Voilà un type qui a du mal à avancer. Il annonce dans la foulée souffrir d'un pied. Crise de goutte.
Nous covoiturons, ce matin-là. Il cumule : il vient de se faire voler sa tire. De se faire tirer sa caisse. Il a du mal à encaisser.
Nous Amorçons les derniers kilomètres. Bientôt le bureau.
Pendant la trentaine de minutes du trajet, c'est allé en suivant une logique qui était toute à lui. Il est des discussions qui sont des monologues.
Il a commencé par évoquer le vol de sa voiture. S'en sont suivies des anecdotes d'autres vols. C'est allé ensuite vers la police, les caméras de surveillance, puis ça a glissé vers les c'était mieux avant. Il approche de la soixantaine. Il en a vu d'autres.
Il a alors enchaîné sur la politique, locale d'abord, régionale après, nationale enfin.
Y'a un sacré malaise, il a répété à plusieurs reprises.
Puis a bouclé la boucle sur le boulot. N'a pas digéré ne faire pas partie des clans aux pouvoirs, des plans sur la comète. Voie de garage. Ils appellent ça du management ?
Y'a un sacré malaise, il a conclu.
La goutte, il a dit, je suis sûr que c'est lié à un médicament. Mais mon médecin ne veut pas me croire.
Je suis toujours fasciné par ces gens qui, quand la santé s'étiole, regardent leur doigt en se demandant où ils ont mis la lune. Jusqu'à se convaincre. Leur doigt, c'est la lune. Forcément. Mais ça fait mal. Sûr, y'a un sacré malaise.