L’autre jour, en rentrant, j’ai brusquement compris que nous n’en avions, tou-te-s, mes ami-e-s, plus pour très longtemps. Et qu’il fallait s’organiser en conséquence. Curieusement, ce n’était pas une pensée triste. Juste l’envie d’en découdre. Et d’envoyer valdinguer les conventions. Et de ne plus s’en laisser conter. Je me suis souvenu « des anges mineurs » d’Antoine Volodine, de leur désarroi, mais aussi de ces drôles de plaisirs qu’ils essayaient d’entretenir, malgré tout : « Les soirs de tristesse, je me replie devant un morceau de fenêtre. Le miroir est imparfait, il me renvoie une image assombrie qu'un peu de saumure trouble encore. Je nettoie la vitre, mes yeux. Je vois ma tête, cette boule approximative, ce masque que la survie a rendu cartonneux, avec une houppe de cheveux qui a survécu, elle aussi, on se demande pourquoi. Je ne supporte plus guère de me regarder en face. Alors je me tourne vers des détails qui se situent dans le noir de la chambre: les meubles, le fauteuil sur quoi j'ai passé l'après-midi à attendre en songeant à toi, la valise qui me sert d'armoire, les sacs qui pendent au mur, les bougies. En été, il arrive que l'obscurité du dehors soit transparente. On reconnait les étendues de débris où, pendant un temps, des gens ont essayé de cultiver des plantes. Les seigles ont dégénéré. Les pommiers fleurissent tous les trois ans. Ils donnent des pommes grises. » Rien de très joyeux, vous me direz… Justement, le pire serait de s’en contenter. C’est pourquoi les textes d’Antoine Volodine sont si forts…