Magazine Journal intime

Bromo et Ijen, face à la mort, c'est la java à Java

Par Simplybrice
La sieste, c'est la loi de la jungle, on sait quand on y rentre, on sait rarement quand on en sort. En ce qui me concerne en tout cas... Spécialement quand je sors d'une nuit blanche ascensionnelle.
Il est 17h quand je m'extraits du coma. A la réception, tout le monde remarque mon état lamentable, je ne vais pas faire long feu... Encore que... Dans un geste, un des employé ne tend un papier sur lequel est écrit le résumé d'un message transmis au téléphone par Rita. Il faut que je la rappelle. J'exécute.
La belle a attrapé un virus, le genre de ceux qui vous cloue au lit pendant plusieurs jours dans un état potentiellement contagieux. Elle ne viendra pas chez Bladok demain, est désolée pour tout ça et déjà me souhaite bonne continuation dans mon voyage.
C'est donc bien triste mais c'est la fin de la relation morte-née et la fin de mon temps à Yogyakarta. Après le Kraton, Borobudur, Pranbanan et le Mont Merapi, à défaut d'une après-midi plage, j'ai fait le tour du propriétaire, la route reprends son hymne : "tiens, tout a changé ce matin, je n'y comprend rien. C'est la fêêête, la fêêêête!!!

Aussi sec, je me rends donc chez l'agence de voyage qui connait maintenant bien ma tronche et leur demande pour quand est le prochain transport pour le Mont Bromo, nouveau volcan, et espérons le, nouvelle explosion visuelle. Demain matin 9h. Facile. Au rythme où j'en suis, je suis content de dormir à l'heure du lever de soleil. Deux fois en trois jours dont une fois sans dormir, le compte est bon!! Un pancake, l'addition!!
Non sans avoir réservé des billets d'avion d'abord pour la Nouvelle-Zélande le 12, puis pour Las Vegas rejoindre Môman et Pierrot Gourmand le 15 décembre, puis pour San Francisco le 26 où j'ai la merveilleuse surprise d'avoir rendez-vous avec Coralie, digne descendante du centre scolaire Soeur Rosalie, Paris Vème, que je n'ai pas vu depuis cette époque lointaine après laquelle elle a décidé de migrer vers le Canada francophone à Montréal. (NDLR : Vous voyez, c'est facile, il suffit d'acheter un billet d'avion en direct de son canapé!)

A bord du minibus qui nous emmène à Bromo, on est une bande de sept personnes, la plupart sur le chemin de Bali. L'ambiance est bonne et les conversations fournies. Mais plus le temps passe et plus le soufflé retombe, neuf heures de transport, ça a beau n'être maintenant qu'anecdotique, ça reste une sacrée chianlie. (chianli? chienlie? Faîtes le tri.)
Le compte à rebours entamé le matin prend fin à 19h. Enfin c'est ce qu'on croit tous à Probolinggo quand on nous indique qu'il faut descendre du véhicule et ramasser nos sacs. En fait, on est dans la dernière ville avant les pentes du Mont Bromo et on est déposé dans un centre d'informations pour touristes qui n'a qu'une envie : nous vendre des tours en 4X4 au lever du soleil, encore...
Personnellement, après neuf heures de patience à sentir mes fesses devenir douleur, j'ai autre chose à faire que de négocier à tout va. Je laisse donc les autres se crêper le chignon dans une pièce chauffée au fer blanc pendant que j'attends dehors. Ils ressortent et me livrent les conclusions du débat. Au final, tout le monde réserve le tour matinal et je me laisse convaincre d'en faire autant. Les billets s'échangent et quand toute transaction est terminée, splendide coïncidence, un nouveau minibus est là pour nous déposer à notre hotel à une heure de plus de route, sur les flancs du volcan.
Enfin, à 21h, la machine folle s'arrête au grand soulagement de chacun. On se lève dans six heures. Il faut encore dîner et prendre une douche qui ne sera pas du luxe. Pendant le repas, notre groupe apprend une peu mieux à se connaître, les vannes fusent en commençant sur la nourriture qui est un déli à elle toute seule. Le boeuf n'est pas du boeuf, c'est de la vache. La soupe n'est pas de la soupe, c'est de la vase. Les frites ne sont pas cuites. Le lait est de l'eau trouble.

A l'issue de ces réjouissances, chacun rejoint la chambre qui lui a été attribué, toutes dotées d'épaisses couvertures pour lutter contre les frimas nocturnes. Ma lumière s'éteint à 23h, vite, vite, sommeil, prends moi dans tes bras!!!
Car à 3h30, on frappe à la porte et ce n'est pas une erreur. Il faut s'activer car à priori, le soleil ne sera une fois de plus pas en retard pour aller bosser. Ayant compris mon  malheur au Mont Merapi, je m'équipe de tout ce que j'ai de plus chaud, de la polaire en haut et en bas, deux paires de chaussettes, tout pour ne pas revivre la fièvre du lundi matin.
Un thé plus tard, la voiture démarre.

En dix minutes, nous basculons vers le coeur de la caldera immense dans laquelle nous pénétrons hébétés. Les dimensions sont incroyables. Le cône du Bromo n'est qu'un des trois qui émerge de la caldera, vestige d'une éruption tellement lointaine que même les dinausaures ne s'en souviennent pas. Nous prenons alors le chemin d'un des murs vertigineux qui l'entourent, parfait point de vue pour une aube en couleurs.
En arrivant, c'est la surprise, des dizaines d'autres voitures sont déjà garées, il y a du monde au portillon. Sur la plateforme bétonnée qui sert de perchoir, surement pas de plongeoir, plus d'une centaine de personnes attendent déjà que le grand spectacle cosmique commence. Personne ne sera déçu.
Toujours fidéle à l'heure, c'est vers 5h30 que le soleil apparait enfin. Les appareils photos crépitent dans un concert de "Oohhhh!" d'admiration. Devant nos yeux héberlués, la lumière donne tout son sens à ce pourquoi on est venu défier la nuit. Le décor est lunaire, sompteux, en un mot orgasmaculaire. Les cratères se superposent. Personne ne se plaint de l'horaire.
Ensuite, comme le programme est quasiment minuté, l'apéritif se termine, il faut déjà partir contempler le plat de résistance de cette matinée surréaliste, le cratère du Mont Bromo, véritable usine à nuages.
Quelques minutes motorisées plus tard, ce qui semblait à des dizaines de kilomètres est maintenant là, juste devant nous. Nous sommes au milieu de la caldera à quelques pas du monstre. Pour le rejoindre, centaines de touristes obligent, il faut se frayer un passage au milieu des hordes de cavaliers qui proposent pour de menus dollars de nous convoyer plus loin à dos d'équidés. Non merci messieurs, je préfère prendre le bus n°11, à savoir mes deux jambes.
Puis il est là.
Une série de marches plus tard, enfin, le cratère sur lequel nous évoluons à pas assurés mais nerveux se déploye à notre regard. Sur la gauche, la caldera à perte de vue. Sur la droite, le vaste cratère tombant presque verticalement sur des centaines de mètres jusqu'à un fond débordant de vie. Il n'y a, comme à Merapi, pas de lave, mais ça fume, je ne vous dis que ça!! Pose le pieds de travers, et dévale sans espoir de remonter ou de quoi que ce soit d'autre.
Tout le groupe est alors posé, assis en ligne le long du cratère. Moi, j'ai de la patate à revendre, je pars me faire un petit tour de volcan.
D'abord un quart de tour, puis un peu plus, jusqu'à me retrouver devant une montée abrupte où le chemin s'effiloche pour n'être plus qu'un mince fil d'Ariane. Pas besoin de tenter le diable, ayant entendu l'histoire d'un touriste français qui est tombé dans le chaudron magique au cours de l'année précédente et qu'on a jamais retrouvé, je décide, sécurité avant tout, de faire demi-tour et de retrouver le reste de mes camarades sur un sol pas forcément plus amical mais au moins plus sécurisant puisque plus large.
Je reste alors bouche bée quelques minutes de plus avant de se rendre à l'évidence, quand faut y aller, faut y aller.

On laisse alors nos dernières empreintes sur le Mont Bromo avant de retrouver la voiture puis l'hotel à 8h30, cinq heures déjà après le réveil.
Un encas plus tard, comme la veille, Probolinggo revoit nos faces de vainqueur, cette fois-ci dans le sens de la sortie. C'est alors l'heure des aux-revoirs, tout le groupe prend directement la direction de Bali à l'exception d'Olivier, brillamment renvoyé de chez Peugeot quelques mois plus tôt, qui me convainct de le suivre sur les pentes d'un nouveau volcan pour un nouveau lever de soleil (sic), le Mont Ijen qui a la particularité d'être une usine à souffre, les locaux l'extrayant et le transportant dans des conditions que je vous laisse imaginer à la sueur de leur front.
Mais ça a beau sembler être une nouvelle expérience hors du commun, il a besoin de s'y prendre à plusieurs reprises avant qu'enfin je cède. Qu'il en soit ainsi, se profile un nouveau réveil avant 4h du matin, le quatrième en six jours, ainsi soit-il.

Et qui dit nouvelle destination, dit nouvelle journée palpitante dans les transports.
De 11h du matin à 6h du soir nous bouclons les moins de 200km qui ne nous séparent plus d'Ijen. La surface de la route tient plus de la piste à zébus qu'autre chose, ça ajoute au charme ambiant quand on décolle tous de nos sièges suivant les rebonds de la voiture.
Et une fois encore, tout est chronométré.
On est d'abord déposé à une cascade fine mais rugissante d'un volume d'eau qui tombe à la seconde proche de celui d'un grand fleuve. Ca dure cinq minutes. De toutes façons après il fait nuit.
A 18h30, c'est au tour de petits bassins d'où jaillissent les eaux d'une source chaude de nous accueuillir. Olivier se met à l'eau, je l'y rejoints ne pouvant considérer rester au dehors en entendant ses râles de plaisir non dissimulés, le cochon.
A 18h45, il faut sortir de l'eau, tous les autres attendent.
A 19h, un nouvel hotel ne nous déroule pas le tapis rouge, on est arrivé. Juste à temps pour prendre rendez-vous le lendemain à 3h30. Tout est chronométré, je vous l'avais dit!!
J'ai le plaisir de partager la chambre avec Olivier autant que celle de ne pas partager les dizaines de poils et cheveux qui trainent dans ses draps, vestiges du locataire de la veille sans doute. En passant à table pour se voir proposer un menu à choix multiples au nombre de deux, la fatigue fait déjà plus que me guetter. Tous mes voisins tournent à la bière fraîche quand je suis plutôt à la tisane.
Au retour en chambre, je tente l'expérience d'une douche chaude, la première depuis plus d'un mois, mais me brise les dents sur une eau soit à faire bouillir des pâtes soit à frigorifier un pingouin. Complètement confus, je me couche. Dans le lit voisin, Olivier est mort, pas sur qu'il ait un poul. L'alarme entamera un vacarme nécessaire à 3h32, c'est toujours deux minutes de gagner, et j'en suis là!!!


Deux minutes ne suffisent pas à me voir replonger dans ma nuit quand la voiture redémarre. Il est 4h et j'en ai gros sur le haricot. Depuis que j'ai pris ce rythme de faire n'importe quoi à n'importe quelle heure supramatinale, c'est la première fois que je n'arrive pas à évacuer la fatigue. Demain j'arrête, c'est un vendredi férié, c'est promis je fais le pont.
Le soleil est déjà debout même si caché derrière les montagnes quand on me force à sortir de mes rêves, la voiture garée sur un parking en terre. Il est 6h du mat' et les premiers mètres de la grimpette sont au bout du rouleau et pas le bon. C'est qu'il faut encore grimper aujourd'hui. Pas de voiture jusqu'au sommet comme pour rejoindre le point de vue lointain sur le Mont Bromo. Dans un sens tant mieux, ça se mérite, mais d'un autre côté... Pourquoi aujourd'hui?!?!?!?!?! Ca va pas malheureux?!?!?!?!?!?!
Et puis, comme par magie, dans un second souffle, tout va mieux. Le temps est idéalement frais pour que l'effort soit plaisant, je fais sans pause l'ascension en un petite heure. Et au sommet...
Nouvel ouragan sensoriel, extracteur d'oeil de son orbite, Redbull à même le cerveau à vif frappé en simultanée par la foudre, le cratère du Mont Kawah Ijen, roi des superlatifs. Le cratère en lui même est une nouvelle fois, on se répète mais c'est vrai à chaque fois, démesurément, fantastiquement vaste. Ces parois intérieures sont interminables et descendent se jeter à la verticale dans un lac turquoise sublimement attirant mais à l'acidité pouvant vous faire fondre sans autre forme de procès. Baignade interdite sous peine de mort. De plus, quasiment à hauteur de la surface du lac sont projetées à grande échelle des gazs sulfuriques qui n'attendent qu'un vent favorable et bien présent ce matin pour vous couvrir jusqu'à étouffement.
En Gros, Le cratère du Kawah Ijen, c'est la porte vers l'enfer avec du souffre dessus. Et le plus étonnant, c'est que ça fourmille de gens. Attendez . Des gens non, des forçats. Le fond du cratère est tellement riche en souffre que des travailleurs viennent de toute l'Indonésie pour en extraire des chargements de matière brute atteingnant les 120kg!!! Un portique en bambou sur lequel on appose un panier de chaque côté chargé jusqu'à rabord et deux fois par jour, ils font l'aller-retour vers la vallée de l'autre côté.
Sécurité avant tout qu'ils disaient...

Au Départ, on choisit avec Olivier plus Maud et Edouard, deux jeunes amoureux au gout de sud-ouest rencontré avec plaisir depuis la veille, de rechercher un meilleur point de vue sur le lac. A aucun moment, il n'est alors question de descendre...
On tente donc avec succès de contourner un temps soit peu la bête par le biais d'un chemin longeant le lac mais à des années lumières de hauteur le long d'une saloperie de précipice. Sympa la ballade... Mais comme souvent dans ces cas là, la récompense est haut bout du chemin, la carotte était en fait une carotte géante.
De là haut, plus spectaculaire tu meurs, puisque plus spectaculaire, tu sautes. La vue est un pêché d'orgueuil à elle toute seule seulement troublée par un petit hic, la montagne est tellement en colère et le vent tellement en forme que la fumée se diffuse à presque tout le lac masquant des vues comme j'imagine on doit pouvoir la voir dans "La Terre vue du ciel". (NDLR : Prenez en photo la bonne page du livre si elle existe et envoyez la moi par E-mail. Ou non, mieux... On va faire un jeu-concours sans obligation d'achat.


Celui ou celle qui m'envoie la plus belle photo possible du Gunung Kawah Ijen gagne un cadeau surprise envoyé d'une destination exotique grace à notre fantastique sponsort, les postiers!
Faîtes parvenir vos clichés dénichés d'où vous voulez à : [email protected] (où vous laisserez aussi votre adresse sans quoi, comment voulez-vous que le postier s'y retrouve. Non mais des fois, j'vous jure.)
Date limite fixée au 30 novembre 2009
Bonne chance!!

(Il est également possible de parrainer de nouveaux inscrits à la newsletter dans la joie ou dans la menace physique mais ça ne rapportera rien d'autre que mon estime éternelle. Bonne chance.)


On reprend. Douze heures après...


Les quatres que nous sommes sommes biens contents de notre vue panoramique mais après un temps, il faut bien passer à autre chose. On retourne à notre point de départ toujours sur la collerette du volcan maléfique. Là, les avis divergent. Entre ceux que ça démange de descendre et suivre les forçats jusqu'aussi loin que ce soit "raisonnable", et ceux qui préfèrent remonter de l'autre côté, toujours sur le sommet du cratère, pour admirer le panorama opposé au premier.
Avec Olivier et Edouard, on est le contingent Premier Groupe.

La descente, bien que ces galériens des altitudes volcaniques la parcourent chargés comme des mules, ce n'est pas une image, n'est pas évidente. Sans cesse il faut passer d'un caillou, d'un rocher à l'autre. Dans le même sens, les locaux volent de marche bancale en marche bancale, mais ceux qui montent... Ceux qui montent vont à un centième à l'heure. Ils suent à grosses gouttes et toussent leurs poumons en nous demandant, malgré tout, si on a pas une cigarette pour eux.
On en vient à en croiser un qui fait une pause dans sa course contre la misère. Son barda est posé en équilibre sur deux pierres portant chacune un panier. Quand on arrive à sa hauteur, le gaillard qui mesure autour d'1m60 et qui est fin comme un fil de pêche nous offre de tenter de ne serait-ce que décoller sur un centimètre sa double enclume de charge. Piqué à vif, Olivier qui est d'une bonne constitution offre son corps à la science et accepte. La veste saute, les genoux se plient, la charge est callée sur ses épaules. Dans un réel effort, il n'arrive à rien, le bambou a bien plié un peu mais quant à soulever, c'est une autre affaire. Intrigué par le poids, Edouard tente alors sa chance avec le même résultat. Il faut se rendre à l'évidence, les types sont des haltérophiles nés à l'inverse des français. Moi, de toutes façons, je l'avais vu venir avec son truc insoulevable. Je me contente d'applaudire et de me répendre dans le respect, voilà ce que je fais!! Vais pas me casser le dos à tenter en vain de soulever tout seul deux machines à laver, une dans chaque main!!

Cette expérience scientifique concluante plus tard, on arrive à mi-chemin de la pente vers une ablation partielle de l'espérance de vie de celui qui la fréquente depuis trop longtemps. A quelques mètres seulement, les nuages sombres grimpent vers le ciel. Edouard et Olivier n'ont alors qu'une dernière volonté, remonter. A leur gout, les photos ça va bien, il faut reprendre de l'altitude et quitter cet environnement qui à mesure qu'on s'enfonce sent drolement fort l'oeuf pourri. Seulement, à mon gout, on peut encore descendre un peu plus.

- "Depuis que nous avons entamé cette folie de suivre des plus fous que nous, le vent nous a été particulièrement favorable. Il souffle uniquement dans un sens qui épargne ma peau plus habituée à la Soupline qu'aux gazs mortels. C'est faisable je vous dis, c'est faisable!"

Mais non, ils rebroussent chemin. Entêté comme un ane, je continue. Dans ma progression, dès que je croise un ou plusieurs besogneux, je leur laisse le passage, l'espace piéton n'étant pas particulièrement large. Et ils sont des dizaines tout le long. Lors d'une de ces pauses, je me retourne et Olivier et Edouard apparaissent.   
Olivier notamment est transfiguré. On ne l'arrête plus et descends les marches quatre à quatre. Edouard, lui, est plus sur la défensive. Quelques mètres de plus et il remonte définitivement se mettre à l'abri. C'est que ça souffle en bas!

Je pars alors à la recherche d'Olivier qui a pris la poudre d'escampette sur l'unique chemin vers le point d'extraction du souffre qui est le même que celui d'où partent les fumées. Joyeuses perspectives... Sécurité avant tout...
Je suis alors bon petit bonhomme de chemin quand tout à coup, sans prévenir, le vent entame une valse décadente. Comme dans un cauchemard, j'ai alors en face de moi Monsieur Nuage qui grossit à mesure qu'il se rapproche à environ 80km/h ou la vitesse du vent. Dans un éclair, je cherche alors à trouver un abri illusoire derrière un rocher faisant deux fois ma taille. Je pense peut-être que ça va intimider la faucheuse. Perdu, mille fois perdu.
En une seconde, le versant entier se pare de jaune. La fumée m'entoure quand je mets mon écharpe sur mon visage ainsi que ma veste et mon T-shirt, histoire de respirer à travers le tissus en espérant que ça filtre un tant soit peu. Les secondes sont alors très longues, dès que j'ouvre les yeux, ça pique comme si on les recouvrait de sable. Dès que je tente de respirer, je regrette de ne pas avoir rempli des bouteilles d'air de l'Himalaya, on respirerait mieux la tête dans le cul d'une vache morte.
Ca dure une grosse minute avant que la girouette ne se refasse, bien fait, un tour de rein avant de reprendre une activité normale.
Le nuage se dissipe alors, je retire ce que j'ai dit pour la vache morte.
Je parviens alors à distinguer Olivier qui n'est qu'à quelques mètres et qui a aussi eu droit à l'aérosol des profondeurs, mais qui continue!!! Le même type, qui un quart d'heure plus tôt me faisait tout un laïus sur la nécéssité de remonter, se rapproche encore de la bouche à souffrances. Je réfléchis et je suis. J'arrive alors à une quarantaine de mètres du phénomène. Proche.
Cette conne de girouette fait alors encore des siennes. Tempête de souffre, scène deux, moteur, action!! Dans un réflèxe, je ne peux alors pas décoller mes yeux de cette chose qui ne me veut que du mal dans un délai très bref. Comme plus tôt, le nuage approche grondant. Mais, pas comme plus tôt, le vent, dans sa grande intelligence, a compris qu'il n'allais pas commettre la même erreur deux fois et envoye le nuage glisser de bas en haut à cinq bras de distance sans que jamais il ne vienne s'abattre de tout son poids sur moi.
Il n'en fallait pas tant pour que je prennes mes jambes à mon cou. Olivier pas loin derrière et moi, on quitte cet enfer merveilleux le plus vite possible quand je ne m'arrête pas pour prendre "allez, une dernière photo...". Trente minutes haletantes plus tard, on retrouve le sommet, sains ou presque, et saufs. Nos vêtements puent le souffre à des kilomètres. Edouard est là à nous attendre, on est déjà en retard pour retrouver les joies de la voiture...

Sur le parking quand même, la première chose à faire est de se soigner. Boissons fraîches et cigarette, rien de tel pour se remettre. C'est la première de la journée, ça s'arrose.

Puis il est temps de mettre les voiles. En à peine deux heures de routes défoncées passées à roupiller, il faut déjà descendre. La côte est de Java s'arrête là, il en est fini de sa traversée. Place maintenant à l'autre côté de l'étroit détroit, place maintenant à Bali. Fini le froid, finis les réveils intempestifs, bonjour la plage, bonjour les cocotiers, bonjour les hamacs! Mais pas à Bali... Pas comme Olivier qui va y séjourner, pas comme Maud et Edouard qui reste sur Java pour faire le chemin inverse vers Djakarta.
J'en ai presque fini des transports, presque. Pour bien faire, il faut encore que je traverse Bali d'Ouest en Est avec deux bus, que je prennes le bateau jusqu'à Lombok jusqu'à un nouveau bus et un nouveau bateau vers les îles Gili, apparemment un paradis sur terre pour backpackers, ma toute toute dernière étape asiatique à l'issue d'un marathon rocambolesque. Une douzaine d'heures tout au plus. Si je m'en sors bien, ce soir je dors les pieds dans l'eau ou pas loin.

J'ai en tête que le premier bus qui va vers Denpasar, principale plaque tournante à Bali, ne va prendre que deux à trois heures. Erreur, mille fois erreur. Il est 17h30 quand on franchit les portes de la gare routière, bien loin de mes prévisions obtimistes. Mais j'ai encore le temps d'avancer, j'ai la rage.
Je grimpe dans un transport collectif qui me conduit vers une autre gare routière, celle qui mène vers l'Est. ll est alors 17h50h et il n'y a pas grand monde au portillon. Ca sent pas bon non plus cette histoire... Un type vient m'accoster.

- Salut, tu viens d'où?
- Bonsoir, de France mais ce n'est pas la question! A quel heure est le prochain bus vers Padangbai (point de départ des ferries vers Lombok)?
- A 6h pourquoi?
- Ca tombe bien!!! Où est-ce que je peux le trouver?
- A cet endroit précis demain matin.

Nom d'un chien... Ca n'était pas 18h mais 6h... Je ne suis pas matinal, j'ai mal... Ne reste plus qu'à attendre que la terre ait fini de tourner jusqu'au lendemain...
En attendant, je dégotte une chambre d'hotel juste en face de la gare routière et m'y barricade, gonflé à bloc de savoir que ça y est, c'est sur, demain enfin, les pieds dans l'eau, tout ça.

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