Magazine Humeur

Rien ne se perd… ou quand presse rime avec paresse

Publié le 18 novembre 2009 par Pierre

L’information est en passe de devenir le produit le mieux recyclé en France. Une bonne chose en ces temps de Grenelle de l’environnement.


Décryptage d’un phénomène aussi pathétique et amusant qu’inquiétant.

Un reportage du JT de France 3 consacré à l’opération Plomb Durci dans la bande de Gaza de décembre 2008 illustré d’images de la seconde Intifada datant de 2005 sans que ne soit précisé la provenance des images.

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Une émission diffusée la semaine dernière sur M6 (Enquêtes Exclusives, pour ne pas la nommer) composée de reportages anciens, dont certains vieux de plusieurs mois, comme en témoignaient les affiches du film Che de Steven Soderbergh visibles en arrière plan (on ne la lui fait pas à Bibi), traitant de la question du trafic de drogue dans certains quartiers du Nord-Est parisien alors que chacun sait que depuis des mois le problème s’est déplacé de l’autre côté du périphérique en gare de Saint-Denis.

La rediffusion à toute heure du jour et de la nuit sur plus d’un an d’une même série de reportages sensationnalistes post-Le Droit de Savoir consacrés à la délinquance dans Paris (90 minutes, l’enquête sur NT1).

La résurgence sur les sites des grands quotidiens nationaux d’articles anciens dont pas un mot n’est changé lors de leur republication.

Nul besoin de remonter très loin pour constater que les exemples abondent.

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A l’image d’un Nicolas Sarkozy réutilisant des pans entiers d’un discours vieux de 6 mois devant des agriculteurs le 27/10/09 à Poligny (Jura) en leur affirmant : « Moi, je ne suis pas venu vous tenir un discours que vous avez déjà entendu » (quel farceur ce Sarko ! plus que Danny Boon, Bigard ou Frank Dubosc, ce devrait être lui le comique préféré des Français), les journalistes semblent considérer que l’information est désormais une denrée recyclable comme une autre.

Il nous semble distinguer 2 sources principales à l’apparition de ce phénomène : le développement de l’Internet d’une part et celui des chaînes de la TNT depuis 2006 d’autre part.

L’Internet : du vieux caca dans les tuyaux

Il semblerait en effet que l’Internet, relais de rumeurs plus fantasques les unes que les autres comme chacun sait soit devenu la source d’information principale de bon nombre de journalistes. Au sein de nombreuses rédactions, le travail quotidien de certains stagiaires se résume à éplucher les pages web à la recherche de la news décalée ou de la vidéo du moment qui feront s’esclaffer la ménagère de moins de 50 ans, cœur de cible privilégiée des annonceurs comme chacun sait. Or il est souvent tout aussi impossible de dater une information publiée sur la toile que d’en vérifier la véracité.

La TNT, dépotoir télévisuel

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La TNT, ce n’est pas que de la télé-réalité toute pourrie, des films moisis avec Terence Hill et Bud Spencer mille fois rediffusés et des émissions fonds de tiroir présentées par des animateurs has-been dont même la 3ème partie de soirée de M6 ne voudrait pas. Ce sont aussi des « « « « « « « émissions d’investigation » » » » » » » (on ne mettra jamais suffisamment de guillemets) suivies par de plus en plus de Français, qui prennent tout ce qui y est dit pour argent comptant. Or un rapide coup d’œil aux génériques de ces émissions suffit à déterminer l’origine des images qui y sont présentées. Il ne s’agit que d’un pot pourri (l’expression est ici on ne peut plus appropriée) de reportages anciens diffusés en première exclusivité sur TF1 ou M6, qui, est-il besoin de le rappeler, possèdent toutes deux certaines des chaînes de la TNT, (TMC et NT1 pour la première, W9 pour la seconde).

La recette est simple : réunir sous un titre racoleur type « Paris ville sous tension », « En immersion avec la BAC du 9-3 » ou « Les nouveaux réseaux de la prostitution avec plein de madames originaires de l’Est court vêtues dedans » 3 ou 4 reportages plus ou moins anciens dont les sujets n’entretiennent que de vagues similitudes. La thématique numéro un étant à n’en pas douter la délinquance. Que ne ferait-on pas pour plaire au Prince, dont la mainmise sur l’audiovisuel privé comme public n’est plus à démontrer et qui en a fait son sujet de prédilection depuis son passage au ministère de l’Intérieur en 2005.

Pourquoi ? Mais parce que !!!

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La réponse à cette dérive médiatique est simple. Outre les raisons purement économiques (une vraie investigation journalistique, ça demande du temps et de l’argent), l’explication principale réside dans le fait que les journalistes ne sont que de gros branleurs bons qu’à jouer les pique-assiettes dans des soirées de lancement de parfums, les avant-premières de films, les vernissages ou les meetings de l’UMP (où il y a plus et mieux à manger que chez les Cocos qui ne semblent pas avoir découvert que les sandwichs pâté/frites, c’est bien quand on va au foot mais que dans un rassemblement politique de haut niveau, ça ne le fait pas trop. Pardon, je m’égare).

A quand un compte rendu du débat sur l’identité nationale illustré d’images du débat Chirac Jospin de 1995 ?
A quand un compte rendu du déplacement de Nicolas Sarkozy à l’occasion des 20 ans de la chute du mur de Berlin illustré d’images de sa visite sur les lieux le 9 novembre 1989 ? A moins que ce ne fut le 10 ?

Je conclurai sur ces quelques mots à destination de tous les gratte-papiers de France et de Navarre : « Oh les feignasses, ils étaient bien au chaud, mais maintenant, il a falloir se sortir les doigts et arrêter de nous prendre pour des jambons. Vous allez vous mettre au boulot et pas plus tard que maintenant ! »

A bon entendeur (ou pas).

Vincent


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