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Dechavannes dans Le Monde : "J'comprends pas"

Publié le 27 novembre 2009 par Pguillery

Je n'ai jamais vraiment eu d'opinion à propos de Christophe Dechavannes : sympa, pro et animateur d'émissions commerciales. Je connaissais son engagement contre le sida. Depuis quelques jours je suis avec curiosité son coup de gueule. Il ne se dégonfle pas : après sa sortie sur Canal+, il a acheté une page dans Le Monde et il écrit des trucs avec lesquels nous pouvons (je crois) être nombreux à être d'accord. La société civile prend la parole : intriguant. Ce type utilise son argent (plusieurs dizaines de milliers d'euros sans doute) pour dire sa révolte. Chapeau.

"Je n'ai pas un intérêt particulier pour le football, mais j'aime la compétition quand elle est difficile et digne. Je n'aime pas les petites victoires – encore moins quand elles sont l'issue d'une tricherie. Alors cette main baladeuse gagnante et célébrée dans l'instant avec allégresse est pour moi le symbole de ce que je ne supporte pas dans la société où j'évolue, dans cette société où mes enfants grandissent et où, à longueur de temps, on nous donne des leçons pour nous dire ce que l'on doit faire.

J’comprends pas. Il est très difficile, au nom de la morale sans doute, de faire installer des distributeurs de préservatifs dans les établissements scolaires. Il me semble pourtant que le VIH est dangereux pour la santé.

J'comprends pas. Le ministre de l'éducation nationale refuse le projet de Ségolène Royal qui consiste à fournir des chèques contraception aux jeunes filles mineures pour qu'elles puissent consulter gratuitement et se faire prescrire ainsi des pilules pour ne pas tomber enceinte en cas d'aventure amoureuse "incontrôlée". Pourquoi ce refus ; pour la morale ?

J'comprends pas. Dans ces mêmes écoles, il faudrait chanter La Marseillaise – une vraie urgence, bien sur, quand on sait qu'il y a peut-être près de 50.000 porteurs du VIH qui ignorent leur état. Il faudrait installer un couvre-feu pour les enfants de 13 ans, et laisser les parents se débrouiller avec eux, sans assistance pour les aider dans leurs difficultés de vie qui les poussent à baisser les bras. Depuis un "certain temps", les pages politiques des quotidiens sont un peu confondues avec les chroniques judiciaires (un ancien président de la République mis en examen, un ancien ministre de l'intérieur condamné et un ancien premier ministre qui clame son innocence devant un procureur qui l'accable). Les garants des institutions à la barre du tribunal.

J'comprends pas. Depuis que je suis petit, on me dit que la France est une terre d'asile : j'étais fier. Aujourd'hui, on renvoie des Afghans dans leur pays en guerre, où ils risquent de se faire tuer à leur arrivée, comme cela s'est produit pour l'un d'entre eux qui s'était refugié en Australie. Les prisons françaises sont surchargées et dans un état, pour certaines d'entre elles, qui rappelle le Moyen Age. Et que dire aussi de la situation épouvantable de certains hôpitaux et de la manière dont on traite les infirmières. Où est le respect de la personne humaine ?

On lutte contre le surendettement qui ruine des familles, et les jeux de casino vont bientôt arriver sur nos ordinateurs. Ils étaient interdits parce qu’immoraux. Quand ils seront accessibles, un faux espoir brillera dans l’œil de ceux qui sont à la peine, avec les résultats dramatiques que l'on peut imaginer. Est-ce un nouvel impôt sur les pauvres ?

J'comprends pas. Des milliards d'euros sont en stand-by dans les coffres de quelques banques (peut-être même de celles qui ont reçu des aides de l'Etat pour ne pas sombrer) pour les traders, pour leurs primes. Il m'avait semblé lire ici et là que tout ça était du passé... Car ce n'était pas moral. Voilà pourquoi je me demande quelle est cette société dans laquelle je vis et où grandissent mes enfants. Dans quel pays je vis ?

J'comprends pas. Un président de fédération sportive, M. Escalettes, qui devant des millions de téléspectateurs enlace le sélectionneur (qui lui-même exulte) de l'équipe qui s'est qualifiée après un match nul, gagné en profitant d'une bonne main, excluant, en trichant, l'Irlande qui avait la possibilité de concourir dans la compétition mondiale de belle manière. En outre, ni ce président ni ce sélectionneur n'ont eu un mot pour soutenir Thierry Henry, qui n'est certainement pas un tricheur dans l'âme, et qui se retrouve seul à endosser la responsabilité de cette stupide faute... Quel est ce pays qui accepte de se présenter aux yeux du monde comme un arnaqueur ? Notre image n'avait certainement pas besoin de ça.

J'comprends pas. Quel est le plaisir de gagner sans vaincre ? Je suis pilote de course, et jamais l’idée de monter sur le podium en mettant dehors celui qui est devant, dans le dernier virage, ne m'a effleuré. Que vont faire les milliers de bénévoles qui partout en France essayent d'aider des mômes en difficulté en les immergeant dans le football pour leur montrer que tout n'est pas moche, en fait. Quelle va être la référence maintenant ? Les images de cette victoire ? Difficile d'expliquer à des jeunes qu'il faut se conduire bien avec cet exemple navrant.

J'comprends pas. Évidemment que ces 800.000 euros de prime que la fédération doit donner à Raymond Domenech doivent être versés à ce milieu associatif qui, par le football, montre un nouveau chemin à ceux qui sont dans une impasse. Parce que ces euros-là sont dus pour une victoire volée, donc ils le sont aussi. Ces bénévoles doivent être malades de cette image dramatique qui ruine leur travail installé au fil des ans. Moi aussi.

J'entends dire ici ou là que « C'est étrange que certains (ma pomme) se mettent à s'occuper du sort de la société ». Je suis étonné, moi, que certaines voix qui crient à l'inégalité sociale ne soient pas plus actives. Qu'elles ne tiennent pas plus de tribunes, qu'elles ne fassent pas plus de bénévolat, qu'elles ne s'inscrivent pas plus dans l'acte plutôt que dans le propos. « Ah c'est sûr ! De quoi il se mêle, l'animateur de jeux, (bien) payé pour faire des conneries ? Qui est-il pour se mêler de ça ? Bien sûr que c'est pour se faire de la pub. » Ceux qui disent cela ne savent pas. C'est plus facile et moins risqué de fermer sa bouche que de parler dans cette société moderne là. Je ne m'exprime pas que pour déranger, mais parce que certains lièvres doivent être levés. On peut se laisser dormir – moi je préfère rester éveillé."


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