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Suppression de la taxe professionnelle : l’exécutif ne doit pas sous-estimer le « risque d’opinion »

Publié le 23 novembre 2009 par Delits

Depuis quelques semaines, le monde politique se mobilise sur la suppression de la taxe professionnelle sans que le grand public ne se passionne pour ce dossier. Est-ce à dire qu’il n’y a pas pour le gouvernement de risque en termes politique et d’opinion ?

En effet, de prime abord, le sujet est technique et les Français ont du mal à se repérer dans l’enchevêtrement des compétences des collectivités territoriales. Ce dossier est néanmoins potentiellement dangereux pour l’exécutif car les maires, qui sont le plus directement concernés, sont les élus locaux les plus appréciés, les mieux identifiés… et les plus nombreux. S’ils se mobilisent, ils auront un pouvoir d’influence et de conviction sur l’opinion très important. Parallèlement à l’existence de ces très nombreux relais de terrain, la démonstration des opposants sera d’autant plus percutante et efficace qu’elle rentrera en résonance avec des représentations profondément ancrées chez les Français.

Dans le grand public, et suite aux prises de position des différentes personnalités politiques, la grille de lecture qui risque d’être majoritairement retenue est la suivante : après avoir « fait des cadeaux » aux banques à l’automne, le gouvernement en ferait aujourd’hui de nouveaux aux entreprises… Et selon le principe des vases communicants (chaque réforme fiscale étant décryptée à cette aune par les Français), ce qui est donné d’un côté, est repris de l’autre. En d’autres termes, l’idée qui va majoritairement s’installer dans l’opinion publique est que les ménages seront davantage taxés pour compenser le « nouveau cadeau fiscal aux entreprises».

Or, contrairement à l’impôt sur le revenu, les impôts locaux sont un sujet beaucoup plus sensible car quasiment tous les foyers en payent. Le gouvernement risque alors d’avoir à faire face à la même levée de boucliers que sur la TVA sociale (rappelons qu’à l’époque, Laurent Fabius, qui mène l’offensive pour le Parti Socialiste, était déjà à la manœuvre) ou sur la taxe carbone, qui a récemment causé des dégâts importants en termes de popularité.

Parallèlement à cette critique idéologique qui frappe la majorité sur un de ses points de fragilité, la fiscalité, l’opposition pourra facilement s’appuyer sur des exemples très concrets pour tenter de gagner la bataille de l’opinion. Si les Français sont peu au fait de la répartition des compétences entre collectivités, ils pourraient très rapidement percevoir, surtout si les maires entrent dans la partie, que certains services très appréciés dont ils bénéficient (aides sociales, subventions à la vie associative et sportive…) risquent de pâtir de cette diminution des recettes des collectivités locales. Il est en effet entendu pour une large partie de la population que la compensation promise par l’Etat est fortement sujette à caution, au regard de ses finances très dégradées.

Pour compléter cette énumération des risques politiques associés à ce vaste chantier, il convient de mentionner qu’il est perçu, dans certains milieux, comme un mouvement de recentralisation cela ayant pour effet de braquer les élus « girondins », dont une bonne partie a constitué de longue date un soutien de la droite traditionnelle dans certaines régions. A quelques mois d’échéances électorales importantes, ce projet technique, sous-tendu par une aspiration légitime (améliorer la compétitivité des entreprises et freiner les délocalisations) pourrait donc néanmoins avoir un coût politique important pour la majorité.


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