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Le Mur a pu "raser" à la fin. D’autres murs hérissent encore

Publié le 14 novembre 2009 par Nellym67

Ce blog est ouvert aussi à d'autres plumes (d'autant plus que la mienne est en repos...) :

Ci-dessous un texte de mon ami Antoine Spohr, publié cette semaine sur Agoravox, et qu'il a accepté gentiment à la disposition de ma besace :

« Trop c’est trop, même quand c’est de la prière » disait ma grand’mère bigote pourtant. Platon, quelque 25 siècles plus tôt, parlait lui-même de l’ hybris. Si, rappelez vous : la démesure.

La commémoration de la chute du mur de Berlin a accaparé à l’excès nos médias. Non ? Pourquoi ? Célébrer le triomphe du capitalisme libéral démocratique sur l’échec du socialisme non démocratique ? Faire oublier d’autres murs physiques ou virtuels encore dressés ?

Bravo pour la liberté. A quel prix ?

On peut aimer l’Allemagne qui a retrouvé son unité politique sous la bannière de la République Fédérale ou au moins se réjouir de la liberté ( et le libéralisme ?-) formellement affirmée, sans donner dans la louange systématique . « Ein Volk », un peuple, çà c’est très ancien ; « eine Demokratie oder Republik »( une démocratie ou République) çà, cela a été bref pour l’ensemble, sous Weimar) ; « ein Geld », une monnaie, le mark a eu une existence agitée jusqu’à l’adoption de l’euro. Voilà l’Ouest désormais pour tous les Allemands, depuis bientôt vingt ans.

Avec un peu de recul ou de distanciation, comme on dit là-bas dans certaines circonstances, on doit quand même chercher à échapper aux chants d’ actions grâces et de gloire, sans bémols ou dièses. 

Ceux qui ont vu « Good bye Lenin » ou « La vie des autres » auront pu focaliser leur attention d’abord sur la condition des milieux prolétariens dans le premier film, puis sur les milieux d’intellectuels ou d’artistes dans le second, tous deux, oeuvres hors du commun . 

D’abord, qu’on se souvienne de la condition ouvrière dans toute l’Europe dévastée par la guerre et pour nous plus précisément, de nos mineurs de Lorraine ou du Nord, des métallos de tout le pays, des petits agriculteurs avant des réformes, des artisans, des petits commerçants et d’autres. 

De leur côté des intellectuels prestigieux, philosophes, économistes, écrivains, poètes prétendaient éclairer l’avenir de leurs espérances dans le communisme. Tous ces gens étaient-ils si loin les uns des autres, du moins dans un premier temps, après la défaite du nazisme ou de la plupart des fascismes ? Ils étaient au contraire souvent très proches, pas tout à fait par l’ idéologie pour le prolétariat qui avait recours aux syndicats, politisés bien souvent à son insu. 

Pour les élites, on voudra bien admettre que d’aucuns étaient dans l’ignorance du totalitarisme criminel qui s’était mis en place à l’Est. Vieux débat.

 Sait on encore qu’il y a eu des longs délais d’attente pour la 2 CV et pour la 4 CV comme pour la Traband..... ? Quel paramètre de l’économie était alors affecté ? La production ? La consommation ? Les échanges ? Les trois et partout en Europe. Etat de crise ! Peut-être pas pour tout le monde, comme à l’accoutumé.

Les effets de la croissance décrits dans « Les Trente Glorieuses » de Fourastié ( publié 1979) n’ont pas été très égalitairement répartis à l’ouest et, d’une certaine façon, restent au moins partiellement applicables à l’Allemagne de l’Est. 

Ainsi la grande difficulté qui semble être devenue le corollaire des progrès exprimés par la croissance globale, sans choix, est celle de l’emploi et donc du chômage qui pollue toutes les sociétés ou économies dites développées. Là au moins, les « Ossis »( Allemands de l’ex DDR ou RDA) étaient restés à l’abri parce qu’ils étaient, par l’emploi, exemptés d’ une désocialisation que chez nous, le chômage promeut, conjointement, à vive allure. Du temps des Houillères du Bassin de Lorraine, entreprise nationale, les employés profitaient dans une France d’économie mixte, d’avantages sociaux de solidarité ( santé, loisirs, économat solidaire, vacances...) comme le prolétariat de l’Allemagne de l’Est, jusqu’à la chute du mur. Paternalisme d’ Etat ? Il était pratiqué aussi dans « le privé » le plus avisé.

Faut-il pour autant en revenir à ce socialisme si liberticide dans l’univers soviétique ? Renoncer à la croissance dans une définition nouvelle qui se profile ? Certes non. 

Les autres murs.

Mais c’est une occasion de plus pour réfléchir à nos valeurs réelles, aux aspirations que le plus grand nombre pourrait partager et partant, surtout aux priorités, à l’urgence. Des rêves communs et réalisables ! Des utopies approchables !

Quitte à ressasser des poncifs, j’ose ici à l’occasion de cette commémoration triomphale, mettre en cause un ultra-libéralisme qui montre tous les jours ses cruelles limites, qui ne sait se discipliner ni se réformer ou s’amender, qui perd la boule au casino des spéculations financières et qui, à terme, s’auto-détruira, laissant des ruines pour tous, y compris pour ses responsables enfin désabusés. 

Contrairement aux remparts de Jéricho, aucune trompette, serait-ce celle d’un improbable nouveau Josué, ne suffira à raser les murs de tous les « Walls( murs) Street » de la planète. Est-ce d’ailleurs nécessaire si on n’y cède pas à la démesure, et qu’on rende ces murs transparents et contrôlables ? Mais par qui ?

Pourtant une volonté politique réelle issue d’une démocratie éclairée et non dévoyée par une information scabreuse et bling-bling, ridicule comme celle qui a accompagné la célébration, peut donner le la et rythmer la vie économique et donc sociale du monde . La partition ne s’écrit pas qu’ici , même si c’est ici qu’il faut commencer, en France, en Europe et en Occident car ici aussi subsistent des murs d’intérêts corporatistes ou nationaux, d’ailleurs souvent mal compris parce qu’à trop courte vue. 

Si on ne veut pas limiter la réflexion et le débat possible à ces murs là, il reste loisible et sans doute incontournable de penser à d’autres formes comme celui de Jérusalem, celui que constitue la Méditerranée arpentée par les contrôles de l’espace Schengen, celui plus vaste encore de l’incompréhension des peuples gavés d’intolérance religieuse ou idéologique... Et celui qu’il faut essayer d’abattre en nous-même . 

Robert Badinter disait, il y a quelques mois dans son allocution de récipiendaire du prix de la tolérance « Marcel Rudloff » à Strasbourg :

« La tolérance je ne sais trop ce que c’est, mais l’intolérance, çà oui, je le sais . » A méditer.

Antoine Spohr.


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