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Et alors ?

Publié le 15 novembre 2009 par Vivreenislande @vivreenislande

Economie - Les "experts" disqualifiés
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Marc Fiorentino & Dirk Müller - 1/2
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Bon, évidemment, si ce n'est déjà fait, il faudrait que vous disposiez d'un peu de temps pour visionner ces trois vidéos. Mais le jeu en vaut la chandelle.
La première : un débat sur le thème "la crise, les experts disqualifiés", animé par FOG, en présence de Xavier Mathieu (syndicaliste prolixe et passablement énervé), Florence Noiville (qui, si j'en crois le titre de son dernier livre, a fait HEC et s'en excuse), Nicolas Baverez (économiste spécialisé dans les prévisions apocalyptiques), l'acteur Laurent Deutsch (dans le rôle de Candide) et le talentueux Jacques Attali, que l'on ne présente plus.
Les vidéos suivantes sont extraites d'une émission d'Arte datant du 27 octobre dernier. Elles mettent en scène deux spécialistes de la finance (Marc Fiorentino et Dirk Müller), un animateur intelligent et inspiré - Daniel Leconte - et font suite à la diffusion d'un reportage réalisé par Antoine Vitkine : "Qui veut gagner des milliards ?"
J'ai d'ailleurs noté que Marc Fiorentino était assez largement meilleur dans la posture du trader repenti et donneur de conseils que dans celle d'écrivain. Car le suspens est à peu près aussi présent dans son "Un trader ne meurt jamais" que dans une salle des marchés un dimanche matin. Quant à la richesse narrative de l'auteur, je fus tenté de la comparer au dernier résultat net de General Motors. Un peu faiblarde donc. Mais je m'égare.
Je vous livre le pitch du film de Vitkine : "Sur quelques kilomètres carrés au bord de la Tamise, la City de Londres représente la plus grande concentration de banques au monde, employant 300 000 personnes de toutes nationalités et brassant, chaque jour, des centaines de milliards de livres sterling. Bien que les excès des banques aient entraîné une crise économique majeure, et en dépit des pressions internationales, la City refuse d'être soumise à quelque régulation que ce soit. Tout semble y avoir recommencé comme avant : banquiers surpayés, fonds spéculatifs, pratiques risquées... Plongée au cœur d'un univers aussi feutré que cynique, ce film cherche à comprendre pourquoi. Il raconte comment ce petit bout d'Angleterre est devenu, au fil des décennies, la capitale du système bancaire mondial et pourquoi il a fini par oublier sa mission première : financer l'économie."
Une telle manifestation de coupable indifférence m'a semblé relever davantage d'une pathologie mentale incurable, que d'un cynisme poussé à son paroxysme. C'est dire. Pratiqué par les financiers de sa Grâcieuse Majesté, l'humour british a le goût flasque et détestable de la jelly.
D'ailleurs, Arte titrait son Théma : "Les banquiers sont-ils des voleurs ?". On ne peut mieux résumer mon sentiment. A ce détail près qu'à défaut d'un point d'interrogation, c'est un point d'exclamation que j'aurais eu plaisir à substituer à la question posée.
Mais moi je suis un gros béta qui ne comprend pas grand chose aux hedge fund et autre effets de levier. De tout cela, je n'ai simplement retenu que deux ou trois banalités.
On nous l'a dit, redit, répété et le sujet a fait l'objet de nombreux articles : les milliards prêtés aux banques pour les sauver de leurs turpitudes n'ont donné lieu à aucun véritable changement quant à leurs modes de fonctionnement. Ces vénérables institutions ont repris dans l'allégresse leurs profitables activités de naguère.
Ils auraient eu bien tort de s'en priver.
On a puni Madoff pour avoir menti et voler ses clients, on punira sans doute Kerviel pour avoir pris des risques inconsidérés, mais ni les milliers d'autres petits magiciens de la finance qui ont failli, ni l'incompétence négligente des instances de régulation n'ont été, à ma connaissance, châtiés ou même remis en cause.
Il y a bien eu, ici ou là, de la part de nos gouvernants, quelques molles critiques à leur encontre. Notre frétillant Président a grogné un peu, émis quelques suggestiounettes pour la façade, les membres du G20 ont pris quelques mesures dont certains spécialistes ont noté les limites et la douce vie boursière a repris son cours, au rythme des oscillations impromptues et criminogènes.
Les milliards d'euros de bonus attendent sagement nos intrépides traders : environ 6 milliards de Livres pour les traders Anglais, près de 26 milliards de dollars pour ceux de Wall Street et même 140 milliards de dollars pour l'ensemble des banquiers Américains. Tous les records sont battus.
Ailleurs, partout où la notion de record sert avant tout à désigner l'espérance de vie d'un gars qui ne mange qu'une fois tous les 2 jours, Jacques Attali nous précisait modestement que 200 millions de personnes dans le monde étaient descendus sous le seuil de pauvreté en l'espace d'un an. Depuis le début de la crise donc.
Mais kess kon a à foutre, hein ? Franchement, ça préoccupe qui de savoir qu'un jeune banquier arriviste va pouvoir enfin rouler en Aston Martin, quand, dans le même temps, peut être à quelques kilomètres de là, un autre jeune homme va devoir dormir dans sa vieille Ford ? L'invraisemblable est devenu la règle. Comment pourrions-nous nous émouvoir, nous étonner, nous fâcher ?
Il faut qu'un père enlève et séquestre un homme condamné par contumace au viol et au meurtre de sa fille, pour combler l'incurie de la justice. Le papa en question précisait qu'avec seulement 10 000 euros (bien moins dans certains pays), vous pouvez même faire tuer un type ; et comptez 200 000 pour un enlèvement international, expliquait-il dans l'émission d'Ardisson d'il y a 15 jours.
Il suffit qu'un juge soit en vacances pour qu'un pédophile récidiviste et shooté au Viagra par un médecin imprudent, soit libéré dans la nature et puisse se livrer à ses coupables penchants sur un petit garçon de 5 ans.
Il faut qu'une entreprise enregistre quelques dizaines de suicides en son sein pour qu'on prenne la mesure du profond désarroi dans lequel se trouvent certains salariés de ce même groupe.
Ne commence-t-on à s'inquiéter chez France Telecom, alias Orange, que lorsque l'on a atteint le 18e décès volontaire pour des raisons propres au fonctionnement même de l'entreprise ?
La folie s'est emparée de l'humanité raisonnable. La torture, la violence, la haine, l'intolérance, l'injustice s'exercent dans une effroyable banalité et dans une encore plus déplorable indifférence.
Alors comment pourrions-nous attacher une quelconque importance aux milliards d'euros de bonus qui attendent tous les traders souriants ?
Les morts de ce virus dont nous n'avions rien à craindre s'accumulent un peu partout, les pays de l'Union peinent à s'entendre sur les solutions homéopathiques à mettre en œuvre pour tenter de sauver une planète moribonde et tous les financiers du monde ont repris leurs lucratives occupations au risque de nous replonger dans le chaos.
Et-a-lors ?
A part quelques grognements par-ci, quelques atermoiements par-là et des "c'est honteux" partout, qu'avons-nous fait, qu'avons-nous imposé ? Nous sommes comme ces personnages de dessins animés qui tardent à comprendre, les pieds dans le vide, que la chute est inéluctable.
De ce qu'a dit Attali, j'ai retenu deux assertions qui ne m'ont pas semblé parfaitement s'accorder : il a prédit qu'une nouvelle catastrophe financière était sinon panifiable, en tout cas inévitable et expliqué qu'il fallait cesser de voir les politiques comme des sauveurs, comme des messies capables de freiner l'appât du gain de la finance.
Jacques, ce fataliste-là n'est pourtant pas une diseuse de bonne aventure, et pas plus un prophète pacorabannien perturbé.
Fallait-il comprendre que la solution nous incombait ?
Devions-nous prendre enfin en main notre destin ?
S'agissait-il d'un message subliminal visant à démontrer qu'il est urgent de cesser de nous reposer sur les déclarations d'intentions de ceux qui décident, entre eux, dans le faste et la bonne humeur d'un G20 à quelques milliers d'euros par tête de pipe ?
Peut-être bien. Allez savoir ce qu'il y a dans la tête de Jacques Attali.
Pas simple.
Réactions ? Aucune réaction. Le néant. L'oeil amorphe et la langue pendante, le public lobotomisé applaudissait au beuglements révolutionnaires et menaçants du syndicaliste en colère. Les justes causes pâtissent souvent des excès de haine incontrôlés. Mais ce soir-là, non. Vive les faibles en colère. Quelles que soient leurs solutions. Quel que soit l'extrémisme dont ils se revendiquent. Et Monsieur Attali tentait péniblement de se justifier en exposant ses activités sociales de la dernière décennie. Quel curieux monde que le nôtre. Où la raison du coeur s'exprime par l'aigreur, dérive vers la déraison, mais récolte l'enthousiasme clapi-clapant des abrutis, quand l'intelligence, la sagesse, la mesure, titubent, hésitent, doutent à force d'être malmenées en silence.
Nous avons écouté cet homme qui à moi apparaît intègre nous annoncer sans sourciller que la prochaine crise serait dramatiquement pire que la précédente, et nous sommes restés cois. Nous l'avons regardé nous montrer du doigt ces 200 millions de nouveaux pauvres qui n'existaient pas il y a un an, murés dans le silence coupable de notre apathie. Pas la moindre manifestation de surprise, de désapprobation ou d'énervement. Nous assistions à l'annonce de l'effondrement possible de notre civilisation comme s'il s'était agit d'une défaite de l'équipe de France de football. Pardon pour le pléonasme.
Alors quoi ? On attend quoi ? On se laisse bercer par les déclarations d'intention de nos gouvernants ? On croient en l'efficacité de leur velléité ? On attend, résignés, impassibles, impuissants, la disparition du monde tel que nous le connaissons ?
A force d'être abreuvés de catastrophes, de tueries, de morts chiffrés, de statistiques sur la pauvreté, la misère, la cruauté, nous ne sommes plus capables de prendre la mesure de ce qui nous pend au nez.
Nous avons perdu cette qualité essentielle qui nous distinguait de l'animal - la faculté d'adaptation - et nous sommes également dépourvus de celle qui nous en rapprochait : l'instinct de survie.
Et alors, me direz-vous ?
Tant que nous, nous n'avons rien à craindre.

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