Mais quelle mouche a bien pu piquer Eric Raoult ?
Comment peut-on demander qu’un droit de réserve s’exerce pour les lauréats
des prix Goncourt sous prétexte que le dernier en date, Marie Ndiaye, a eu
quelques paroles désagréables à propos de Nicolas Sarkozy et certains membres
de son gouvernement ?
Cette demande est à la fois absurde et parfaitement
anti-démocratique !
Absurde, parce que reprendre 2 mois après sa parution, un extrait
d’entretien donné aux
Inrockuptibles qui était, à l’époque (en aout 2009), passé complètement
inaperçu, c’est le meilleur moyen de lui faire une très efficace publicité
gratuite pour que tout le monde se jette dessus. Absurde également puisque ces
propos avaient été tenus avant même sa nomination au Goncourt. Enfin, à la fois
absurde et anti-démocratique parce que les prix littéraires ne doivent rien au
gouvernement en place et même si c’était le cas en quoi cela pourrait-il
justifier un droit de réserve ou dit autrement de l’autocensure !
Certes les propos étaient tellement excessifs (ce qu’elle a
vaguement reconnu après coup) qu’ils en étaient stupides mais d’ici à ce
qu’ils justifient une censure sous prétexte d’un «nécessaire devoir de réserve
qui va dans le sens d’une plus grande exemplarité et responsabilité», c’est
avoir une drôle d’idée de la démocratie !
Cette interpellation de Raoult demandant à ce que soit instauré un droit de réserve pour les lauréats des prix littéraires était du pain béni pour Frédéric Mitterrand, non pas pour se refaire une virginité (suis-je moqueur !) mais pour rehausser un petit peu son image quelque peu écornée par l’histoire Polanski et par ses écrits douteux. C’était pour lui, l’occasion de se faire valoir à peu de frais en se faisant le chantre de la démocratie et en affirmant haut et fort ce qu’a de particulièrement inadmissible une telle idée d’interdire aux lauréats des prix littéraires de s’exprimer comme ils l’entendent même lorsque ce qu’ils disent déplait au pouvoir !
Mais, décidemment, Frédéric Mitterrand montre rapidement ses limites en
matière de courage politique puisqu’en réponse il trouve le moyen de ménager la
chèvre et le chou.
Certes ses propos sont justes et cohérents lorsqu’il affirme d’une part que
«Les écrivains qui reçoivent le Prix Goncourt ont le droit de dire ce qu'ils
veulent» et d’autre part que «Eric Raoult qui est un ami et un homme très
estimable a le droit, en tant citoyen, voire en tant que parlementaire, de dire
ce qu'il pense», mais il ne répond pas réellement à la question qui lui est
posée !
Doit-on imposer un droit de réserve aux lauréats du Goncourt !
Il était pourtant facile de répondre, clairement, fermement et
catégoriquement : « non, ce n’est pas ma conception de la
démocratie ! », surtout que jusqu’à présent, lorsqu’il s’est agit de
défendre ses ouailles Frédéric Mitterrand nous a montré qu’il n’était pas avare
en belles, grandes sinon pompeuses envolées lyriques !
Mais non, il ne l’a pas fait, comme s’il voulait s’imposer à lui-même le
devoir de réserve préconisé par son très estimable ami Eric Raoult !...
peut-être qu’il espère décrocher un jour le Goncourt alors il veut montrer
l’exemple… peut-être !
Dommage pour lui parce que tout ce retiennent les médias c’est
« Frédéric Mitterrand
ne veut pas trancher », Dommage pour lui et tant mieux pour la Gauche qui
peut continuer de se repaître de cette lamentable histoire faute de sujets plus
importants sur lesquels elle pourrait s’exprimer avec pertinence.