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Après HADOPI, tout peut arriver…

Publié le 27 novembre 2009 par H16

L’actualité est parfois facétieuse : alors qu’en coulisse et pour continuer, la HADOPI, prochainement logée dans de très spacieux locaux, va avoir bien du mal à exercer son travail de répression sur les internautes utilisant des liaisons satellites, on apprend que l’assemblée va profiter de la prochaine loi dite LOPPSI pour tenter un filtrage massif du web comme l’affectionne tant certains improvisateurs technologiquement challengés du gouvernement…

Au détour de l’article précédemment linké, on apprend ainsi que le projet de loi propose d’instituer le blocage des sites Internet contenant des images pédopornographiques.

Rien que là, je pouffe.

En effet, on se rappellera qu’au titre de la loi qui existe déjà, la détention et à plus forte raison la publication de telles images, sur un site internet, sur des cartes postales, dans des catalogues papiers, en 4×3, sur des timbres postes ou dans une fanzine imprimée dans une arrière-cour glauque, bref, toutes ces opérations sont déjà rigoureusement interdites.

Nous sommes donc ici en présence d’une loi qui vise à filtrer, en amont, des contenus qui sont, de toutes façons, illégaux.

C’est surprenant.

Ce serait comme une loi qui déciderait de filtrer les colis piégés.

Rappelons que faire expédier des colis piégés est, en France (et très souvent dans le monde), interdit. Essayez, vous verrez : les gens n’aiment pas, ça éparpille du facteur partout, c’est très sale.

Et pour continuer l’analogie, la loi propose donc un filtrage, c’est-à-dire un procédé qui consiste à fouilloter dans les paquets pour s’assurer que ceux-ci ne contiennent pas de substances explosives. Au départ, bien sûr. Ensuite, on s’assurera discrètement qu’il ne contient pas un camembert d’importation (argh !) puis du vin de Californie (double argh !) pour enfin vérifier que le contenu n’est ni trop gras, ni trop salé, ni trop sucré…

D’une part, cela revient à admettre que la quantité même de paquets explosifs justifie la mesure et que donc, pour laisser tomber l’analogie postale, le nombre de sites pédo-pornographiques est si important que surfer sur internet est devenu un véritable slalom dans lequel Josette, paisible mère de famille qui veut s’acheter une paire de chaussettes en ligne, se retrouve harcelée par d’incessants messages lui proposant des sex-toys, des boxeurs thaïlandais de 40 ans en rut et autres gâteries douteuses graphiquement exposées pour son plus grand désarroi.

En réalité, Josette achète régulièrement des chaussettes sur internet et rien de tout ça n’arrive. On peut même admettre que dans 99.9% des cas, il ne se passe rien de plus que ce qui est prévu.

D’autre part, pour reprendre l’analogie postalo-tractée, s’il venait la fantaisie à l’un de nos sémillants politiciens de décider de filtrer les paquets au moyen, par exemple, de chiens renifleurs ou de détecteurs de métaux, le nombre de faux positifs, la quantité même de paquets à traiter, la probabilité d’un positif non détecté, et, surtout, l’atteinte possible et probable  à la vie privée rendraient l’ensemble de l’opération physiquement exorbitante et politiquement risquée.

J’admets que l’analogie n’est pas parfaite : des paquets (pas tous) passent par de tels procédés, notamment quand une douane est concernée. Soit. Ça en dit long sur le pouvoir de la douane, soit dit en passant …

Et dans ce cas, on peut noter qu’il serait tout aussi ridicule de filtrer les conversations téléphoniques au motif que certaines enfreindraient la loi (notamment celles qui planifient des attentats). Pour placer une écoute, il faut en passer par certains procédés légaux et juridiques. C’est à ce prix que tient encore une présomption de liberté d’expression en France (j’insiste sur présomption).

Cependant, pour internet, ces précautions tombent : une petite loi, et youpla, non seulement on va pouvoir sniffer du paquet comme un joueur de foot brésilien, mais on va aussi aller plus loin en imposant que les fournisseurs d’accès deviennent des maillons actifs de la surveillance.

Je suppose que puisque c’est Internet et que ce sont des paquets de bits, on peut.  Eh bien non, M. Hortefeux, si vous me lisez, ce n’est pas un message pornographique subliminal, et non, on ne peut pas plus qu’avec les conversations de Mamie Josette ou le courrier de n’importe qui d’autre. C’est un principe de base. Céder là-dessus, au prétexte naïf et niais que c’est pour le bien de tous, et qu’il y a du danger dans ce bas monde, c’est ouvrir bien grand la porte au reste. C’est, littéralement, des petits coups de marteaux portés vigoureusement sur la viande (du mouton-citoyen, ici) pour l’attendrir avant le grill.

Mais même en poussant ces considérations morales de côté, il reste un aspect technique fort gênant : tout ceci va coûter fort cher, coût qui sera reporté sur le consommateur et qui va donc enquiquiner un maximum de personnes, ralentir tout le bazar en France, et … être bien peu efficace : en effet, cacher des données est relativement facile. Le filtrage attrapera les imbéciles et les nigauds, tout comme, par exemple, les radars routiers fixes attrapent ceux qui ne les connaissent pas. Et les autres, l’énorme masse des autres (ceux qui font bondir des millions de popup d’éphèbes thaïs au nez de Josette), ils passeront au travers. Zut.

En outre, les résultats obtenus par la cyberpatrouille, dédiée à la traque des prédateurs sexuels sur internet, parlent d’eux-mêmes : 315 contacts en 10 mois, et … 13 personnes déférées à la justice. Soit, à la louche, une par mois. Pendant ce temps, les incestes ou viols sur mineurs dans le monde réel, perpétré par un proche direct de la victime, sans l’aide de petits paquets internet, c’est nettement plus de 315 par mois.

Après HADOPI, tout peut arriver…

Bref :

  • sur le plan moral, c’est particulièrement discutable, et ça nous promet des suites « croustillantes »,
  • sur le plan technique, c’est assez inutile puisque contourné en deux petites minutes de recherches (Tor, anyone ?)
  • sur le plan résultat, c’est un échec garanti.

Sur le plan médiatique, en revanche, c’est carton plein, comme d’habitude : esbroufe, strass, paillettes, agitation cosmétique et grands mouvements de bras, grandiloquence des jours historiques et des zeures les plus sombres de notre histoire, tout y est : il faut du Loppsi dans la vie pour remettre du … mordant, disons, là où ça mollissait.

Et pendant ce temps, la criiiiise continue.


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