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Un gouvernement en déficit ... d'idées

Publié le 18 novembre 2009 par Juan

Un gouvernement en déficit ... d'idées
Mardi, l'Assemblée Nationale a donc adopté le budget 2010 présenté par le gouvernement. Pour convaincre les récalcitrants, François Fillon a promis un vaste plan d'austérité pour les années à venir. Christine Lagarde promet un retour du déficit public sous la barre des 3% du PIB. Eric Woerth veut taxer les transferts vers les paradis fiscaux. Mais que se passe-t-il au gouvernement ?
Inquiétude fiscale.
La lecture du projet de budget 2010 examiné par les députés depuis quelques semaines permet de comprendre quelques priorités et de relativiser le sens de certaines déclarations politiques du gouvernement. Ainsi, le plan de relance n'a pas été totalement engagé en 2009 pour 26 milliards d'euros (il est en fait de 23 milliards d'euros), comme l'a laissé entendre Patrick Devedjian l'été dernier. Il sera étalé sur deux années. Saupoudrage ? En 2010, les crédits réservés à la Mission "Plan de relance" s'élèveront à 2,3 milliards d'euros (en autorisations d'engagements). Le document législatif mentionne par ailleurs que ces crédits s'élevaient à 13,3 milliards d'euros. S'ajoutent le "Programme Exceptionnel d'investissement public" (1,5 milliards en 2010, après 4,1 milliards l'an passé), le "soutien exceptionnel à l'activité économique et à l'emploi" pour 2,1 milliards. Au total, les mesures de relance ainsi détaillées sont prévues à 5,9 milliards d'euros en 2010, après 17,4 milliards en 2009, soit 23,3 milliards sur deux exercices.
Au global, le budget adopté par l'Assemblée Nationale est inquiétant. Les critiques ont été nombreuses sur l'inéquité fiscale qui perdure, voire qui est accentuée. On assiste plutôt à un toilettage médiatique pour éviter de toucher à l'essentiel, l'injuste répartition des prélèvements publics. Dans son document budgétaire, le gouvernement se félicite d'une "réforme en profondeur" de la fiscalité, en faveur des investissements, du développement durable, et d'une plus grande justice fiscale. Il place 3 arguments: la suppression de la taxe professionnelle dès 2010 pour les entreprises, en 2011 pour les collectivités locales. A noter que la nouvelle taxe, ou "contribution économique territoriale" (CET) qui viendra en remplacement, sera composée de deux taxes, l'une assise sur le foncier, l'autre assise sur la valeur ajoutée générée par les entreprises. Les entreprises de services risquent d'être perdantes. Et les élus locaux sont inquiets: l'Etat a promis de compenser l'impact de la réforme en 2010, ce qui génère un surcoût de 11,6 milliards d'euros dans son budget l'an prochain. Fallait-il lancer une réforme coûteuse au pire moment ? Surtout, les élus locaux se demandent quelles seront les règles de compensation après 2011. On craint que, au pire, que l'Etat central ne récupère un droit de répartition qui limite l'autonomie des territoires, et, au mieux, que les communes et agglomérations les mieux loties en entreprises augmentent leurs ressources. Le budget adopté prévoit en effet que les recettes de la partie "locale" (la contribution assise sur le foncier) soit prélevée par les communes. Mardi, François Fillon a été copieusement sifflé par les maires réunis en congrès. Le premier ministre ne s'est pas dégonfé, reconnaissons-lui un certain courage. Ses explications sont restées incompréhensibles: "la violence de la crise économique et l'exacerbation de la concurrence internationale justifient sa mise en oeuvre immédiate". Ah bon ?
En matière d'environnement, le gouvernement avance la taxe carbone. Elle frappera forfaitairement, c'est-à-dire sans prise en compte des revenus, les ménages français. Le "remboursement", sous forme de chèque vert, sera également forfaitaire. Côté solidarité, on mentionnera la fiscalisation des indemnités journalières versées aux salariés victimes d'un accident du travail.
En 2010, L'Etat prélèvera 347 milliards d'euros (+22 versus 2009). Il en reversera 103 milliards aux collectivités locales (86) et à l'Europe (18).
Le gouvernement a prévu 380 milliards d'euros de dépenses budgétaires. Déduction faite de quelques 94 milliards d'euros de dégrèvements et remboursements, les dépenses nettes ne ressortent "qu'à" 285 milliards... Sur ce solde, les dépenses fiscales s'élèvent à 75 milliards d'euros. Au total, les recettes nettes étant de 164 milliards, les dépenses nettes de 285 milliards d'euros, le déficit budgétaire ressort à 120 milliards, "réduit" à 116 milliards grâce à quelques avances.
La France peut-elle se payer un grand emprunt ? Compte tenu des remboursements de la dette publique à assumer en 2010, le besoin de financement public est estimé à 212 milliards d'euros l'an prochain. Cela représente environ 3 300 euros par Français, petits en grands. Comment les services d'Eric Woerth comptent-ils s'y prendre ? Pour l'essentiel par de nouveaux emprunts (émissions à moyen et long terme d'obligations et de bons du Trésor) pour 175 milliards d'euros (le solde provenant de variations d'encours de trésorerie). Le fameux "Grand Emprunt" de Nicolas Sarkozy, souhaité vers les 100 milliards d'euros par Henri Guaino et une cohorte de 63 députés il y a quelques semaines, aurait fait exploser les compteurs.
D'aucuns fustigeront les dépenses publiques. On pourrait s'interroger sur l'équilibre de la fiscalité, ce que les députés n'ont pas fait. Le "compromis fiscal" - une solidarité nationale incarnée par des services publics et sociaux financés par tous, entreprises comme ménages - reste en péril. Il n'y a qu'à étudier les sources de financement de l'Etat prévues l'an prochain : l'impôt sur le revenu, le plus redistributif malgré les coups de canifs qu'il a subi en 1995-1997 puis depuis 2002, ne pèse que pour une cinquantaine de milliards d'euros. Un montant inférieur aux "dépenses fiscales" (75 milliards d'euros l'an prochain). La TVA, l'impôt le plus injuste, pèse toujours plus lourd. En promouvant un nouvel "grand emprunt", Nicolas Sarkozy a joué aux pompier pyromane : 212 milliards d'euros à emprunter l'an prochain, c'est donc insuffisant : allons jusqu'à 250 ! Qu'importe ! Après 2012, il sera temps de faire passer tout le monde à la caisse pour un dernier mandat...
La réponse du gouvernement aux déficits croissants
Dans son budget, le gouvernement ne se cache pas de faire peu d'efforts de maîtrise des déficits. Il prévoit quand même 33 749 non remplacements de départs à la retraite (soit 16 267 Equivalent Temps plein, compte tenu de l'étalement des départs sur l'année). Avec l'effet, en année pleine, des suppressions de postes de 2009, le nombre de fonctionnaires est prévu en baisse de 31 930 ETP en 2010. Par ailleurs, l'Etat transfèrera 65 896 ETP vers les 33 universités autonomes à compter du 1er janvier 2010 (60 617 ETP) et les agences régionales de santé (3667 ETP), et l'externalisation vers les collectivités locales de 2 738 ETP supplémentaires (ministère de l'écologie). Il faut chercher, loin et longtemps, quelles économies sont réellement générées par de telles suppressions de postes, budgétairement symboliques, socialement injustes et inefficaces. On ne comprend pas pourquoi, si l'économie était si importante pour les comptes de l'Etat, le gouvernement ne la revendique pas avec davantage de précision...
Le 6 novembre dernier, François Fillon a prévenu: il y aura des "ajustements très importants" dans les dépenses publiques. Il veut présenter un plan de réduction du budget de l'Etat au printemps 2010. En fait, le gouvernement est coincé. Il doit transmettre à la Commission européenne un nouveau "programme de stabilité" à cette date. En 2010, le déficit de l'Etat est estimé à 8,5% du PIB. Pour le réduire d'un point, il faut 2,5% de croissance, toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire sans austérité particulière. En 2011, Fillon le prévoit à 7%, soit 1,5 point de réduction en un an, alors que son budget est bâti sur une hypothèse de croissance de ... +0,75%.
Dimanche 15 novembre, le ministre du budget a annoncé une nouvelle mesure, la taxation prochaine des transferts vers les paradis fiscaux: "Il y a aura un ensemble de mesures (...) notamment pour plus taxer les revenus, qui sont situés dans ces pays qui vont continuer d'être considérés comme des paradis fiscaux, qui ne sont pas sortis de la liste grise de l'OCDE". Affaire de communication, le ministre parle des paradis fiscaux, pas des optimisations fiscales internationales. On attend la mesure.
Globalement, les députés UMP se sont agités, mais n'ont pas fait grand chose. Faux débât, vraies disputes. Nous aurons l'occasion de revenir sur les surprises budgétaires de certains ministères...
Quoiqu'il en soit, Nicolas Sarkozy n'était pas là pour commenter. "Cheval Fougueux" s'était échappé en Arabie Saoudite, pour une visite semi-privée (?) dans le ranch du Cheik polygame.


Le déficit de l'Etat a plus que doublé en un an !
envoyé par politistution. - L'info internationale vidéo.

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