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Le Nord va bien, merci !

Publié le 10 février 2009 par Emmanuel

“Nous connaissions ces soirées habituelles, à Boulogne ou à Avesnes-sur-Helpe. Des soirées-bières où on invite les voisins, on boit beaucoup, on joue aux cartes ou au jeu de l’oie, et où le gagnant peut choisir une petite fille, avec l’accord des parents.” “Là-bas, ce ne sont pas des psychologues qu’il faut envoyer, mais des sociologues ou des ethnologues” Didier Beauvais, avocat à la cour de Cassation

Ces propos auraient été tenus lors des auditions du juge Burgaud dans le cadre de l’enquête disciplinaire sur l’affaire d’Outreau, Outreau qui comme peu le savent finalement, est une petite bourgade de bord de mer dans la périphérie de Boulogne sur Mer.

Les sphères politiques de la région Nord-Pas-de-Calais sont quasiment immédiatement montées au créneau, réclamant des excuses publiques et une procédure disciplinaire à l’encontre de ce personnage. Bien sur, il faudra faire la preuve que ces propos ont bien été tenus, et à ce titre je me garderai bien de lancer un jugement moral définitif, n’étant pas moi-même un petit juge d’instruction se laissant porter par la vindicte populaire.

Si cependant ces propos ont bel et bien été prononcés, je dois dire qu’ils ne me font pas rire. Pas du tout. A double titre. En tant que Nordiste et en tant qu’ethnologue de formation.

Je ne comprends pas comment l’on peut laisser à penser qu’une composante culturelle d’une part importante de la population française pourrait se laisser aller à de tels comportement, sinon en ayant oublié de se servir de longue date de ses derniers neurones… Comme si le mélange alcool, misère économique, misère sociale et atavisme culturel pouvait engendrer de tels faits de manière largement répandue. Serait-ce oublier que si ces faits-divers existent bel et bien, ils ne sont pas l’apanage d’une région, d’un peuple, d’une culture ou d’une catégorie sociale. La perception de la pédophilie a évolué à travers les contrées et les âges. Elle était socialement justifiée dans l’occident grec, avant de devenir dans le discours des élites une tare des miséreux.

Elle est longtemps resté un tabou dans les mots, pour être enfin stigmatisée dans les faits comme un phénomène inacceptable, au même titre que la violence faites aux femmes. Pas besoin de chercher bien loin pour se rendre compte qu’elle est un phénomène largement répandu en France sur tout le territoire national et dans toutes les couches de la population.

Faut-il remémorer ces affaires de juges pris la main dans le sac en possession de milliers d’image pédo-pornographiques ? Faut-il rappeler ces histoires de moeurs de notables de province, notaires, avocats, huissiers, abusant de jeunes filles à peine pubères pour quelques billets, satisfaisant ainsi leur perversité chronique ?

Faire appel à l’ethnologie ou à l’ethnopsychiatrie est encore plus pervers, car c’est tenter d’instrumentaliser une discipline scientifique déjà fragilisée par une certaine forme de bien-pensance en lui demandant de confirmer par sa légitimité scientifique un préjugé grossier sur une caractéristique soi-disant culturelle. Encore une fois, la pédophilie touche a priori toutes les catégories socio-professionnelles : laisser à penser qu’elle touche des catégories exclusivement populaires, en stigmatisant une région donnée, est parfaitement vomitif, parce que cela fait appel aux visions les plus nauséeuses et les plus méprisantes du déterminisme renvoyant les pauvres à leur condition sans autre forme de procès, en les parquant dans un ghetto imaginaire fait d’alcool, de crasse, d’ignorance, d’abjection sexuelle, et si possible dans une contrée déjà largement stigmatisée pour la prétendue noirceur de ses murs et de ses ciels, pour la prétendue rusticité de sa langue, par ailleurs reconnue comme telle par le Conseil de l’Europe, ou pour la prétendue pauvreté spirituelle et matérielle de ses habitants.

Je ne me permettrai pas d’être grossier envers la personne incriminée, puisqu’elle tente de faire valoir certains arguments. Je dis simplement que j’en ai marre que l’on s’en prenne aux couches populaires quand il faudrait aussi regarder avec plus d’acuité son voisin de cocktail, que j’en ai marre que l’on s’en prenne à ma région, aussi, surtout de la part de dégénérés n’ayant qu’une connaissance géographique et sociologique approximative de ce qui dépasse leur champs de vision étroit du 5ème arrondissement parisien ou de leurs bureaux miteux de fonctionnaires étriqués de sous-préfecture.

Mes enfants par mes origines sont aussi des enfants du Nord. Je veux qu’ils soient, aussi, fiers de ces racines. Cela dépasse l’idée des imbéciles heureux nés quelque part, c’est une simple logique de possiblité de construction de soi dans une -des- histoires familiales et culturelles qui ne seraient pas entâchées de suspicions entraînées par la bêtise crasse de quelques supporters haineux ou de quelques bourgeois imbéciles.

C’est une question d’honneur. Il n’y a pas qu’en Corse ou qu’en Albanie qu’on connait ce mot et cette valeur.


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