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De Florence à Sienne

Publié le 30 octobre 2007 par Argoul

Je reviens dans cette ville qui ne m’avait pas laissé une forte impression dans son apparence extérieure. Autant ses musées et ses églises regorgent de richesses artistiques, autant l’espace urbain apparaît aujourd’hui étriqué, manquant de lumière et de perspectives. Je reviens en cette ville comme première étape pour une randonnée dans les collines de Toscane, de Florence à Sienne, sur « le chemin du Chianti ».

A la gare Santa Maria Novella de Florence, le rendez-vous avec le groupe est fixé dans « la » salle d’attente. En fait, il y en a deux et certaines se trompent. Nous parvenons quand même à nous retrouver et Denis, notre jeune guide pour la randonnée, nous conduit aussitôt à l’hôtel Delle Nazioni, via Luigi Alamanni, tout près de là. Nous y laissons nos bagages et nous voilà partis pour explorer la ville.

Nous commençons par l’église blanche et verte de Santa Maria Novella à la façade du 15ème siècle, mélange de gothique et de Renaissance. J’écoute peu les informations historiques - elles sont imprimées dans les guides - mais je regarde. Je me familiarise à nouveau avec ce style classique et exubérant à la fois de la Renaissance gorgée de vie et de savoir. Epoque d’effervescence démographique, exploratrice, marchande, artistique, dont nous n’avons plus idée dans nos vieux pays fatigués d’aujourd’hui. Le temps est frais, humide d’automne. L’entrée de l’église est payante. Encore une nouveauté, comme l’interdiction de photographier, désormais, dans tous les musées. Une régression mercantile choquante. Mais comme nous sommes dimanche et qu’une messe se prépare, nous avons accès à l’entrée. Y veille une harpie dont Dieu paraît la propriété exclusive, jouant les kapos parce qu’on lui a confié le minuscule pouvoir de ne donner accès qu’aux gens qui se rendent près de l’autel pour entendre la messe - et surtout pas aux touristes qui prennent l’église pour un musée. J’agrée le fond mais non la forme. J’ai toujours méprisé les petits chefs – surtout au nom de Dieu.

Nous poursuivons par la chapelle des Médicis, cette famille de médecins (origine du nom), qui ont connu l’ascension sociale traditionnelle, devenant marchands, puis banquiers, enfin mécènes, avant de se trouver ruinés par des placements hasardeux. Grandeur et vitalité du capitalisme. Contournant la place, où se tient un marché fort garni de vestes de cuir, nous abordons l’entrée de San Lorenzo, l’église paroissiale des Médicis. La façade a été laissée brute parce que le projet de Michel-Ange a été refusé par la famille. L’intérieur est austère, tout en blanc et gris, à l’antique. Brunelleschi s’en est occupé. Sept arches mènent au chœur dont le fond est la chapelle vue tout à l’heure. Nous apercevons de loin les chaires en bronze de Donatello dans la semi pénombre de l’église.

Nous nous rendons dans la Bibliothèque Laurentienne, dont le cloître est si reposant en pleine ville. Un oranger y pousse en son milieu, mais un panneau défend absolument d’accéder au jardin et surtout de « cueillir les oranges ». A lire ces proses comminatoires, dispersées un peu partout dans la ville, avec l’enflure de style et la longueur des tournures de la langue italienne, il semble que les touristes soient la plaie de l’endroit, une horde sauvage et déprédatrice qu’il faut canaliser et policer. En cet automne, il y a peu de cette engeance habituelle dans la ville. Nous rencontrons surtout des Français, venus avec enfants car les vacances scolaires viennent de commencer. Nous ne verrons rien de la bibliothèque dessinée par Michel-Ange, seulement le soleil qui inonde le cloître, voué à l’étude. Cosme l’Ancien, qui l’a fondée, voulait y conserver toutes les productions de la pensée humaine, en prédateur de Raison qui se voulait « maître et possesseur de la nature ».

Une rue plus loin, et nous voici face au Duomo. Denis nous rappelle qu’il ne faut pas le traduire par « le Dôme », mais par « la Maison de Dieu », Domo Dei en latin. Les filles ont envie d’un café – c’est la première envie d’une longue série au long de cette semaine. La pâtisserie Scuderi ouvre ses portes justement à un angle de la place, proposant ses sucreries, ses bonbons, son comptoir étincelant où flotte l’odeur chaude et épicée du moka. On passe à la caisse avant même tout service, cet aspect près de ses sous est bien digne d’une cité de marchands. On paie pour un centimètre de hauteur dans la tasse d’une mousse noire et ocre, brûlante et âcre. Tel est le caffè à l’italienne. Si nous le voulons « normal » (pour nos goûts), il faut le demander lungho – « allongé » ; nous avons alors un expresso à la française. Dilué, cet expresso sera dit allongé à Paris et sert de breuvage habituel du petit-déjeuner. Encore plus dilué, ce sera un café américain, aussi transparent que du thé, et insipide sans le lait qui l’accompagne toujours. Autre pays, autres mœurs.

Je quitte le groupe pour le reste de la matinée, désirant revoir l’Académie. La queue des visiteurs se répand sur les trottoirs, mais elle est artificielle et se résorbe très vite. Malgré le panneau – toujours comminatoire – engageant à présenter l’appoint pour obtenir son billet d’entrée, la caisse vous rend sans problème la monnaie.

Soixante-dix artistes florentins ont fondé cette première Académie des Beaux-Arts d’Europe en 1563. Y trône surtout Il Ragazzo, le célébrissime David de Michel-Ange. C’est un grand marbre des collines de Carrare de 4 m 34 de haut, longtemps abandonné aux intempéries en pleine rue de la ville, avant d’être mis à l’abri ici en 1873. Il reste le plus beau mâle occidental jamais sculpté de 1501 à 1504. Il a cinq siècles et reste toujours aussi maîtrisé, les canons de la beauté masculine n’ayant pas évolué dans nos goûts tant ils ont été façonnés justement par la Renaissance, qui se voulait héritière de la Grèce. David est impressionnant de vigueur sereine, de force contenue, d’énergie irradiant des muscles et du regard, la posture nonchalante en déséquilibre comme s’il allait bouger à la seconde même. C’est d’ailleurs ce qu’il fit devant Goliath, tirant plus vite que son ombre. Il est la volonté dominée par la raison. Il a le torse droit, la poitrine ferme comme un bouclier, légèrement inclinée sur les hanches, équilibrant une jambe fermement plantée au sol et l’autre en avant, énergie dans le mouvement. Il porte sa fronde sur l’épaule, négligemment, le regard attentif, prêt à agir. Goliath n’a qu’à bien se tenir. Des adolescents italiens en groupe rient nerveusement de ses biscotos et de son ventre nu exposé aux regards. Ils sont impressionnés, admiratifs, et veulent le cacher, par pudeur autant que parce que les mœurs d’aujourd’hui voient aussitôt une déviance sexuelle dans toute manifestation d’admiration d’un homme pour le corps d’un autre homme. L’un des adolescents, masqué par ses copains, réussit une photo en catimini alors que les gardiens surveillent. Il est inscrit « « no foto » sur tous les murs. Le garçon est fier de son exploit comme s’il avait arraché un autographe de star.

Je repasse les Captifs de Michel-Ange qui tordent éternellement leur corps pour émerger du marbre depuis 1518, afin d’accéder aux salles de peinture religieuse du 13ème siècle jusqu’à la Renaissance. La Vierge Marie est toujours surprise, parfois même choquée, de la Proposition de l’archange dans les Annonciations. Elle ne peut retenir un mouvement de retrait très humain. Si je la préfère une fois Mère, mignotant le Bambin, la Vierge effarouchée est souvent attendrissante.

Le rendez-vous a été préalablement fixé pour déjeuner à la pizzeria Ghibellini, place San Pietro Maggiore. Le soleil s’est bien levé mais le fond de l’air reste encore humide des miasmes de l’Arno qui coule en contrebas. Le vin de Chianti – le pot de la maison – est alors bienvenu pour réchauffer corps et esprits. Mais ce vin rouge de la maison est un peu vert. C’est comme d’habitude un vin de l’année, vite vinifié, vite consommé, pas fait pour se garder. Nous sommes servis par un ragazzo local fier, moulé dans un étroit tee-shirt un peu léger pour la saison. Les autres commandent des pizzas, moi des pâtes, de fameuses torticelli alle quatre fromagi y trufo. Ces gros raviolis (pour faire simple) sont fourrés de fromage et d’herbes, cuits al dente et arrondis d’une sauce aux champignons et au parmesan crémeuse et parfumée. Encore un caffè par-dessus, et nous voilà repartis.

Firenze is a splendid city in Italy. I stay just for one day during a one week trek from Firenze to Sienna. So many arts must be seen in the city! We select only the Santa Maria Novella church, the Medici chapel, the Laurent’s library, il Duomo and the Academia where David is staying nude, in marble, and many Virgins are painted.


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