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Le débat sur l’identité nationale s’ouvre dans une France chauvine

Publié le 16 novembre 2009 par Délis

Monet-RueMontorgueil

Brandir la nation pour éclipser la lancinante question sociale ? Le gouvernement refusait le débat sur La Poste : il lui substitue un débat sur l’identité nationale.  La discussion, commencée sur Internet, entre dans les préfectures le 16 novembre.

Une vieille question existentielle

S’interroger sur l’identité de la France n’est pas nouveau. La nation s’est substituée à la monarchie théocratique lors de la Révolution. Dès lors que Dieu n’était plus le garant de la légitimité de la royauté française, il fallait déterminer ce que recoupait le concept abstrait de nation. Deux courants se sont opposés : aux tenants d’une vision ouverte, basée sur la volonté de vivre ensemble, s’opposait une vision plus restrictive, basée sur une forme d’hérédité de la nationalité et de l’attachement à la terre. La vision ouverte a historiquement triomphé en France, comme peuvent en témoigner la multitude de Français qui descendent d’étrangers ou qui ont pu acquérir la nationalité française. Cette orientation a donc favorisé une vision évolutive de l’identité nationale, au gré des apports extérieurs.

La terminologie « identité nationale » a émergé dans les années 80. Cela correspond au moment où le pays a profondément basculé dans le doute. La France, qui a souvent battu la mesure pendant des siècles dans le concert des nations, a-t-elle encore un dessein à vocation internationale ? L’immigration d’origine africaine et musulmane est-elle aussi soluble dans le creuset républicain que celles provenant de Pologne ou d’Italie ? Face à une intégration européenne réduisant toujours plus les prérogatives de l’Etat français, à une mondialisation qui favorise l’émergence d’une culture globale gommant les spécificités culturelles nationales, la France ne va-t-elle pas devenir une coquille vide ? Depuis 2007, le thème de l’identité nationale, longtemps lié au Front national, est très étroitement associé à Nicolas Sarkozy. L’expression, chargée d’une connotation politique évidente, est donc loin d’être neutre.

Un débat calculé mais jugé opportun

Sortir du chapeau un débat sur l’identité nationale, dans un contexte où la majorité tanguait et où les scandales explosaient régulièrement (Hortefeux, Mitterrand, Jean Sarkozy, etc.), et alors que les périls à venir paraissent presqu’aussi menaçants que ceux pesant actuellement (dettes publiques, environnement, montée en puissance de pays du sud etc.), les Français ne semblent pas dupes de la manœuvre. Une nette majorité (64%) estime qu’il s’agit de mobiliser les électeurs de droite en vue des élections régionales de mars prochain. Et même 4 sympathisants de droite sur 10 partagent également cet avis ! Néanmoins, les Français n’en sont pas moins majoritaires à approuver que l’identité nationale deviennent un thème de débat dans la société française (60% contre 35% qui le désapprouve). Tant les électeurs de droite (72%), du Modem (70%) que ceux de gauche (50%) y sont favorables. Déjà, la blogosphère se passionne pour le sujet et le site Internet consacré au débat (www.debatidentiténationale.fr) récolte déjà un grand nombre de contributions. Les Français ne peuvent rester indifférents à un débat portant en son sein des thèmes d’une portée potentiellement volcanique.

La toile de fond est propice à ce débat : les Français éprouvent, dans leur immense majorité, de réels sentiments patriotiques. Les chiffres, éloquents, laissent peu de place à l’ambiguïté. 89% se déclare fiers d’être Français (dont 46% « très fiers »). Cette donnée transcende toutes les catégories d’âge, de sensibilité politique ou de niveau social. La réelle différence entre l’électorat de droite et celui de gauche porte sur le degré de fierté : 63% des sympathisants de droite se déclarent « très fiers » contre 37% de ceux de gauche. Aussi, tous les candidats aspirant à devenir président de la République doivent forcement dévoiler une fibre patriotique. En 2007, outre Nicolas Sarkozy, François Bayrou s’y était prêté dans son livre Projet d’Espoir et Ségolène Royal avait fait une sortie sur le drapeau tricolore.

La langue française, socle de l’identité nationale

Sur les éléments constitutifs, la langue française est citée en premier selon un sondage CSA : 80% pense qu’il s’agit un élément « très important » pour l’identité française. L’ordonnance de Villers-Cotterêts et la politique jacobine ont fait leur œuvre en faisant du français la langue à la fois commune et unique. D’autres peuples n’apporteraient sûrement pas le même rôle fédérateur et différenciateur à la langue : il en est ainsi des Etats multilingues (Belgique), des Etats régionalistes (Espagne) ou des Etats dont la langue n’est pas née sur le territoire, ayant été « importée » d’un autre Etat (Irlande). L’héritage révolutionnaire comporte également des éléments « très importants » pour notre identité nationale, en particulier le régime qui en a découlé, la République (64%). Ses symboles le sont également : le drapeau tricolore (63%), pourtant peu visible en dehors des manifestations sportives et des bâtiments administratifs, cité prioritairement devant la Marseillaise (50%). Une majorité de Français assimile également à ce concept la laïcité (61%), les services publics (60%). En revanche, seule une minorité (31%) considère que l’accueil des immigrés constitue un élément très important.

Le contrat d’intégration plus populaire que chanter la Marseillaise à l’école

Sur les pistes avancées afin de remédier à la « crise » de l’identité nationale, les Français accordent, selon BVA, du crédit à l’instauration d’un contrat d’intégration demandant aux immigrants d’améliorer leur pratique du français et leurs connaissances des valeurs de la République (62%). En revanche, seule une minorité (31%) est favorable à l’instauration d’une cérémonie plus solennelle lors de toute accession à la nationalité française, qui pourrait pourtant rendre moins administrative et plus émouvante cette célébration.

L’obligation pour les jeunes Français de chanter la Marseillaise au moins une fois par an à l’école fait quant à elle un vrai flop : 23% seulement la plébiscite. Ce résultat vient compléter un autre sondage IFOP qui nous apprenait pourtant que les Français étaient très largement favorables (77%) à ce que les enfants apprennent la Marseillaise à l’école : si l’enseignement de l’hymne peut rentrer dans le périmètre scolaire, le chanter entre les murs de l’école leur apparaît donc saugrenu.

Peut-être encore plus étonnant, la mise en place dans les préfectures de cours d’instruction civique ouverts à tous, ne trouve là-encore, pas une majorité de soutien (44%).

Les Français, on l’a vu, sont fiers de leur pays, et incluent les symboles de la France comme faisant partie de l’identité nationale. Mais, concrètement, la seule mesure sur laquelle ils s’accordent dans leur majorité concerne un contrat d’intégration concernant les immigrés. On peut donc se demander si les autres sujets soulevés (la place de la Marseillaise dans les écoles par exemple) ne seraient pas, aux yeux des Français, que l’emballage d’un débat aux contours plus précis et très sensible : celui de l’intégration des populations d’origine immigrée.


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