France.
Autre exemple, la loi sur le droit opposable au logement fêtera bientôt sa deuxième bougie. La loi, qui devait flécher l'attribution de 60 000 logements sociaux vers les mal logés prioritaires, est restée quasiment inappliquée. Votée en mars 2007, sur proposition de Jean-Louis Borloo, alors ministre du gouvernement Villepin, la loi est restée lettre morte pour plus de 801% de ses bénéficiaires potentiels : 13% de familles ont été relogées, d'après l’association Droit au logement (DAL).
L'aide au développement, oubliée ?
Mardi 10 novembre, Bernard Kouchner, le ministre des Affaires Etrangères, était interrogé sur France Inter. Le ministre était agacé par les questions critiques qui lui furent posées sur tous les sujets du moment (Clotilde Reiss, paix au Proche-Orient, soutien au dictateur tunisien, la visite de Xavier Bertrand en Chine, Jack Lang en Corée du Nord.): « vous n’avez pas des questions sympathiques et positives à me poser ! ». Seul acquis de cette interview, le ministre a dû avouer qu'il était opposé aux expulsions des 3 Afghans en octobre dernier par Eric Besson.
Kouchner a tenté de prouver la réalité des résultats de l'action diplomatique de la France et, à défaut, sa détermination. Il s'est ainsi à nouveau déclaré en faveur d'une taxe sur les mouvements de capitaux pour abonder le financement du développement des pays pauvres, une "idée française" selon lui. Ce dernier argument est simplement faux: la taxe Tobin est une idée ... de James Tobin, vieille d'une trentaine d'années. Plus grave, on apprenait le même jour que la France ne respecterait pas, en 2010, ses propres engagements d'augmentation de l'aide publique au développement (APD). Un collectif d'ONG a déclaré son inquiétude en la matière, à l'occasion de l'examen parlementaire du budget 2010 ("une promesse non tenue en 2010 qui pose la question des respect des objectifs pour 2015"). La semaine dernière, Alain Joyandet, le secrétariat d'Etat à la Coopération, avait en effet indiqué que l'APD devrait être comprise en 2010 entre 0,44% du RNB, soit 8,6 milliards d'euros, et 0,48% (9,3 milliards), contre un engagement de 0,51% du revenu national brut (RNB). La Coordination SUD avance une seconde critique : l'APD sert moins à financer le développement qu'à alléger les charges de la dette des pays concernés et servir de façon hypocrite et détournée les objectifs de lutte contre l'immigration clandestine en France. L'association rappelle enfin qu'en 2008, les entreprises françaises ont obtenu "51% des marchés attribués par l'Agence française du développement". Qui parlait de co-développement ?
Et les autres ?
Mardi, il y avait d'autres sujets que Nicolas Sarkozy aurait souhaité oublier, comme par exemple l'affaire des sondages de l'Elysée. L'Opiniongate continue d'activer certains journalistes et députés persistents. Patrick Buisson, le conseiller ès enquêtes d'opinion auprès de Nicolas Sarkozy a décidé de porter plainte contre le quotidien Libération. Ce dernier s'était interrogé sur les 910 000 euros de marge dégagée par sa société sur la refacturation à la Présidence de la République de sondages par ailleurs commandés à Opinionway pour 120 000 euros... Et le Président de l'Assemblée Nationale a très mal pris l'avis (non autorisé) de Michèle Alliot-Marie qui, vendredi dernier, s'était déclarée opposée à la constitution d'une commission d'enquête parlementaire. La procédure suivra son cours : la Commission des Lois de l'Assemblée décidera prochainement la suite à donner à cette proposition de l'opposition.
On pourrait aussi citer l'augmentation des vols en magasins des biens de première nécessité, la chute de la production industrielle en France en septembre, l'alerte de la Commission Européenne contre les déficits publics français, ou ces fichus Rafales que la France, contrairement aux déclarations de Nicolas Sarkozy en septembre dernier, n'a toujours pas vendu au Brésil.
Qu'importe... Ce mercredi, Nicolas Sarkozy honorera l'amitié franco-allemande...


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