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Lois de zonage et hausse des prix du foncier: enfin une étude française !

Publié le 16 novembre 2009 par Objectifliberte

Zonage Jusqu'ici, je ne pouvais me référer qu'à des études anglo-saxonnes pour étayer par l'expérience mon affirmation selon laquelle les lois de zonage restrictives du droit à construire sont un facteur essentiel de la formation des bulles immobilières.
Et il est vrai que de l'autre côté de la Manche ou de  l'Atlantique, les preuves empiriques et les études d'économistes confirmant cet état de fait ne manquent pas. Glaeser, Krugman, Cox, Evans, Barker, entre autres, ont assez largement documenté ce phénomène, et ont pour la plupart déjà été cités dans ce blog (cf Liste d'articles en fin de note).
Mais il me manquait une étude française sur ce sujet. Cette lacune est réparée.
Gabriel Lecat: influence de la présence d'un POS sur les prix des communes autour de Dijon
Gabriel Lecat, Ingénieur du Génie Rural, Eaux et Forêts, et docteur en sciences économiques, a étudié, dans le cadre de sa thèse de 2006, entre autres, l'influence des POS (ancêtres des PLU jusqu'à la loi SRU) sur la formation des prix, et bien d'autres éléments, dans les communes de l'aire métropolitaine dijonnaise. Puis à l'issue de ce travail, poursuivant ses travaux, il a publié des articles plus accessibles, et notamment celui qui nous intéresse ce jour, dans la revue "études foncières" n°136 de novembre-décembre 2008.
Malheureusement, cette revue ne met en ligne que les "chapeaux" de ses articles, suivre le lien ne vous en dira guère plus. Je vais donc vous en livrer un très court résumé.
Gabriel Lecat s'est posé la question de savoir si les allégations d'experts tels que Alain Dinin, promoteur (ex président de Nexity), Paul Lacaze, Ingénieur Général des Ponts et Chaussées, ou... Vincent Bénard, blogueur libéral (nommément cité dans les références de l'article !) imputant l'envolée des prix immobiliers à la raréfaction du foncier constructible liée à des règles de zonage trop strictes, étaient fondés.
Je disais dans mon livre que la relative unité de la réglementation urbaine en France rendait difficile des analyses différentielles telles que celles menées par Cox ou Glaeser aux USA. Mais il existe, sans doute pour peu de temps encore, quelques endroits où cette uniformisation n'est pas totale.
Le département de côte d'or fait partie des départements les plus morcelés de France en terme de nombre de communes, avec 787. La moyenne nationale tourne autour de 360, et un département pourtant nettement plus peuplé comme la Loire Atlantique plafonne à 210.
Aussi trouvait-on encore à la date de l'étude des communes non munies de PLU, voire même de cartes communales, et simplement soumises au règlement national d'urbanisme, ce qui donne plus de souplesse aux propriétaires pour bâtir. Là encore, la comparaison avec la Loire Atlantique est intéressante, puisque dans mon département de résidence, absolument toutes les communes sont zonées.
Une aire urbaine morcelée avec des situations multiples
L'aire urbaine de Dijon compte pas moins de 214 communes, soit plus que toute la Loire Atlantique. Par aire urbaine, il ne faut pas comprendre "aire continument agglomérée", mais aire dans laquelle un pourcentage élevé d'habitants travaillent dans une autre commune de l'aire. En quelque sorte, il s'agit de toutes les communes fortement dépendantes de l'agglomération dijonnaise en termes d'emploi. On retrouve donc dans l'aire urbaine des communes à caractère rural non directement limitrophes de la zone urbanisée autour de Dijon.
Dans une aire aussi disparate, à l'époque de l'étude, on trouvait encore des communes non zonées soumises seulement au RNU. Je crains que les évolutions récentes du droit de l'aménagement du fait du "Grenelle" de l'environnement ne contraignent nombre de ces communes à rejoindre le troupeau des communes zonées à l'avenir, par l'extension du domaine des "SCOT", mais c'est un autre débat.
Gabriel Lecat s'est donc livré, sur la base de toutes les transactions immobilières conclues entre 1998 et 2002, ainsi que sur les bases de données des transactions agricoles pour une période comparable, à une analyse différentielle des prix observés sur les communes avec ou sans POS.
De façon intelligente, il a appliqué des méthodes de filtrage des données recueillies permettant d'extraire les autres facteurs de différenciation des prix immobiliers. En effet, le type d'habitat, de services offerts, d'écoles, diffèrent totalement dans le centre de Dijon et dans un village à 15-20 km de là, et les communes centrales sont évidemment toutes zonées, alors que les communes périphériques de l'aire urbaine le sont plus ou moins. G. Lecat s'est servi de modèles éprouvés par des équipes universitaires étrangères européennes (Heckman et Lozano, explicités dans sa thèse) permettant de discriminer les différents facteurs de formation des prix et d'isoler un effet "POS" sur les prix des terrains constructibles, ou agricoles. Naturellement, ces modèles peuvent être contestés, mais ils ont le mérite d'apporter une correction au moins partielle à l'inévitable "biais de sélection" qu'aurait constitué une simple "arithmétique de moyennes" des données brutes.
En outre, les prix présentés le sont hors coût de viabilisation, il s'agit d'un prix de foncier hors travaux.
Ajoutons que la période d'étude correspond au début de la formation de la bulle immobilière, et que donc l'effet "crédit facile" y a joué un rôle nettement moins important qu'entre 2002 et 2007 dans la formation des prix.
Les PLU font-ils monter les prix ?
Les conclusions de l'étude de G. Lecat sont sans appel:
L'effet des "POS" sur le prix du foncier constructible dans les communes qui en sont pourvues est une augmentation de 40€/m2 pour un prix moyen constaté de 47€, soit 85% du prix du terrain ! Compte tenu des surfaces moyennes du périmètre de l'étude, cela correspond à une hausse de prix de 37 000€ par terrain ! Et ce avant le sommet des années bulle. Autrement dit, le prix moyen du m2 terrain si aucune des communes concernées n'avait été zonée aurait été de l'ordre de 7€, plus les coûts de viabilisation ! Les POS ont donc imposé en moyenne 37 000 Euros de surcoût aux acheteurs. 
Le prix observé dans les communes sans POS était de seulement 14€ du m2. Si toutes les communes non munies de POS en avaient été dotées, le prix du terrain dans ces communes aurait atteint 24€ du m2. La différence de prix "avec POS" des communes non zonées avec le prix moyen des communes effectivement pourvues de zonage s'explique par des facteurs qualitatifs autres que le POS moindres en général dans les communes non zonées, plutôt rurales, que dans les communes centrales.
A contrario, le prix moyen du terrain agricole est quant à lui réduit par les POS. Cette réduction est la moyenne de l'augmentation spéculative des terrains agricoles situés en bordure de zones constructibles (un tel terrain agricole "pourrait devenir" constructible, ce qui augmente son prix), et de la baisse corolaire du prix de la majorité des terrains auxquels le zonage ôte  toute chance d'être constructible dans un avenir visible. Il est à noter que le prix moyen du terrain agricole hors côte de nuits (le vignoble de Marsannay la Côte jouxte la banlieue sud...) se situe autour de 4000 €/ha, soit 40 centimes par m2, et que sans zonage, ce prix monterait à 50 centimes environ. Vous pourrez donc noter que le facteur multiplicatif entre le prix d'un terrain agricole (non viticole) et celui d'un terrain constructible hors viabilisation pourrait être estimé à 14 sans POS (les facteurs limitatifs de la constructibilité sont alors uniquement techniques: possibilité d'amener les VRD à des coûts raisonnables), et à 120 avec. Et encore, avant la folie des années du sommet de la "bulle".
Vous comprenez donc pourquoi le zonage devient un enjeu politique majeur à l'échelon des communes, et que durant les années de bulle, les affaires de corruption liées aux POS et PLU aient justifié que les services français de prévention de la corruption aient cru bon ajouter ce type d'affaires à leur rapport bisannuel. Mais foin de digression, revenons au travail de G. Lecat.
En bon scientifique, celui ci se refuse à donner à ces chiffres une signification par trop extrapolée. Notamment, il refuse de dire si l'augmentation des prix liée aux POS est seulement fonction d'une limitation quantitative de l'offre générée par les POS (effet de rareté), ou si le POS, en tant qu'outil de planification, amène en lui même un surcroît qualitatif aux communes zonées, justifiant un prix supérieur (effet d'aménité). En outre, il admet que les résultats sont ceux de l'agglomération dijonnaise et que d'autres agglomérations sous des contraintes spécifiques différentes auraient pu révéler des ordres de grandeurs différents. 
Pour ma part, l'analogie avec les études effectuées dans le monde anglo saxon précédemment citées, ne me laisse guère de doute quant à la prépondérance du facteur de rareté. De plus, dans toutes les aires urbaines de France ces 10 dernières années, et l'agglomération dijonnaise n'y a pas échappé, l'accroissement relatif de population a été plus fort dans les secondes couronnes périphériques et les communes rurales excentrées, ce qui tend à prouver qu'un éventuel effet d'aménité supérieur des communes très zonées, plutôt centrales, a eu au mieux une incidence très limitée sur les décisions d'installation des ménages. Je serais curieux de savoir si M. Lecat, ou d'autres, ont pu approfondir cette question.
Conclusion
L'étude de Gabriel Lecat vient renforcer toutes celles parues dans le monde anglophone, montrant de façon consistante l'existence d'une "pénalité réglementaire" lorsque les lois du sol sont restrictives. Ce phénomène ajoute aux prix du foncier un "ticket d'entrée" incompressible qui tend à prendre des proportions incommensurables lors des périodes de formation de bulles de crédit facile.
Mais si les règles d'autorisation de la construction redevenaient flexibles, les prix des terrains autour des villes les plus chères pourraient connaître une chute libre tout à fait salutaire et être préservés des phénomènes bullaires, ce qui profiterait à tous ceux qui peinent à se payer un logement décent avec leurs revenus modestes.


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