Amalgame

J’avais évoqué dans mon billet Indignité nationale (3) un film de Gilles Perret sorti dans une semi clandestinité, Walter retour en résistance. L’ayant vu récemment, je me permets de vous en dire quelques mots. On nous montre son héros, Walter Bassan, né en Italie, dont la famille émigra en France au temps du fascisme, et qui fut déporté à Dachau. Le film est construit autour de ses activités de témoignage : il se rend dans des écoles et fait part aux élèves de son expérience.

J’ai remarqué plus particulièrement trois passages de ce documentaire. Je vous avais déjà signalé le premier, à nouveau ici, montrant notre Président honorant des maquisards morts sur le plateau des Glières. Presque à la fin du film, une séquence consacrée à un discours de Stéphane Hessel, ancien déporté, ancien ambassadeur de France, est un revigorant contrepoint à la cérémonie citée auparavant. Mais ce qui m’a littéralement stupéfié, c’est la performance de notre Président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer.

On le voit tout d’abord prononcer une allocution lors de quelque cérémonie commémorative d’hommage à la Résistance. Il répond ensuite aux questions du réalisateur avec une aisance dans le maniement de la langue de bois qui force l’admiration. Vers la fin de cet entretien, lorsque Gilles Perret lui demande comment il se fait que l’on revienne sur les acquis sociaux programmés par le Conseil national de la Résistance (CNR), il rétorque : « Pouvez-vous me citer un pays ayant une meilleure couverture sociale que le nôtre ? ». Argument décisif, mais qui esquive la question : comment expliquer que l’on tourne le dos au programme du CNR ?

Mais le bouquet est encore à venir. Bernard Accoyer réalise soudain la piteuse prestation qu’il vient de fournir. Il commence à interroger Gilles Perret sur ses qualifications, dénonce le scandaleux amalgame que celui-ci pratiquerait, le menace des pires représailles et, pour finir, lui interdit d’utiliser ces images. Il a vu un amalgame, c’est-à-dire un alliage, un mélange, une fusion « entre deux périodes qui n’ont rien à voir », là où il n’y a qu’un point de référence, la mise en évidence d’une contradiction entre les principes d’une première époque et les mesures prises dans une autre, contemporaine, mais qui a tout à voir avec la précédente puisque ses dirigeants s’enorgueillissent sans cesse d’en être les héritiers.

Nous voilà rassurés, le Président de l’Assemblée nationale et le Président de la République peuvent s’entendre : ils portent un égal respect à ceux qui se sont sacrifiés pour notre pays.