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La finance confisquée

Publié le 29 novembre 2009 par Alains

Qui aurait imaginé, il y a quelques années, les montants engagés pour nous tirer d’affaire de cette nouvelle crise financière ! Funeste avatar de l’ère des turbulences financières si bien orchestré par Greenspan. Illustration sans précédent du soutien en dernier ressort des banques centrales qu’elles ont mis en œuvre une nouvelle fois (routine oblige)dans un premier temps avant de faire appel, car cela n’a pas suffit, au soutien inconditionnel des gouvernements du monde des plus puissants de la planète. Faisant ainsi mentir l’histoire : A l’impossible financier les pouvoirs publics de tous pays sont désormais tenues.

Sept mois après, nous nous relevons comme lors d’un cauchemar. Agité par les peurs d’une réelle dépression qui touche les économies mondiales, et pourrait déboucher sur les aspectsles plus noirs et cruels des grandes crises économiques : la surproduction, le chômage, l’effondrement de pan entier des activités actuelles et la lente mise en place des activités nouvelles, la montée de la pauvreté et des décrochages sociaux, la paupérisation des classes moyennes. En ayant à l’esprit les craintes de graves débordements politiques qui remettraient en question pour plus d’une génération notre démocratie participative.

Sortons-nous transformé de cet incident majeur ? Sans doute oui. Il est trop tôt pour savoir réellement en quoi ces événements vont changer nos vies de passionnés de la finance ou d’homme de la rue. Il est bien trop tôt pour tirer les conséquences personnelles et collectives de cette dernière panique boursière et financière. Depuis quelques semaines, nous sommes tout juste ahuri d’être encore là, à avoir échappé à la fin d’un monde. Nos habitudes se sont réinstallées, sans autre forme de conscience. Presque comme si de rien n’était. A tel point, que les professionnels réfléchissent déjà à quelques scénarios de sortie de crise.

Certes, nous avons la possibilité d’aller de l’avant : Encore pour quelques temps, nos économies figurent parmi les plus puissantes du monde, le dispositif de stabilisation économique et financier nous semble durable. Installé pour deux ans au moins, il devrait permettre de se remettre plus rapidement et la reprise des spécialisations mondiales ferait désormais le reste. Mais avant tout, il sera nécessaire de créer de la richesse durable. Et force est de constater que le soutien de la demande globale national, européen ou mondial n’est pas encore gagné malgré tous les soutiens monétaires, budgétaires et fiscaux.

Cependant, nous avons du mal à nous faire une idée des efforts qu’il faudra consentir pour rembourser un jour les montants colossaux des capitaux qu’il a fallu mobiliser. Des trillions de dollars provenant du doublement ou du triplement des déficits publics, et du doublement du bilan de la plupart des banques centrales etc.

Seule s’impose à la base de notre stabilisation : le retour rapide de la santé des banques et des institutions non bancaires (qui est désormais d’intérêt international). Elles devront assurer les transferts d’épargne vers l’investissement des régions à excédent vers les zones déficitaires en capitaux et la bonne fin de toutes les opérations financières. Elles devront faire de même au sein de chaque pays, captation de l’épargne et redistribution sous forme de prêts et placements.

Ce n'est pas cet aspect de la confiscation de la finance dont j'aimerai traité ici, mais plutot celui qui traite des activités de la banque française passée.

Nous sommes nous demandés pour quelles raisons en une dizaine d’années, notre système d’intermédiation captait une part croissante du profit des entreprises françaises ? Si il était normal que notre système d’intermédiation représente 15% des profits de nos entreprises pour seulement 3% de notre PIB ? Nous militerions pour moins de profits et plus d’utilité économique… Et partant pour une modification des activités bancaires à direction du redéploiement économique

Ce soutien indéfectible aux banques nous fait courir un risque non négligeable de voir d’une part, apparaitre de nouvelles aberrations nées de la rationalité toute humaine de ses salles de marché ou d’autre part que perdure l’accaparement d’une part non négligeable de capitaux dédiés à leurs activités propres. Au dépend du plus grand nombre. Des entreprises aux ménages et partant de l’économie tout entière. Il en va du soutien des activités traditionnelles, du financement de l’Etat et du redéploiement vers les nouvelles activités du tertiaire et du quaternaire de demain. Et sommes toutes du financement des Pme et des emplois d’aujourd’hui et de demain. Et aussi de celui de l’Etat et des grandes entreprises. Tout un programme.

Il faudrait déjà que les banques réduisent certaines sources de « profit excessif »,  voir « facile » :

·le financement des bilans bancaires par leurs propres fonds monétaires, en faisant bénéficier les porteurs d’une partie de la marge de crédit ainsi financé,

·les marges exorbitantes du crédit à la consommation court terme, qui ne tiennent compte aucunement du risque de défaut des épargnants, et conduisent les plus faibles au surendettement,

·les ponctions sur l’épargne longue sous forme de droit de souscription et frais de gestion qui peuvent aller jusqu’à la moitié des rendements long terne de l’épargne,

A chaque fois, le fait de faire payer très cher un service ou se permettre l’accès à une source de financement bon marché aboutit à une distorsion de marché et une mauvaise allocation des capitaux. Dans ces cas d’espèce, les sur profits ralentissent ou empêchent de nouvelles opportunités de création de richesse :

·Faire payer très cher les excédents de trésorerie journaliers de ses comptes courants, réduit le pouvoir d’achat de ses clients.

·Capter environ la moitié de la performance d’actifs risqués de sa clientèle sans risque déséquilibre quelque peu la décision d’investissement des épargnants ; actuellement, la banque récupère sur un fonds actions, la moitié de la performance long terme de ce type d’actif ; pas étonnant qu’une étude scientifique constate que les épargnants ne placent pas leurs capitaux correctement.

·Proposer des produits garantis ou à formule en récupérant un partie de sa marge dans le prix de l’option du fonds lancé fixe un résulta à la banque sans performance réelle du placement.

·Loger des créances dans des véhicules d’investissement sans réels débouchés. L’investisseur final étant soit la banque, ou les détenteurs de billets à court terme. Avec les excès que l’on pu constater et les dégâts irrémédiables pour de nombreuses banques et nations au final.

Il faudrait aussi établir la vérité des prix. Tant que dans une économie actuelle, qui comporte un secteur tertiaire de plus de 70% le prix du service ne sera pas clairement exprimé, et consenti par le client, nous aurons un problème collectif d’affectation de nos ressources rares. Il serait nécessaire d’aboutir à une externalisation du prix du service d’intermédiation. (Je défie quiconque de me dire combien sa ou ses banques lui prennent globalement chaque année, malgré les nouvelles dispositions légales).

On connait l’argument en appui : les français ne paient pas le service….et il ne change pas facilement de banque.En soit, c’est vrai. Mais, que d’excès ont été pratiqué dans un grand nombre de domaines en suivant cette idée. Et ce malgré, l’application des directives européennes. Pourtant, s’ils constataient le prix réel, nul doute que les marges bancaires devraient vraiment baisser.

Mais ou donc est passée la finance utile ? Celle qui s’engage à prêter pour assurer les besoins en fonds de roulement, les investissements ou à participer à la levée de fonds propres d’entreprise responsable participant ainsi au recentrage ou au décollage des activités réelles. Je nous rassure ces activités existent. Mais au regard des profits potentiels de la finance de marché ou de la gestion de fonds, elles n’étaient pas assez rentables hier. Elles le sont aujourd’hui pour assurer la transition économique dans la durée. Mais, gageons que le chemin sera dur.

Je ferai le pari qu’une réaffectation des activités stériles mais lucratives ci-dessus permettraient de répondre favorablement aux besoins de financement des entreprises de toutes tailles, dont nous savons que les plus petites sont les employeurs principaux sur lesquelles reposent l’amortissement du choc social, qui va se dérouler sous nos yeux dans les prochaines années. Actuellement, c’est sans doute dans ces activités que la crise aura marqué les personnels (de terrain) d’où qu’ils proviennent: ceux des banques, la direction des sociétés, les fonds d’investissement de private equity, les chambres de commerce et les tribunaux. Il n’est pas facile d’avoir à réduire la trésorerie des entreprises sur ordre de Paris au moment ou elles en ont le plus besoin et bien entendu de constater en tant que clients l’incapacité de ses fournisseurs bancaires à assumer en partenaire les vicissitudes de la récession.

J’appelle aussi de mes vœux dans le domaine de la gestion pour compte de tiers l’ouverture réelle des réseaux à la concurrence des gestionnaires externes, qui passent d’abord par l’acceptation d’une baisse du prix du service de moitié et la mise en place d’une réelle capacité de conseil de placement et d’arbitrage des portefeuilles de la clientèle à la hauteur. Je n’irai pas toutefois comme le pense certains banquiers classiques jusqu’à l’abandon total de cette activité par les banques. L’épargnant paye cher le pouvoir de distribution impressionnant par ailleurs des réseaux bancaires et n’a pu se défendre des carences des conseils bancaires et assurantiels sur leur portefeuille financier qu’en concentrant ses avoirs pour moitié en monétaire. Ce qui n’arrange pas forcément la formation des fonds propres de nos entreprises….

Dans le domaine du crédit court terme, je n’ai jamais compris comment il était possible de faire payer des marges de 11% à 15% uniforme pour tous les clients de réseaux bancaires ou d’ institutions spécialisées à cet effet. A priori, à ce prix là, on équilibre les clients qui remplissent leurs contrats et ceux qui entrent dans une spirale négative d’emprunt supplémentaire pour rembourser les intérêts de leurs dettes ; ces derniers finissant par accepter soit de restructurer un crédit à la consommation normale, soit de constituer un dossier de surendettement. A ce jeu, ce sont les plus fragiles qui sont les perdants. Espérons que l’établissement d’un fichier central suffît à réduire la masse des emprunteurs à gros problème. La mise en place d’un système de marges de crédit dépendant du risque du client est une solution.

Je fais confiance à l’avenir, et ne doute que les banques ne fassent dans la durée les mutations nécessaires dans un grand nombre de domaine : la formation du personnel (vive la certification), le renforcement des capacités d’analyse et de diagnostic et de décisions locales qui pourraient répondre aux nouvelles exigences du redéploiement économique.

Reste qu'avant cela, il vaudrait mieux comprendre pourquoi les clients (nous) ont pu consentir la palette de services bancaires actuels. Car si il y eu confiscation de la finance, nous y avons tous librement consenti. (A suivre)

Jean Christophe Cotta, Allocation & Sélection


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