Rien de nouveau sous le soleil. Sans remonter à Mathusalem ou à Ramses II, suffit de lire les chroniqueurs du Moyen-Âge pour constater qu’on utilise toujours les mêmes vieux trucs. Pour attendrir le donateur, rien de tel que d’éveiller sa mauvaise conscience, vu que, judéo-chrétien indélébile, musulman fidèle, bouddhiste intransigeant, humaniste grand teint ou marxiste invétéré, on a tous des choses à se faire pardonner et on dira ce qu’on voudra, faire l’aumône ça n’allège pas seulement le porte-monnaie, ça calme toujours un peu les démangeaisons morales. La preuve, comme l’a si bien remarqué un anticlérical aujourd’hui disparu, la seule cérémonie commune à toutes les religions et à toutes les idéologies, c’est la quête.


Tous les coups, même les plus foireux, sont permis. Hier c’était : « Le boiteux ma pauv’ dame si c’était qu’vous voyez sa chaumine ! En vraie paille de seigle garantie d’origine qu’il est son toit !!! Et ça s’dit pauvre … » Aujourd’hui, on a « Françaises, Français, la concurrence profite de votre générosité pour s’acheter des parts de SICAV au Costa Rica et des hôtels Rue d’la Paix que si ça continue, tout ce vilain monde va aller direct en prison sans passer par la case départ, mais en ayant touché vos cinquante euros multipliés par x ! » Du coup je contemple avec mélancolie la plaque apposée en 1910 sur la première maison du village de Perrigny (près Auxerre) par le Conseil Municipal et qui proclame « La mendicité est interdite dans le département de l’Yonne » Seule modification souhaitée: remplacer sur la plaque « le département de l’Yonne » par « l’ensemble des médias. »

Je remarque d’ailleurs que la proposition du sympathique Monsieur Bergé de mettre en commun l’ensemble des fonds produits par les diverses manifestations caritatives aboutit, dans les faits, à créer, avec des contributions privées, une ligne budgétaire nouvelle dont l’administration risque d’être un peu compliquée.Qui décidera de l’affectation des fonds récoltés ? Comment recrutera-t-on les responsables dont il faudra garantir l’indépendance, la neutralité et les compétences aussi bien scientifiques que sociales ? Questions peu simples à résoudre et auxquelles je me déclare incapable d’apporter même un début de réponse.
Du coup, puisqu’il faut bien finir, et que je ne suis pas à une contradiction près, j’opte pour que subsiste, au côté d’une solidarité nationale restaurée et, donc, assurée de ses ressources, un espace charitable privé où chacun sera libre de choisir ses causes et de les soutenir comme il l’entend. Moi aussi, j’ai une mauvaise conscience à dorloter.
Chambolle
