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Votre jeunesse ou la jeunesse de France racontée par l'un des siens

Publié le 27 octobre 2007 par Roman Bernard

Aucun blog -du moins d'après l'outil de recherche spécifique de Google- n'a encore fait de fiche de lecture du livre Votre jeunesse, de Loïc Lorent, que j'évoquais brièvement dans mon billet du 15 octobre dernier. Plus de quatre mois après sa sortie et près de deux mois après l'avoir lu, je me vois donc contraint d'ouvrir la voie sur Criticus.
Mon attention avait été attirée, le 29 août dernier, par un article de la rubrique "Bibliothèque des essais" du Figaro, intitulé L'idéologie en kit de la jeunesse. Le journaliste, Paul-François Paoli, invitait rapidement à la lecture de cette chronique de l'occupation de l'Université de Toulouse-Le Mirail durant la crise du CPE, en 2006. Il n'en fallait pas plus pour m'inciter à acheter le livre, puisque n'étant pas en France à cette époque, je connaissais mal l'épisode du blocage des facs. J'étais en outre intéressé par le point de vue d'un étudiant qui, à un an près, a le même âge que moi. Vue depuis l'étranger, l'opposition d'une bonne partie de la jeunesse de France à une réformette qui n'allait pas changer grand-chose, en bien ou en mal, à la situation de l'emploi des jeunes, me semblait être le sursaut désespéré d'une génération en mal d'idéaux. La démarche critique d'un étudiant ne pouvait donc que m'intéresser, puisqu'elle fait cruellement défaut aujourd'hui.
Loïc Lorent, doctorant en histoire contemporaine, a tenu un journal du blocage de cette université réputée à gauche. Mais assez rapidement, le récit au vitriol de l'occupation, des manifestations, des assemblées générales, etc. est le prétexte d'une critique globale de la jeunesse française. Il serait impossible de faire un inventaire exhaustif des éléments qui, selon l'auteur, plaident pour une dégénérescence de la jeunesse de France. En faire une synthèse serait également périlleux, tant le style pamphlétaire de l'ouvrage, la dénonciation sans concessions qui le caractérisent empêchent de trouver une réelle cohérence dans son raisonnement.
J'avoue avoir été tout à la fois frappé, charmé, touché, interpellé, écoeuré, amusé, agacé par l'outrance et en même temps la puissance du propos. Les innombrables fautes d'orthographe, de grammaire, de conjugaison, qui devraient disparaître une fois que Loïc Lorent aura trouvé un meilleur éditeur -cela ne l'empêche cependant pas de faire attention, surtout pour un futur enseignant-chercheur-, tendent à faire oublier l'érudition, l'amour du verbe, l'humour qui sont constamment déployés dans son livre.
Le message de Loïc Lorent n'en est pas moins clair, si on l'étudie à l'aune de l'impasse de l'Université française. L'opposition des syndicats étudiants, qui en dépit de leur illégitimité s'arrogent le droit de parler au nom de tous les étudiants -on pourrait, en ce moment, remplacer "étudiants" par "salariés"- à la sélection, à la compétition, en un mot à la méritocratie, est, et cela relève de mon interprétation personnelle, le meilleur moyen de faire triompher l'"élitisme" que ces leaders d'opinion manichéens et sectaires croient combattre.
C'est d'ailleurs sur ce point que l'auteur, invité le 21 juin dernier de Radio Campus Paris a le plus insisté, pour expliquer son livre au présentateur qui, manifestement, ne l'avait pas lu. Loïc Lorent, qui craint peut-être de s'être fait des ennemis avec ce brûlot -notamment le président de son université, dont la description est d'une délicieuse ironie-, a ainsi martelé l'aspect le plus consensuel de son livre.
Dommage que l'auteur ait ainsi, malgré lui, cédé au chantage du politiquement correct. Car son livre, dont je vous invite pour finir à lire la conclusion, est une bombe. Tout jeune français qui saura le découvrir en sortira profondément bouleversé. Jugez-en vous-même :

Le monde a tourné pendant que la France s'enfonçait une fois de plus dans ces passions d'adolescent attardé. Ce n'est pas toute votre jeunesse, mais c'est assurément son état d'esprit. Et ceux qui viennent aujourd'hui piailler en regrettant son excessive sensiblerie, sa méconnaissance des réalités, ceux qui avancent, avec raison, que l'on ne fait pas de politique avec de bons sentiments devraient être un peu plus prudents et avouer leurs fautes. Ce sont souvent les mêmes qui ont pendant trente ou quarante ans conforté toute une génération dans son inculture. Aujourd'hui ils découvrent que le nivellement par le bas ne donne pas les glorieux résultats espérés. À bâtir sur le néant, sur la haine des valeurs constitutives de la culture occidentale, que croyaient-ils récolter si ce n'est une jeunesse nihiliste ou, au contraire, éperdument pacifiste, neurasthénique, et dont le seul "désir d'avenir" est de finir fonctionnaire ! Du reste, tant que les Sollers, les Plenel et les professeurs en touche-pipi domineront la pensée de toute leur mortifère arrogance bourgeoise, dire non au nouvel Infâme nécessitera un courage bien rare sous ces latitudes. Avouez, il reste un peu de poudre et la guerre est à venir.
Les Français ont les enfants qu'ils méritent.
Ne pleurez pas en les voyant se faire "dépouiller" place des Invalides. Ne soupirez pas en les entendant parler "comme ça pas'ke c'est trop un truc de ouf, tu vois". Ne soyez pas troublés en apprenant que les trois-quarts d'entre eux, quand on leur pose la question, disent qu'en cas d'agression du territoire national, ils ne défendraient pas leur pays. Ne vous lamentez pas quand ils hurlent vouloir un emploi à vie, un salaire à vie, un contrat à vie sans trop travailler "parce que le travail, c'est pas bon pour la santé". Ne pleurez pas car ils vous ressemblent et parce que s'ils vous détestent tant c'est que vous leur avez bien appris la haine de soi, la haine de ce que vous êtes : des spectateurs de l'Histoire, comme ce pays que vous détruisez depuis des décennies. Les fils dégénérés de vos idées jetables et faciles qui reviennent vous hanter alors que vous ne pensez qu'à vos retraites, vos RTT, vos plans d'épargne logement. Ne vous étonnez pas de les voir déterrer vos passions juvéniles cent fois invalidées par les faits. Ils vous imitent, vous qui les avez couvés comme les princes et princesses d'un monde merveilleux qui n'a jamais existé que dans la naïveté de vos rêves. Après vous être mentis, vous les avez trompés. À présent, vous cueillez les fruits pourris de votre stupide ambition égalitariste. Peuple de singes démocrates qui fait défiler ses enfants avec des bonnets phrygiens sur la tête tous les 14 juillet. Qu'elle est belle votre France où les mots "mérite", "effort", "patrie", n'ont plus le droit d'être prononcés.
Vous avez peur du FASCISME ? Vous avez vraiment peur du FASCISME ? Encore faudrait-il que vous n'ayez pas vidé tous les mots de leur substance. Le fascisme qui vous horrifie n'existe plus, exceptés quelques risibles groupuscules à croix celtiques et mouvements compulsifs du bras droit. Le seul fascisme contemporain, celui des kamikazes qui se font sauter dans des métros et des tours, celui qui a grandi chez vous, est allé dans vos écoles, a flirté avec vos filles, ce fascisme que vous ne voulez pas voir va vous avaler tout cru. Il avalera vos enfants qui, le canon d'une kalashnikov sur le front, murmureront encore "mais pourquoi ?" Que leur répondrez-vous ?
L'AG est un miroir, le miroir d'une France qui n'a plus rien à donner au monde si ce n'est le spectacle toujours prodigieux de sa vacuité, de sa décadence. Français, puisque la liberté vous est si pénible, soyez rassurés, vos enfants sont mûrs pour l'esclavage.

Votre jeunesse ou la jeunesse de France racontée par l'un des siens
Votre jeunesse, aux éditions Jean-Paul Bayol, 179 pages, 16,90 euros.
À lire aussi, les fiches de lecture du Figaro, de Marianne, de la Lettre de l'Étudiant et de Famille chrétienne.

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