Depuis 1995, les études se suivent et se ressemblent sur les dangers du bisphénol A (BPA), un monomère entrant dans la fabrication de polymères, en l’occurence un plastique dur et transparent, le polycarbonate.
Les inquiétudes portaient jusqu’alors sur les nourrissons exposés via leur biberon. Et pour cause. En 2008, 90 % des biberons produits en contenaient. A tel point que l’année dernière, la Mairie de Paris a annoncé que ses services ne feraient plus usage de biberons en contenant dans les crèches. Certains fabricants ont réagi, assurant une production garantie sans la molécule incriminée.
Selon une nouvelle étude portant sur des sujets adultes, le BPA serait également dangereuse pour les adultes qui y seraient exposés. Conduite en Chine sur des ouvriers travaillant dans une usine où le BPA est utilisé en grande quantité, cette étude vient d’être publiée dans la revue Human Reproduction.
Ces ouvriers, expliquent les chercheurs chinois, ont quatre fois plus de risques de souffrir de troubles de l’érection et sept fois plus d’avoir des problèmes d’éjaculation – en comparaison d’ouvriers employés d’une usine n’en utilisant pas. Cette étude serait ainsi la première à faire le lien entre “une exposition au BPA sur le lieu de travail et un dysfonctionnement sexuel chez l’homme”.
Les taux de BPA auxquels étaient exposés les ouvriers étudiés étaient très élevés. Aussi, les auteurs de l’étude invitent leurs confrères à se pencher sur les conséquences de doses plus faibles sur la santé.
Pionnier, le Canada a été le premier pays à bannir, en 2008, les produits contenant du BPA. Quid de la France ? Dans un rapport de 2008, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation (AFSSA) ne s’est pas inquiétée outre mesure, suscitant les moqueries du Canard. L’Agence ne voit pas de risques pour les bébés :
“Lorsque le contenu des biberons en polycarbonate est chauffé via un traitement au four à micro-ondes en conditions réalistes (durée de chauffage inférieure à 10 minutes), les quantités de Bisphenol A transférable à l’aliment restent très inférieures à la valeur maximale de 50 μg de Bisphenol A par litre retenue par l’AESA pour son calcul d’exposition conservateur.”
L’Agence a toutefois promis de relancer les investigations à ce sujet.
Une proposition de loi visant à proscrire “la fabrication, l’importation, l’offre, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la mise en vente, la vente ou la distribution à titre gratuit de plastiques alimentaires contenant du Bisphénol A” a été déposée au début de l’été au Sénat par le socialiste Yvon Collin, mais n’a pas été, à notre connaissance, soumise au vote. Le mois dernier, le sénateur de l’Aude Roland Courtaud s’en est inquiété en adressant une question écrite à la ministre de la santé. Sans réponse à ce jour, selon le Sénat.
Photo : modélisation de la molécule de BPA, Wikimedia Commons